Sa voix était devenue si rauque que la jeune femme se retourna pour lui faire face.

- Il y a tes yeux de brume, ceux-là sont véritablement redoutables....je te l'assure... Tu me rends fou...assoiffé d'un désir insoutenable, termina-t-il en la renversant sur le lit.

Heureusement pour eux, l'hôtesse revint un court moment plus tard, interrompant brutalement leur étreinte.

Garance enfila immédiatement ses vêtements d'homme, ravie de pouvoir se couvrir et d'échapper au regard affamé et manifestement déçu de ce rhabillage d'Eliam. Ensuite, elle dévora son repas. Quand elle fut repue, elle leva les yeux vers le jeune homme, hilare. Comment pouvait-elle se comporter de la sorte ? "Une dame ne mangeait pas avec ces manières !" Se fustigea-t-elle. Mais son estomac criait famine. Après tout en Elenith, on mangeait chaque jour à sa faim, il était ainsi facile de feindre un appétit d'oiseau. Pour se réconforter, elle se dit qu'aucune des précieuses dames de la cour n'auraient survécu à la traversée des montagnes.

Eliam observait attentivement chacune des émotions et des contradictions troubler le visage de la jeune femme. Certes, il en était amusé, mais il était surtout inquiet des sentiments croissants qu'elle éveillait en lui. Chaque chose qu'il découvrait d'elle, prouvait sa résistance, sa force, son adaptabilité et le rendait un peu plus dépendant de ses yeux de cendres. Ces yeux-là avaient, le pouvoir de le réduire à néant. Ils avaient éveillé un sentiment méconnu d'Eliam : l'espoir. Un espoir chimérique, extravagant, ravageur. Il ne savait même pas en quoi il s'était mis à croire, mais il avait foi en un devenir. Lui qui avait toujours cherché à ressentir quitte à souffrir, se sentait plus vivant qu'il ne l'avait jamais été rien qu'en croisant ses yeux de brume. Lui qui n'avait jamais eu peur, était terrorisé, parce que pour la première fois de son existence il avait quelque chose à perdre.

Il se leva du fauteuil, et fit face à la petite fenêtre, scrutant le ciel qui s'éteignait sur les montagnes.

- Garance, dit-il sans même se retourner.

- Oui, répondit la jeune femme en posant un regard inquiet sur la silhouette massive d'Eliam.

- Veux-tu rentrer en Elenith ? dit-il dans un souffle, comme s'il se forçait à articuler ces mots.

- Comment cela ?

- Veux-tu retourner à Amarylis....Dans ton palais, avec ton peuple ?

La jeune femme eut un léger mouvement de recul.

- Pourquoi me demandes-tu cela ?

- Je ne te garderais pas prisonnière, j'en suis incapable....un seul mot de toi et...je te ramène chez toi, ânonna-t-il, tant les syllabes avaient du mal à franchir ses lèvres.

- C'est ce que tu désires ? demanda la jeune femme en fermant les poings jusqu'à ce que la jointure de ses doigts blanchissent.

- Ce n'est pas mon désir qui importe mais le tien.

- Eliam, retourne toi et réponds moi, est-ce ce que tu veux ? Dit-elle, raidie par la douleur qu'il éveillait en elle par de simples mots.

Le jeune homme la rejoint sur le lit et pris son visage entre ses mains.

- Non... Je te veux à mes côtés, mais je refuse d'être ton geôlier, si tu veux rentrer à Amarylis je te ramènerais saine et sauve auprès des tiens.

Garance d'Elenith baissa les yeux de honte, car la fière princesse qu'elle était savait que l'aveu qui suivrait coûterait à son orgueil.

- Eliam... Si tu ne m'avais pas enlevée... Sur cette plage, cette nuit-là....Je serais aujourd'hui... soit mariée de force à Cyrius, soit morte, je n'étais qu'un obstacle à ce tyran dans son accession au pouvoir, j'avais refusé toutes ses demandes et je savais qu'il cherchait à se débarrasser de moi... Dans un sens, tu lui a simplifié la tâche, mais tu m'as aussi sauvé la vie. Rien ne m'attend en Elenith, mon père est mourant, je suis trop faible pour aider mon peuple, et une nuée d'ennemis veulent ma mort.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ