Chapitre 15

1.5K 230 26
                                    

Une journée... Alec ne pensait pas si bien dire. Je pense que seules deux heures se sont écoulées depuis que nous avons pris connaissance de sa blessure mais c'est comme si un mois était passé : allongé près du ruisseau, il peut à peine bouger, ne plongeant pas dans l'inconscience uniquement grâce à mes supplications.

— Allez, s'il te plaît, Alec ! je m'écrie en retenant un sanglot tandis qu'il devient de plus en plus fiévreux, ses paupières s'alourdissant un peu plus à chaque minute. Je vais réessayer d'invoquer de l'énergie, OK ?

Pour la millième fois, je ferme les yeux, presse doucement ma paume contre l'épaule d'Alec et cherche par tous les moyens à me concentrer. Je détecte de l'énergie mais je suis incapable de la canaliser, étant dans l'impossibilité de me concentrer. Je commence à comprendre que Rona a peut-être réussi à me briser l'esprit : en m'enlevant ma concentration, mes pouvoirs sont neutralisés. Or, si j'ai besoin de mon lunatisme, c'est bien maintenant.

— Tu n'as pas beaucoup d'énergie, me murmure Alec en entrouvrant les paupières. Tu dois la garder pour toi. Tes pieds ne vont pas tarder à t'entraîner dans le même état que moi.

Il n'a pas entièrement tort concernant mes pieds : ils me font tant souffrir que moi aussi, ma vision commence à devenir trouble et ma température à monter. Mais je ne peux pas abandonner maintenant.

— Ce n'est pas ça le problème ! je lui mens, la gorge nouée. Je ne peux pas me concentrer. J'ai beau faire tous les efforts possibles, l'énergie m'échappe.

Il faut qu'Alec reste conscient. Parce que s'il s'endort, je ne sais pas s'il se réveillera. Et s'il ne se réveille pas, je n'y survivrais pas. Je ne survivrais pas seule dans cette jungle monstrueuse et je ne supporterais pas qu'il meure. Ce n'est pas envisageable.

— Il faut que tu boives, je l'intime en approchant une grande feuille remplie d'eau près de ses lèvres. Je n'y connais rien en médecine mais je ne pense pas que ça te fasse de mal.

Il ne réussit qu'à avaler de travers et les larmes montent dangereusement à mes yeux alors qu'il semble encore plus mal en point qu'il y a cinq minutes.

— Tout est de ma faute ! je m'écrie avec hystérie devant mon impuissance. Alec, je suis tellement désolée ! Si je n'avais pas suivi Rona tu ne m'aurais pas suivie et...

Il trouve la force de tendre la main vers ma joue et j'échappe un sanglot pitoyable.

— Eh, fait-il tout doucement. Je veux bien ne plus avoir de regrets si tu n'en as pas non plus, d'accord ? S'il y a bien une personne qui n'y est pour rien dans tout ça, c'est toi. Je...

Il n'a pas la force d'aller plus loin, sa voix s'éteint et il laisse retomber ma main.

— Tu es sûr que tu n'as pas une Pierre Astrale ? je lui redemande dans un nouvel élan de désespoir. N'importe quoi qui pourrait te donner de l'énergie ?

Il secoue la tête et ferme les yeux. Je répète inlassablement son prénom mais ses paupières ne se soulèvent pas. Je vérifie son pouls — il bat encore — avant de fondre en larmes. S'il ne se réveille pas, tout sera vraiment fini. Il n'y aura plus rien. Juste moi qui ne tardera pas à le suivre sur le chemin de la mort et la forêt pour m'engloutir. Ce sera comme si nous n'avions jamais existé, nos corps perdus dans le néant, sans que personne ne trouve jamais.

Je songe alors à Wren. Je voudrais qu'il soit là. Il aurait pu arranger les choses, j'en suis certaine. Alec ne peut pas mourir sans l'avoir vu une dernière fois, même si les frères Nightsun ne se vouent pas une affection parfaite. Je ne peux moi-même pas mourir ici sans lui avoir dit au revoir, après que notre dernière entrevue se soit terminée de manière si brutale, lorsqu'il m'a repoussée et demandé de quitter sa chambre. Ce moment date d'une autre vie, me semble-t-il.

Isaluna : Les Malfaçons [TOME 2] [TERMINÉ]Where stories live. Discover now