Chapitre 28

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— Ma chère Karlie, nous allons avoir besoin d'explications.

Si Wren n'a pas pris la peine de se changer et de laisser son beau costume, j'ai trouvé la force de monter dans ma chambre afin de poser cette abominable robe de mariée dès que nous avons quitté la verrière. Ce vêtement me semble désormais aussi inapproprié que des moufles en plein été.

— Je ne sais même pas par où commencer, soupire Karlie qui traverse de long en large le salon où nous sommes.

Face à Wren, Phoebe, Caroley, Alexeï et moi, qui l'avons tous vu nous trahir et rejoindre le camp des Malfaçons, on ne peut pas dire qu'elle soit bien à l'aise.

— Peut-être par le début, suggère Wren avec une fausse désinvolture. Comment as-tu fait pour être assez débile au point de t'allier à Rona ?

Si j'étais dans mon état normal, j'aurais défendu Karlie. Elle a beau être passée du côté adverse, il n'empêche que maintenant, c'est avec nous qu'elle se tient. Mais depuis mon arrivée dans le salon où tous mes amis m'attendaient, je n'ai pas décroché un mot.

— J'étais jeune, à l'époque, commence Karlie à voix basse en s'arrêtant dans un coin de la pièce. Je n'avais pas conscience de...

— T'es sérieuse ? l'interrompt Wren. Tu avais mon âge et tu étais ministre. Ne me parle pas d'immaturité, s'il te plaît.

Entendre la voix de Wren m'est déjà assez difficile alors je me refuse à le regarder. Mais je sais que si je me risquais à tourner la tête vers lui, comme je l'ai fait tout à l'heure, je le verrais plus abattu que son ton agacé ne le laisse penser.

— J'avais dix-neuf ans, insiste Karlie sans se laisser démonter. Tu me critiques mais je crois savoir que toi aussi, tu as pris la fuite...

— Ne pars pas sur ce terrain, grogne Wren menaçant.

— Wren, montres-toi un peu poli, le sermonne Phoebe d'une voix enrouée. Ce n'est pas le moment de régler ses comptes.

— Tu ne m'avais franchement pas manqué, petite Phoebe. Toujours aussi insupportable.

— Ça tombe bien, moi non plus, réplique mon amie.

J'entends Caroley pousser un long soupir excédé. Je ne me suis pas attardée longtemps sur elle mais je crois qu'elle n'est plus aussi squelettique qu'avant et jusque-là, je ne l'ai pas entendue parler de champagne...

— Vous êtes tous aussi déprimants les uns que les autres, commente-elle.

— Je croyais que Darwin et moi n'aurions jamais notre place dans ce monde, reprend Karlie. Je voulais juste envisager un avenir dans lequel Darwin et moi pouvions construire quelque chose. Je comprends désormais à quel point j'étais stupide.

— "Construire quelque chose" ? se moque Wren. Et ils sont où vos bébés Malfaçons ?

Je sens les regards des autres se poser sur moi, comme si je devais intervenir pour lui dire d'arrêter d'être aussi cassant, mais je continue à fixer une tasse sur la table basse en face de moi.

— Toutes les Malfaçons ne sont pas mauvaises, poursuit Karlie, mais la plupart ne pensaient qu'à nous faire du mal, à Darwin et à moi, rien que parce que nous étions un Lumineux et une Obscure. Certains n'acceptent que les vraies Malfaçons et cherchent par tous les moyens à réduire en miettes ceux qui ne font pas vraiment partie du clan. Nous avons essayé maintes fois de nous échapper mais Rona avait ordonné à ses plus fidèles partisans de nous surveiller.

— Et vous n'avez pas jugé utile de chercher à nous envoyer des informations sur cette meute ? se hasarde Wren.

— Justement abruti, c'est ce qui a causé notre perte. Nous nous étions finalement habitués, au bout de trois ans, à vivre au sein de la meute. Mais il y a quelques mois, une Malfaçon avec qui j'ai sympathisé m'a informé que Rona ne passait pas à l'attaque contre Luna car elle avait un plan terrible qui nécessitait de l'attente. J'ai plus tard appris que c'étaient les flèches reliées à la Pierre des Astres qui nécessitaient au moins deux ans de culture. Darwin et moi tentions de vous envoyer un message caché dans l'une de nos lettres quand Rona a compris le stratagème.

Isaluna : Les Malfaçons [TOME 2] [TERMINÉ]Where stories live. Discover now