Chapitre 14

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Je ne savais pas ce que je faisais ici

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Je ne savais pas ce que je faisais ici. Pourquoi est-ce que je me tenais là, près de la porte de l'hôpital. Je n'avais aucune d'envie d'y entrer, de lui apporter mon soutien.

Il avait disparu pendant la première moitié de mon enfance, préférant son travail à sa famille. Contrairement à ma mère, il n'avait pas souhaité rester mais fuir. Nous avions réussi à nous créer un quotidien, à passer outre son absence.

Ma mère avait tout donné, malgré sa grossesse adolescente. Pourtant, elle avait su surmonter tous les problèmes et toutes les épreuves se dressant devant elle.

Et là, comme un vieux fantôme du passé, mon père était revenu frapper à notre porte, pleins de promesses et de rêves pour une famille qu'il n'avait jamais vu comme tel. En primaire, j'avais dû réapprendre à vivre aux côtés d'un inconnu. A cette époque, j'étais plein d'espoirs car je goûtais à quelque chose de nouveau : un père, une mère qui s'aimaient et qui m'aimait.

Sauf que je m'étais rendu bien vite compte de ce qui comptait le plus pour lui. Une fois installé de nouveau à la maison, il nous laissait la plupart du temps seul, se disputait trop souvent avec ma mère et ne cessait de lui rejeter la faute sur les retours que les autres parents lui faisaient à propos de moi.

Il avait honte de son fils. Je le voyais bien dans ses regards fuyants et ses mines embarassées quand je tentais de me rapprocher. En vérité, aucun lien affectif ne s'était jamais tissé entre nous. Je ne le voyais pas comme mon paternelle et il ne me considérait pas comme sa progéniture.

Alors, je ne comprenais pas. Pourquoi avais-je directement rappliqué en apprenant la nouvelle ? Cet homme ne signifiait rien pour moi. Pourquoi ma mère et moi nous étions précipités à son chevet ?

Dos aux portes automatiques de l'hôpital, je décidai de rentrer chez moi. L'odeur de sang, de mort, agaçaient mes narines. En plus de cela, je parvenais à déceler la colère, la frustration et la tristesse de chacune des personnes présentes dans le hall. Elles dégageaient tant de négativité, il m'était impossible de réfléchir.

Je descendis l'escalier pour mettre le plus de distance possible entre eux et moi. Je ne contrôlais pas vraiment cet aspect de ma nouvelle condition.

J'atteignis le trottoir et plusieurs voiture s'arrêtèrent pour me laisser passer. Tandis que je foulais le bitume, un bruit étouffé me coupa sec. Je m'arrêtai en plein milieu de la route, les yeux rivés sur la lune. Le monde se tut pendant un instant, un moment qui s'étira encore et encore. Je parvins enfin à l'entendre : un hurlement, celui d'un loup. Je le devinais tout de suite. C'était un appel à l'aide.

Je ne pus l'ignorer, mes jambes se détachèrent du sol d'elles-même. J'éludai tout mon environnement et courus. Je sautai sur les voitures, bousculai les autres, accélérai.

Plus je m'approchai, plus le besoin de me transformer et de rejoindre l'origine de ce hurlement se renforça. Toute rationalité m'avait quitté, il ne me restait plus que mon instinct. Lui seul me dictait où aller et c'est lui qui enclencha mon changement vers l'état lupin.

Je m'enfonçai dans la forêt à toute vitesse, rebondissant sur les troncs d'arbres lorsque les chemins devenaient  trop étroits. Je ne me sentais jamais aussi libre que dans cette forme là. C'était indescriptible, un pur sentiment de liberté.

Des grognements et des glapissements me firent ralentir. Les sons laissèrent place à des images, violentes, comme je n'avais jamais eu l'occasion d'en voir. Je compris rapidement que celui qui m'avait alerté était à terre. En me voyant arriver, plusieurs d'entre eux déguerpirent mais un seul se décida à rester. Je reculai, hésitant. Je ne voulais pas me battre, je n'en avais pas la force. Dans l'obscurité son pelage noir se confondait parfaitement, cependant, je discernais sans problème sa taille monstrueuse. Il était plus petit que moi mais bien plus costaud.

Je vais pas rester les bras croisés.

Le loup noir plaquait de ses immenses pattes, le loup blond sur le sol. La mâchoire dans sa fourrure il lui arrachait rageusement les poils lui recouvrant le torse. Je voulus prendre une inspiration et lui crier de cesser mais c'est un grondement sourd qui sortit de ma gueule. Le loup surpris, bondit en arrière et se prépara à l'attaque, les crocs déchaussés.

Le corps fléchit, les pattes arrière supportant tout mon poids, j'en profitai pour sauter près du loup-garou inconscient. Je me mis devant lui et mordit bruyamment dans le vide. Cela ne sembla pas le décourager puisqu'il chargea presque immédiatement. Je perdis mes appuis et roulai sur le sol.

Je contins un jappement : ses griffes étaient plantés dans la chair de ma patte avant. Pour me libérer de son emprise, je m'élancai puis plantai mes crocs dans sa nuque. Un arôme métallique envahit ma bouche, un liquide chaud glissa entre mes poils.

L'autre créature tenta tant bien que mal de s'échapper de ma prise mais je le tenais si bien qu'il n'y parvint pas. L'étreinte de ses griffes perdit en force, à la place il se servait du bas de son corps pour riposter.

Je le lâchai à bout de force, même si je contrôlais mieux ce corps-ci, je n'étais pas encore pleinement habitué. Heureusement, il battit en retraite, salement amoché.  Il disparut dans l'ombre des troncs. Je respirai difficilement, je n'aurai pas eu la force de continuer ce combat. Je m'approchai du loup, toujours dans les pommes.

Son corps se changeait petit à petit, prenant une forme de plus en plus humaine. Je fis de même.

Il était dans un sale état, son torse se soulevait à peine et les battements de son coeur était irrégulier. Je devais faire vite. Face à la scène d'horreur, je gardai mon sang-froid et le portai à bout de bras.

Je fis le chemin inverse et retournai vers la ville. Honnêtement, je ne savais pas pourquoi. J'avais juste la sensation ou plutôt la certitude que c'était la bonne chose à faire. Je m'arrêtai à un cul de sac et le déposai derrière une benne à ordure. Accroupis près du corps de cet inconnu, j'attendis.

Chaque seconde était précieuse, chaque goutte de sang perdue le ramenait un peu plus vers la mort. Pourtant, je patientai. Le coeur au bord des lèvres, les doigts tremblotants, j'avais l'impression d'être coincé das un autre monde.

Tout comme tout à l'heure, les minutes, les secondes défilaient très, trop lentement. Les bruits et les couleurs n'existaient plus. J'étais seul avec dans les mains celles d'un autre sur le point de mourir. J'étais perdu. Que devais-je faire, maintenant ? Il n'était pas complètement retransformer, l'emmener à l'hôpital n'était pas une option.

Pourquoi avais-je accouru à son secours ? J'avais seulement retardé de quelques heures son supplice. Mon intervention n'avait rien amené de bon.

Je me morfondais, incapable d'effectuer un seul mouvement.

Une odeur puis une voix. Enfin un mot. C'est ce qui brisa le silence, me dépêcha du marécage de pensées noires dans lequel j'étais entrain de sombrer. Je tournai lentement la tête pour confronter le regard brun de celle que j'avais inconsciemment attendu.

Elle avait entendu ma détresse et maintenant elle se trouvait là. Un soulagement profond me fit relâcher les épaules.

- Kassi..., appelai-je.

- Kassi, s'il te plaît, aide-moi, suppliai-je.

Mille et une lunesWhere stories live. Discover now