Partie 11

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Le point du jour éveilla Garance en sursaut. Elle se demanda un instant qu'elle était cette toile grise, grossière au-dessus de sa tête, puis tout lui revint en mémoire. La jeune femme avait lutté contre le sommeil, mais elle avait du sombrer quelques minutes avant l'aube. Elle se releva et s'aperçut qu'elle était seule. La tente était grande comme l'antichambre de ses appartements, sommairement meublée d'un lit, d'une table de travail jonchée de documents, d'une malle de bois d'où dépassaient des vêtements froissés et d'un brasero qui semblait-il ne servait pas souvent. Avant qu'elle ne s'endorme, le Prince Eliam de Saillans lui tenait encore compagnie, roulé dans une couverture à même le sol, à l'entrée de la tente. Il avait eu la délicatesse de lui laissé sa couche, en ajoutant, non sans ironie que "l'aubergiste n'avait pas eu le temps de changer les draps". Elle s'était allongée sur lit, mais en fin de nuit, le froid l'avait saisi et elle s'était glissée sous une couverture.

Soudain, Eliam rentra dans la tente, la mine sombre. Malgré la fraîcheur de l'aube, il était torse nu, ses cheveux trempés dégoulinaient le long de sa peau ambrée par le soleil. La jeune femme se dit que les princes de Saillans étaient moins sales qu'on le disait en Elenith. Elle qui s'attendait à s'asphyxier en se glissant sous les couvertures du jeune homme avait été surprise par un parfum agréable d'iode et de fumée de bois. Un peu comme si l'habitant des lieux sentait l'océan. La journée commençait bien : son geôlier n'était pas crasseux. Le Prince surprit le regard de la jeune femme.

- Vous n'en voyez pas souvent des réveils comme cela dans votre palais, dit-il avec son arrogance habituelle en enfilant une chemise propre.

Garance d'Elenith se mordit les lèvres de rage avant de lui lancer le plus glacial regard qu'elle put. Le jeune homme laissa se dessiner une esquisse de sourire sur ses lèvres.

- Rien de tel qu'une belle femme dans son lit pour bien commencer la journée, ajouta-t-il avec un franc sourire cette fois-ci.

La princesse encore assise sur le lit, sauta immédiatement sur ses jambes et entreprit de quitter la tente. En passant, à ses côtés Eliam la retint par le bras. Une brûlure, la même sensation que la veille au soir, sa peau contre la sienne, c'était comme une brûlure. La jeune femme lui fit face :

- Lâchez-moi ! Siffla-t-elle entre les dents.

- Cela à un goût de déjà vu...Je suis désolé, j'ai ordre de ne pas vous quitter du regard, répondit-il sans se départir de sa morgue si coutumière.

La Princesse allait répondre quand un colosse blond et barbu fit irruption sous la tente, chargé d'un baquet en cuivre. La jeune femme trembla à l'idée de ce que ses sauvages allaient lui faire, elle bondit en arrière, se défaisant ainsi de la poigne d'Eliam. Le prince la dévisagea d'un air surpris.

- Mon prince, où est ce que je le pose ? demanda le colosse.

- Sur ma table, répondit l'intéressé en ôtant les documents épars.

L'homme déposa alors son lourd chargement à l'endroit indiqué, avant de se retirer, non sans avoir jeté un regard suspect à Garance. Eliam lui fit de nouveau face.

- J'ai pensé qu'il vous plairait de vous rafraîchir, lui dit-il en désignant le baquet d'eau clair. Vous êtes certainement plus habituée à la porcelaine...

La jeune femme ne releva pas la provocation, étonnée par l'intention, elle était comme figée. Elle regarda Eliam traverser le modeste intérieur puis fouiller dans sa malle. Il déposa dans ses mains un savon et un linge propre. Garance bredouilla un timide "merci". Elle se rapprocha à pas de velours de l'eau bienfaitrice, tandis qu'il se laissa tomber sur le lit. Elle se retourna brusquement s'attendant à une quelconque ruse : Eliam était allongé sur le lit, lui faisant face, les bras derrière la tête.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreWhere stories live. Discover now