Souvenir de Brooklyn III

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Quand je passai la porte d'entrée se fut le silence qui m'accueillit

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Quand je passai la porte d'entrée se fut le silence qui m'accueillit. Je m'avançai vers le salon pour vérifier que j'étais bien seul. Je ne trouvais personne, bien évidemment. En soupirant, je me dirigeai vers la cuisine pour me préparer un petit truc. Je n'avais rien mangé ce midi, l'angoisse m'avait noué l'estomac et le stress comprimé la gorge.

Je m'installais sur la table face à l'évier et autres appareils ménagers, une corbeille de fruit reposait tranquillement sur la table. Je pris une orange tout en m'asseyant, doucement. Mes bras me faisaient encore mal, les bleus étaient encore visibles mais ils disparaitraient dans quelques jours à peine. Heureusement pour moi le plus gros de mes maux se trouvaient sur mon visage et mes cheveux étaient assez longs pour les cacher.

Je baissais les yeux vers la table dont les bords ébréchés m'avaient tant de fois écorchés étant petit. Je me demandai souvent ce qui se serait passé si j'avais été normal, comme les autres. Peut être ne me traiteraient-ils pas de cette manière maintenant? Peut-être arriverais-je enfin à me faire une place dans ce monde qui me paraissait si hostile ?

Du plus loin que je me souvienne, je m'étais toujours senti rejeté. Partout ou j'allais même si j'avais beau tout recommencer à zéro on trouvait toujours le moyen de m'exclure, de me faire me sentir mal et ce jusque maintenant. La vérité c'est que je n'avais absolument rien à faire dans ce monde parce que je n'y étais tout simplement pas à ma place. Pourquoi se battre si on s'obstinait à vouloir nous détruire ?

Les gens ne se rendaient sûrement pas compte de la portée de leur mots ou simplement de leurs actes. Les regards suffisaient à anéantir un être, l'accumulation de ses animosités le tuait. De l'intérieur.

L'acide me rongeait le coeur à chaque fois que l'aube se levait. A chaque fois que j'arrivais à ouvrir les yeux sans voir la Lumière, celle qui me faisait tant rêver. Une de mes camarades me l'avait décrite une fois, pour me préparer à mon suicide avait-elle dit.

Apparemment ce serait douloureux.

Je soupirai en penchant ma tête en arrière. Cela devait être simple : J'avais révisé la technique des centaines de fois.

Faire lentement glisser la lame sur la peau...sur la gorge.

Lentement, délicatement et pourtant avec assez de force pour la transpercer.

Un mince filet de sang, puis une flaque et enfin ma mort.

Plus personne n'aura le poids de mon existence sur la conscience.

Si peu de geste et pourtant tellement de conséquences. Quoique je sois persuadé que ma mort n'atteigne quelqu'un. Ma mère m'avait mainte et mainte et fois répété de trouver mon point d'ancrage, celui-là même  auquel je pourrais m'arrimer. Que je sois heureux ou triste. Je l'avais malheureusement toujours crus et m'était retrouvé le coeur piétiné bon nombre de fois. Pas à cause de l'amour, non. Je m'en étais rendu compte. Je ne pouvais pas aimer.

Je n'arrivais pas éprouver ce genre de sentiment. C'était beaucoup trop...

L'amour, l'attachement ce n'était pas pour moi et pourtant j'avais espéré qu'une personne sur cette terre serait capable de me faire me sentir bien, d'effacer toutes les craquelures de mon âme, de panser toutes mes blessures. Mais ça, ça n'existait pas. Qui voudrait de quelqu'un comme moi ?

Un faible, un lâche.

Une personne qui ne pouvait même pas aimer sa propre famille. J'étais égoïste et les seules larmes que je versai était pour tenter d'évacuer toute la tristesse qui prenait trop de place en moi. Je n'avais pas pleuré lors de l'enterrement de ma grand-mère qui comptait pourtant beaucoup pour mes parents.

Je n'avais jamais pleurer à aucun enterrement. La peine des autres ne m'atteignait pas, il n'y avait que la mienne que je ressentais.

Ma gorge se serra, signe que j'allais bientôt exploser. Au même moment, mon téléphone vibra dans ma poche. Je le sortit en soufflant. Personne ne m'appelait ni ne m'envoyait de message à part pour... L'écran demeura éteint devant moi, n'ayant pas le courage de voir les mots qui m'étaient cette fois encore destinés.

Les yeux brûlants, j'exposai enfin à mes yeux le texto. Alors que je m'attendais à recevoir une énorme gifle, une bouffée de chaleur m'envahit. Un trop plein. Ma tête venait de se vider de toute pensée. Je n'en pouvais plus.

Les larmes dévalèrent lentement mes joues tandis que je parcourrai les lignes.

Je posai le portable contre la table pour monter dans la salle de bain. Mes pieds montèrent les marches, une par une, tranquillement.

Au moment où je tirai la poignet, le grincement de la porte perturba le silence de mort régnant dans la maison.

Je fermai les yeux en posant le pied sur le carrelage.

Je voulais juste dormir et ne plus jamais me réveiller.

Mille et une lunesWhere stories live. Discover now