- Nom de Dieu....

Le juron marmonné par une voix masculine très éloignée d'elle, força la jeune femme à ouvrir des paupières qui ne parvenaient plus à lutter contre l'engourdissement. Ne voyant que l'obscurité, elle se demanda quelle était cette force qui l'empêchait de rejoindre cette sensation cotonneuse d'abandon.

Eliam retint tant bien que mal le corps de la jeune femme, qui glissait de la selle. Il guida son cheval auprès du torrent qu'ils longeaient depuis quelques heures et l'arrêta à l'ombre d'un immense pin parasol. Lâchant les rênes, il hissa la princesse dans ses bras, s'apercevant qu'elle s'était évanouie. Puis passant ses deux jambes du même côté il se laissa glisser à terre. La jeune femme, était terriblement légère, son visage aux traits épuisés reposait sur la poitrine d'Eliam. Il en ressentit un trouble intense. Il la déposa délicatement sur la rive sablonneuse et lui ôta son cheich en soulevant précautionneusement sa tête. La jeune femme ne réagissait toujours pas. Eliam ne put s'empêcher de laisser ses doigts se perdre dans la longue chevelure brune. Sale, épuisée, inconsciente, cette femme avait la grâce d'une reine. Malgré la chaleur, son teint lumineux n'avait rien perdu de sa clarté. Il lui prit l'envie irrésistible de poser ses lèvres sur la douceur des siennes, de passer sa langue sur leur sécheresse. Il retira brusquement ses mains, brûlées de douceur.

Cette petite princesse arrogante le retranchait dans ses extrêmes, tantôt l'agaçant au point qu'il se retenait de l'assommer, tantôt éveillant un feu intense au creux de ses entrailles. Elle avait hanté ses quelques heures de sommeil de la nuit dernière. Son corps diabolique, son regard ensorcelant qui dans ses rêves se consumait de désir. Ses lèvres purpurines rougies par la violence de ses baisers. Il avait laissé ses mains parcourir chaque millimètre de ses courbes harmonieuses. Il avait rêvé chaque parcelle de sa peau frissonnant du plaisir qu'il lui donnait. Secouant la tête, pour chasser des images trop réelles, il s'éloigna de la jeune femme pour remplir la gourde dans l'eau fraîche du torrent. Puis, avec une délicatesse qu'il ne se connaissait pas il en versa sur les lèvres de la jeune femme. Elle frémit. Il trempa le cheich et appliqua le linge sur le visage et le cou de Garance. Ses paupières papillonnèrent. Il se délecta du spectacle de sa peau frissonnant sous la caresse humide. Il avait la sensation que sa vue s'était exacerbée, visualisant en détail le grain pur, infime de sa gorge. Son regard remonta doucement le long de son visage étudiant avec un soin infini les traits magnifiques qui le hantait. Quand soudain, il rencontra les yeux gris, magnétiques, fascinants. Il suspendit son geste, retenant le tissu humide à quelques centimètres des lèvres de la jeune femme. Une brûlure intense embrassa ses reins, lui arracha un long frisson. Garance d'Elenith le scrutait intensément, apeurée, égarée, intriguée. Il sentit les mains de la jeune femme se crisper dans le sable.

- Je ne vous ferai pas de mal, murmura-t-il d'une voix rendue rauque par un désir fulgurant.

Un long moment s'écoula, sans que l'un et l'autre ne firent aucun geste, ils étaient comme deux ennemis se jaugeant, se découvrant vraiment pour la première fois.

Quelques minutes furent nécessaires à Garance pour qu'elle parvienne à voir clairement les traits d'Eliam de Saillans. Le sang battait contre ses tempes. Sa peau semblait s'être embrasée de l'intérieur. La voix grave, douce comme une caresse, apaisa l'angoisse qui ne demandait qu'à s'étreindre, même si elle ne comprit pas les mots. Ses yeux se figèrent dans ceux du jeune homme, il s'en dégageait une telle chaleur, une telle douceur qu'elle voulut se perdre dans cet océan indigo.

Eliam prit la gourde dans un geste lent, pour ne pas l'effrayer. Son regard ne quittant pas le sien, il releva doucement la tête de la jeune femme. Au contact de ses doigts dans sa chevelure, il retint un soupir de soulagement. Comme si le moindre frôlement apaisait la brûlure qui le consumait. Il porta délicatement le goulot aux lèvres de Garance, celle-ci eut un léger sursaut au contact de l'eau fraîche puis avala de longues gorgées.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant