Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de Cendre

Partie 20

Adrissa se tenait devant l'immense cheminée de la salle de réception, dans laquelle elle avait fait dresser le couvert pour trois personnes. Elle avait installé la jeune femme au premier étage dans l'une des chambres réservées aux invités et fait reprendre une de ses robes pour la princesse.

Elle quitta la chaleur du feu lorsqu'elle entendit les pas de son fils résonner dans le grand escalier. Elle le rejoignit au pied des marches. Eliam était lavé et rasé. Sans sa chevelure et sa barbe hirsute, elle remarqua à quel point il avait maigri. Elle détailla attentivement ce visage qu'elle avait tant attendu. Durant ces quelques mois de guerre, Eliam semblait avoir plus vieilli que pendant ses longues années d'absence. L'homme qui rentrait aujourd'hui n'était pas le fils qui était parti.

- Que se passe-t-il Eliam? demanda-t-elle quand il fut à sa hauteur.

Sous son regard scrutateur, le jeune prince se demanda ce que la perspicacité de sa mère avait déjà deviné.

- J'ai découvert la princesse au hasard d'une ballade, je l'ai ramenée sans savoir qui elle était. J'ai appris son identité lorsque je l'ai présentée au Roi. Nous avons informé Elenith de la capture de leur héritière. Il n'y a eu aucune réaction. J'ai donc été chargé de la ramener à Estran, sa présence rendait les hommes nerveux.

- Pourquoi ton père te l'a-t-il confiée ?

Eliam ne répondit pas, un froissement de tissus le fit se retourner. Ses yeux se posèrent sur la silhouette de Garance, il en eut le souffle coupé. La jeune femme descendait l'escalier vêtue d'une robe de velours cobalt, rehaussant son grain de peau et sa chevelure de jais. Elle enserrait sa taille incroyablement fine et s'évasait sur ses hanches. Le regard du jeune homme remonta doucement le long de la silhouette jusqu'à croiser ses yeux de cendres qui lui poignardèrent le coeur, ces prunelles n'étaient que dureté et froideur. Mais que pouvait-il faire ? Il ne pouvait se permettre un sourire, un geste tendre. Quelle interprétation en ferait sa mère ? N'avait-elle pas déjà remarqué comme la jeune femme l'avait subjugué ? Il fit volte-face, avant que la jeune femme n'atteigne la dernière marche et ne se retrouve trop près de lui.

- Mère, je meurs de faim. dit-il en entrant précipitamment dans la salle de réception.

Le dîner fut une véritable torture pour Eliam qui se mura dans le silence. Garance était placée face à lui, le regard figé dans son assiette, une mèche échappée de son lourd chignon caressait sa joue dont il connaissait et rêvait la douceur. Le couvert glissa entre ses lèvres purpurines et Eliam faillit en échapper son couteau. A cet instant, leurs regards se croisèrent et il bénit la largeur disproportionnée de la table, car il ne manquait plus qu'un effluve de son parfum pour qu'il ne perde toute contenance.

- Eliam ! M'écoutes-tu ? demanda la Reine Adrissa.

Le jeune prince tourna vivement la tête sur sa droite, s'arrachant à sa contemplation et afficha un sourire sur ses lèvres.

- Bien sûr, Mère.

- Combien de temps allons-nous garder la princesse au château ?

- Je l'ignore.

- Retournes-tu au front ? demanda-t-elle en tentant de cacher le tremblement de ses mains.

- Non, le Roi souhaite que j'organise le ravitaillement des troupes.

- T'occuperas-tu toi-même de la sécurité de la princesse ?

- Elle est libre de ses mouvements dans l'enceinte du château, je donnerai l'ordre de ne pas la laisser sortir hors de ces murs.

- Bien...Il semblerait que nous allons devoir nous tenir compagnie durant ce très long hiver Princesse, dit la Reine en adressant un sourire à la jeune femme, la situation n'est certes pas idéale, mais je ferai en sorte que votre captivité se passe dans les meilleures conditions et que mon garnement de fils ne vous tourmente pas.