Outre leurs mines inquiétantes de marins aguerris, autant dire que les quatre hommes alignés ainsi sur le quai de Londemare étaient massifs. Au milieu de ses amis, Eliam était le premier que l'on remarquait par son charisme, sa présence, mais aussi par son physique. Comme les hommes de son peuple, il était grand et bien bâti. Cependant, alors que tous ou presque étaient blonds comme les blés, lui était brun, sa chevelure était d'une teinte ébène et son teint halé tranchait avec la peau pâle des gens de Saillans.

La nuit recouvrait enfin le ciel, et la ville se parait de centaines lumières. Fendant la foule des grands jours, les quatre hommes se séparèrent. Shilar et Lalikine prirent le chemin du centre ville, tandis qu'Eliam et Désone se rendaient à la criée pour le ravitaillement. Ils parvinrent aux entrepôts qui se situaient au bout du quai. Le bâtiment de pierre et de bois abritait la capitainerie et le négoce de pêche du port. Le capitaine et son lieutenant s'engouffrèrent dans le comptoir désert. Seule l'odeur de poisson emplissait l'établissement. A cette heure de la journée, les ouvrières avaient quitté les lieux. Eliam prit l'escalier de bois, flanqué de Désone. Il parvint à l'étage, et frappa quelques coups contre la première porte.

- Entrez ! s'écria une voix tonitruante.

Le jeune homme entra dans le bureau exigu du Chef du port de Londemare. Le vieil homme se leva difficilement. Eliam eut du mal à distinguer ses traits dans la pénombre du bureau éclairé par quelques bougies.

- Capitaine, c'est un plaisir ! On ne vous attendait plus, dit-il en saluant Eliam, puis Désone d'une franche poignée.

- Nous non plus, répondit-il. Heureux de vous voir Aznan, comment se porte Londemare ?

- Bien, le calme règne, les pêches sont bonnes, répondit-il en servant à boire à ses visiteurs, santé !

- Santé ! répondirent Eliam et Désone avant de vider leur verre, comment se fait-il qu'il y ait si peu de navires à quai ? demanda le Capitaine.

- Le Varech, le Persea, le Dysmeol et l'Hysope ont quitté le port il y a deux jours pour le sud.

- Que se passe-t-il ?

- Je l'ignore, je n'ai pas eu plus d'informations de la capitale, on leur a demandé de patrouiller à la frontière du Sud, c'est tout ce que je sais, répondit Aznan.

- Bien, si j'en apprends plus de mon côté, je vous tiendrai au courant. Il me faut des hommes pour vider nos cales, nous avons fait de belles prises.

- Je vois que le Mandragore ne faillit pas à sa réputation.

- Il n'en a pas l'intention, répondit Eliam dans un sourire, il me faudra le plein du navire dans trois jours, eau et vivres.

- Trois jours, c'est court !

- Il y a de quoi s'occuper en mer.

- Bien, je ferai le nécessaire.

- Parfait, merci pour le verre, nous allons vous laisser.

- J'ai été ravi de vous revoir, Capitaine, je vous souhaite un excellent séjour à Londemare.

- Il ne devrait pas être mauvais, à bientôt Aznan, répondit Eliam en serrant la main du vieil homme.

Le jeune capitaine et son lieutenant quittèrent la pièce, avec l'idée unique d'aller faire la fête. Aznan se posta devant la fenêtre de son bureau et regarda les deux hommes sortir dans la rue. Leurs statures se détachaient dans la pénombre. Il n'avait pas vu Eliam depuis plus d'un an. Le jeune capitaine de vingt-trois ans avait toujours la même aisance, frisant l'arrogance. Les longs mois en mer à la tête de son équipage et les victoires du Mandragore avait un peu plus renforcé son assurance. Son impertinence était à la hauteur de ses particularités physiques. Il n'avait pas grand-chose d'un homme de Saillans. Le soleil avait un peu plus cuivré son teint. Sa tignasse épaisse était plus brune que jamais.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreWhere stories live. Discover now