Lorsque la nuit venait et que ses yeux se fermaient, des milliers de pensées tournaient dans son esprit sans qu'elle ne parvienne à les contrôler. Seul le ressac de l'océan pouvait la calmer, lui faire oublier pour un moment le poids de son choix. Pourtant dès son retour, les obstacles, les questions, les doutes revenaient inexorablement, douloureusement.

Le soleil matinal inondait les appartements de la princesse, illuminant les murs de craie et le sol de marbre blanc. La pièce spacieuse était entièrement ronde. Le nord était rattaché au palais, tandis que le sud de la chambre donnait sur les jardins suspendus au dessus de la cité. Le lit à baldaquin en fer forgé était placé au centre des appartements. Le reste de la pièce s'organisait autour : bureau de travail, salon, coiffeuse. Un boudoir séparait la porte d'entrée du reste de la chambre.

A son réveil, Garance se glissa dans l'immense baignoire en demi-cercle, encastrée dans le sol face à la terrasse. La jeune femme avait relevé sa longue chevelure brune dans un chignon désordonné, ses yeux gris accusaient du manque de sommeil. L'eau parfumée recouvrait son corps las jusqu'à sa poitrine. Elle posa ses bras sur le rebord de la baignoire et se laissa aller dans la fraîcheur de son bain. On frappa à la porte. Ilith sortit de nulle part, traversa rapidement le boudoir pour ouvrir au visiteur. Elle revint auprès de Garance quelques minutes plus tard.

- Princesse, votre Cousin Cyrius souhaite un entretien.

- Dis-lui que je ne suis pas disponible.

La jeune femme renversa sa tête en arrière et ferma les yeux dans un soupir d'aise, un sourire aux lèvres : elle allait le faire rager.

Ilith retourna à la porte, elle l'entrebâilla, Cyrius lui faisait face, stoïque. Grand, fin, brun et ténébreux, il avait le charme des hommes du Sud. Crâne rasé, teint mat, la toge blanche des politiciens d'Elenith lui donnait grande allure. Cependant, cet homme la mettait mal à l'aise. Sous ses airs avenants, il y avait chez lui quelque chose d'inquiétant. Son regard noir pouvait être étonnamment séduisant et l'instant d'après, il vous glaçait le sang.

- Pardonnez-moi Monseigneur, la Princesse Garance n'est pas en mesure de vous recevoir, dit-elle avant de refermer la porte.

Mais au grand étonnement d'Ilith, celle-ci se bloqua, Cyrius venait de glisser son pied entre le mur et la porte. Il la repoussa brusquement, envoyant violemment la servante au sol.

- Elle va l'être, grogna-t-il en traversant le boudoir sans un regard pour la jeune femme à moitié assommée.

En deux enjambées, il fut face à la double porte qui permettait l'accès aux appartements de la princesse. Il l'enfonça littéralement. Il traversa la pièce, inondée de lumière, quand son regard se posa sur Garance... dans son bain. Il eut du mal à cacher sa stupéfaction. Pendant un instant, les mots lui manquèrent. La jeune princesse le fixait d'un regard glacial, très à l'aise.

- Cher cousin, je ne crois pas vous avoir invité à entrer.

- Vous m'en excuserez, Princesse.

La jeune femme ne répondit pas, son regard resta figé sur son ennemi.

- Je dois vous parler, j'ai sollicité un grand nombre d'entretien auquel vous n'avez pas donné suite.

- Vous comprendrez plus qu'un autre que les affaires du royaume sont préoccupantes et extrêmement accaparantes.

- Justement ces affaires sont complexes. L'agonie du roi déstabilise le pays et nous rend vulnérables.

- Ce n'est pas un sujet que je souhaite aborder avec vous, encore moins alors que je suis comme vous pouvez le constater, dans mon bain.

- Garance, il nous faut en parler.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreWhere stories live. Discover now