Souvenir de Brooklyn II

142 18 1
                                    

La pièce était baignée dans le noir le plus total

Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.






La pièce était baignée dans le noir le plus total. Je ne distinguai même pas les silhouettes des meubles. Couché dans mon lit, les yeux grands ouverts, je contemplai le vide. Cela devait bien faire une dizaine de minutes que je restai comme ça, immobile.

Seuls les cris de mes parents, derrière la porte, étouffés par la distance nous séparant, venait troubler le silence de la chambre. Même si je l'avais voulu, je n'aurais pas pas pu fermer l'oeil.

Je décidai enfin de bouger. Je me dirigeai vers la porte et l'entrouvris, heureusement, elle ne grinça pas. Je sortis avec lenteur et marchai à pas de loup. Il ne risquait pas de m'entendre avec leurs hurlements mais mieux valait rester prudent. Je me plaçai à l'entrée de leur chambre, à quelques mètres de la mienne. La porte était grande ouverte et la lumière allumée.

Contre la charnière de la porte, j'écoutai discrètement :

- Si cette famille vole en éclat c'est uniquement de ta faute ! Est-ce que tu as essayé de te mettre à la place de Brooklyn ? Qu'est qu'il doit ressentir tous les jours en allant au collège ? Son père qui se fait mettre à la porte et sa trainée de mère !, s'écria mon père.

Mon coeur se serra alors qu'un silence pensant s'abattit dans la pièce. Etait-il au courant de ce qu'il se passait au collège ?

- Trainée ? Tu crois que je ne m'en veux pas assez comme ça ? Si j'ai du faire ça, c'est parce que tu refusais de prendre en charge ton propre enfant !Tu refusais et tu as toujours refusé de t'occuper de lui, rétorqua calmement ma mère.

Je percevai sa voix vacillante mais dure. Ma gorge se resserra et mes poings aussi. Je fermai les yeux, l'estomac noué.

- Je n'arrive pas à y croire. Si tu vis dans cette maison, avec le ventre plein c'est uniquement grâce à moi. J'ai travaillé dur pour être où je suis aujourd'hui, je ne me suis pas servi de mon corps pour gravir les échelons ! Voilà où nous en sommes maintenant à cause de tes saloperies !

Je m'éloignai d'eux. Au fur et à mesure des secondes qui passaient, leur voix s'emplissaient de reproches, de fureur et de mépris. Ces mots ne m'étaient pourtant pas adressés mais je me sentais touché en plein cœur. Toute la négativité qui suintait des paroles de mon père je le prenais en pleine figure, comme une slave de gifles. 

J'éprouvais de la culpabilité et en même temps de l'incompréhension.  Si ma mère avait dû traverser tout ça, c'était à cause de moi. Ces révélations résonnèrent dans ma tête. Et à chaque fois, j'avais l'impression qu'un marteau tapait à grand coups sur mon crâne.

Entendre de la bouche de mes parents, une vérité si dure à accepter me coupa le souffle.

Au collège, en plus des insultes et moqueries quotidiennes d'Elvira, je devais aussi supporter celles de Noah sur l'affaire concernant mon père et le sien. Tout le monde était au courant et on ne manquait pas de me le faire savoir.

Pour les autres, je n'étais qu'un bâtard. Un enfant né d'un père bon à rien, indécis, qui avait au début préféré son travail à sa progéniture et d'une mère qui s'était réfugiée chez un autre pour espérer survivre.

- J'étais seule. J'ai abandonné ma famille pour être avec toi. Je n'avais pas d'autres choix pour aider mon enfant, explique-t-elle.

J'essuyai les larmes qui perlaient sur mon visage et ne pris pas la peine de retourner dans la chambre. Mon dos glissa seule contre la charnière de bois. J'étais confus, perdu, égaré. Je ne savais pas où regarder ni vers qui me tourner. J'avais la sensation qu'une montagne venait de s'écraser sur ma nuque.

Je fermai les yeux. Dans le noir, perclus dans l'obscurité. Les mains moites, le visage enfouis dans les genoux, tremblotant. Et une impression d'emprisonnement. Une pièce sans issue. Voilà où je me trouvais et dans quel état.

Même la main chaude serrant les miennes ne me réveilla pas. Même la respiration sanglotante et les larmes froides tombant sur ma nuque ne m'atteignirent pas.

- Je suis désolée, Brooklyn. Je suis désolée, entendis-je quelqu'un murmurer d'une voix blanche.

Désolée ? Pourquoi s'excusait-elle ? J'étais la cause du problème, non ? J'avais transformé la vie de ma mère en enfer, la mienne et celle de mon père. Ils souffraient par la seule raison de mon existence.

Vivre. Vivre me faisait souffrir. Mourir ne me faisait pas peur. Un sommeil long et tranquille, c'était ce dont j'avais besoin.

La seule chose que j'avais connu était la peine, la solitude et le malheur et voilà que j'en faisais profiter les autres.

Je crois que c'est à ce moment là que toute envie de me battre cessa définitivement de me hanter. Je voulais juste me laisser aller. Laisser la vague m'emporter et voir où est-ce que je pourrais échouer.

- Je suis désolé, soufflais-je en laisser tomber mes jambes à plat contre le sol, pardonne-moi maman.

Mille et une lunesWhere stories live. Discover now