Chapitre 5

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Mes baskets faisaient crisser les pierres dans un son désagréable à mesure que je marchais

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Mes baskets faisaient crisser les pierres dans un son désagréable à mesure que je marchais. Le vent tournoyait autour de moi, rejetant les cailloux contre les troncs d'arbres.

Je me trouvais dans un parc près de chez moi, je ne connaissais pas son nom mais il était agréable d'y passer son temps.

Les bises, légères, épousaient les vagues avec douceur pour les ramener contre la berge. Créant de lents mouvements de va et viens. Les feuilles des arbres s'agitaient alors que les branches restaient immobiles.

J'inspirai l'air frais en fermant les yeux et, laissai la nature venir à moi. Je ne percevais rien dans ce silence, baigné par la mélodie des vagues. Un silence presque parfait.

Avec un sourire, je m'avançai puis m'adossai contre l'écorce dure d'un chêne. Le feuillage formait un parfait cercle, sans le moindre défaut. Seules les petites fentes entre les différentes branches ne filtraient pas la timide lumière solaire.

J'avais l'impression de me retrouver sous un énorme parapluie. Jeme sentis plus bien que jamais.

Je descendis la bretelle de mon sac et et sortis une feuille et un stylo. Cet endroit était inspirant, si bien que les mots glissèrent facilement sur le papier. Les idées arrivaient par dizaine, triées à toute vitesse par mon cerveau et retranscrit aussitôt sur le support.

Je ne savais pas trop où j'allais mais, des fois, il était bon de se laisser aller.
Quand ça arrivait, je finissais systématiquement par penser à mère. Elle avait toujours été ce genre de femme au fort caractère dont la seule aura nous dissuadait de l'approcher.

Certes, elle était impulsive et bon nombre de fois, je me suis cachée la tête entre les mains par sa faute. Malgré ça, elle possédait d'autres qualités que j'appréciais comme sa ténacité, par exemple.

Elle avait toujours eu cette assurance qui faisait d'elle un être incroyable, pugnace. Je la pensais invincible.C'était là que je me rendais vraiment compte à quel point on pouvait être stupides. Personne n'était intouchable, et c'était souvent ceux à la carapace la plus dure à percer qui étaient les plus fragiles.

Or, je n'avais pas su voir sa douleur. Que ma mère encaissait des coups sans jamais les rendre. Plus les jours passaient et plus son état se dégradait. Mon père avait commis l'ultime erreur, celle que je ne lui pardonnerais jamais : préférer une inconnue à ma mère.

Il ne l'avait jamais touchée. Du moins pas physiquement. Il avait juste réussi à la ravager émotionnellement, psychologiquement.

Si bien, qu'un beau jour, elle décida de quitter la maison pour vivre ailleurs. Dans un endroit où personne ne la connaissait. Dans un endroit où elle pourrait refaire sa vie. Dans un endroit où nous ne serions pas.

Je serrai le stylo qui se trouvait entre mes mains. Je reportai mon regard sur la feuille gribouillée. Puis, je me levai en posant mes affaires près du tronc et approchai du fleuve.

La terre était plus boueuse et moins solide. Une fois arrivée au bord de l'étendue, je m'accroupis. L'eau bougeait presque imperceptiblement sur la berge. Elle emportait quelques feuilles jaunies, des brindilles, ainsi que de la terre. Je ne voyais pas trop le fond, c'était trop sale. Lentement, mon index approcha l'eau pour y dessiner des cercles.

Je fermai de nouveau les yeux en me rappelant un de mes heureux souvenirs. Un des nombreux où ma mère et moi étions heureuses ou du moins, je me convainquais qu'elle l'était.

Ma mère qui souriait beaucoup trop, mon père excessivement gentil. Je n'avais jamais vraiment fait attention à ces détails avant.

Mais les plaies étaient belles et bien là. Même cachées sous des tonnes de pansements elles saignaient toujours autant. Au contraire, à force de vouloir les masquer nous ne faisions que les ouvrir davantage. C'était encore pire quand la blessure se retrouvait dissimulée sous un rayonnant sourire, empreint d'hypocrisie.

Je me redressai et me retournai pour récupérer mes affaires. Mon sac à nouveau accroché sur l'épaule, je fis demi tour. Je ne retournai pas chez moi. Je décidai de faire un petit tour au café du coin, ayant juste assez de quoi me payer une petite gourmandise ainsi qu'un thé glacé.

Je m'assis à une table, près de la porte d'entrée et attendis que les serveurs se décommandent. Je fixai le vide, une main sous le menton et une expression perdue sur la figure. Je sursautai quand une femme me demanda subitement ce que je voulais :

- Un thé, s'il vous plait.

Je souris. J'appuyai des coudes sur la table, attendant avec ennui qu'on me serve. La dame fut rapide, elle s'avançait déjà vers moi, plateau à la main, quand elle trébucha. Elle s'étala sur le sol dans un cri de surprise. Le verre atterrit à quelques centimètres de moi.

Les éclaboussures qui aurait dû pourtant me tomber dessus, dévièrent complètement de trajectoire. La tasse aussi s'échoua sur le sol, complètement à l'opposé d'oú je me trouvais.

Je l'ai échappé belle.

- Je suis vraiment désolée, pardon !

Je fronçai de sourcils et me levai pur l'aider à se redresser. Un homme qui venait d'entrer se précipita alors sur elle, mécontent.

- Esmeralda, combien de fois t'ai-je dit de ne pas renverser les boissons sur les clients ?, vipéra-t-il.

Esmeralda blêmit, complètement raide.

- Excusez-moi, patron, balbutia-t-elle.

L'homme, un grand brun aux yeux noirs, s'approcha de moi. Il prit quelques serviettes du comptoir et me les donna.

- Veuillez nous pardonner. Elle est nouvelle et assez maladroite.

- Ce n'est pas grave, marmonnai-je, merci pour le thé.

Je me redressai n'ayant plus envie de boire quoique ce soit.

- Le thé est offert par la maison !

Je souris. Il aurait eu du culot de me faire payer un thé que je n'avais même pas eu le temps de goûter.

Je sortis du café, la main pleine de mouchoir inutilisé et je traversai le trottoir. Mon regard traîna derrière moi et je m'arrêtais un instant en reconnaissant la chevelure brune de mon voisin en Anglais.

Brooklyn ramassait son téléphone et ses écouteurs tombés au sol. Un peu derrière moi et juste devant la table à laquelle j'étais assise quelques instants plus tôt.
Je m'avançai vers lui après quelques secondes d'hésitation. Je ne faisais rien de mal, je voulais juste essayer de lui parler.

Un chien et son maître passèrent près de moi, je me reculai pour leur laisser le champ libre alors que le chien grondait et reniflait énergiquement. Au lieu d'avancer tout droit, l'animal s'approcha de moi.

- Viens, Locky, ordonna sa maîtresse.

Elle tira sur sa laisse, en vain. Le cleb ne me lâcha pas, il finit même par grogner férocement. Je tressaillis, surprise et m'éloignai.

- Calme-toi !

Sa maîtresse se baissa à sa hauteur et le caressa. Ça ne sembla pas le calmer puisqu'il se mît même à aboyer.

- Je suis désolée, dit-elle, d'habitude il n'est pas comme ça. Il aboit seulement quand il sent du danger.

Je ne répondis pas, pertubée. Je levai les yeux vers le ciel puis vers le chien.

Un frisson désagréable parcoura mes bras. L'atmosphère se fit plus pesante et un sentiment de malaise me donna la chair de poule.

Ce n'était pourtant qu'un chien qui aboyait.

Je ne relevai pas, m'efforçant d'oublier ces pénibles sensations pour me diriger vers Brooklyn.

Mille et une lunesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant