- Tu payes à Alban et moi un studio quelque part, sinon, je vais tout dire à la police.

Son expression amusé de tout à l'heure redevient sombre et sérieuse. La tension dans la pièce est foudroyante. D'un geste rapide, il s'approche de moi et relève mon T-shirt. Extrêmement pudique, son geste me donne un élan de peur, il n'était jamais aller jusque là. Il semble regarder mon ventre et mes côtes avec appréhension puis baisse le tissus un sourire ajouté à son expression toujours sérieuse.

- Les coups ont disparu tu n'as pas de preuve, c'est con pour toi.

- Des témoignages doivent suffirent.

- Un témoignage ne sert à rien, tu peux tout inventer. La police n'écoutera pas la pauvre fille prétendant être battu par son méchant beau-père.

Je souris à mon tour, crois t il vraiment que je n'ai pas d'autres idées en tête?

- J'ai bien dis "des" témoignages. Il y a Alban je te rappelle.

Il ne cille pas, il semble avoir réponse à toutes mes attaques.

- Sauf que tu ne l'as pas vu depuis une semaine et que je doute qu'il ait les couilles de faire ça. Ton cher petit frère est encore un bébé.

Je ne cille pas non plus, j'ai aussi une attaque à toutes ses défenses.

- Crois moi, il a bien grandi sans que tu ne le vois. J'ai déjà enregistré son récit.

Coup de bluff total, en fait, je doute réellement qu'Alban ait la force pour le faire, mais c'est toujours mieux de le prétendre. Il doit se sentir au bout du rouleau, pris dans une impasse. Cette fois-ci une de ses tourelles est tombée, son regard flanche quelques secondes, il a l'air de réfléchir au pour et au contre. Pour bien lui faire remarquer sa situation catastrophique, j'en rajoute. Mon honneur toujours souillé à cause de lui en profite pleinement.

- Une visite à son collège est assez rapide à faire au final... il a tout de suite accepté.
Comme à son habitude, il reconstruit son mur défensif et reprend son air mi-sérieux mi-moqueur.

- Tu mens.

- A toi de prendre le risque de ne pas me croire.

Voyant que cette histoire de faux témoignages ne suffit pas, je commence la deuxième partie du plan. Je poursuis.

- Et puis, je doute que les policiers ne me croient pas après les témoignages et les photos.

Une nouvelle fois, son regard flanche quelques secondes. Cette fois-ci son hésitation dure plus longtemps et je crois apercevoir un peu de peur dans son attitude. Il perd pied. Il tente de reprendre son calme, de ne rien laisser paraître, mais malheureusement pour lui, je vois tout. Je vois l'interrogation dans ses yeux, je vois son âme qui commence à paniquer à l'idée de se faire arrêter. Je vois aussi ses mains qu'ils commencent à tripoter nerveusement. Il est presque à ma merci. J'en rajoute, je veux le voir s'écrouler, je veux enfin le voir vraiment, voir cet être si imposant et dur, se transformer en un petit être craintif.

- S'il te vient à l'idée de résoudre ce problème avec de la violence, physique ou morale...

A peine a-t-il entendu la réponse que son corps reprend du poil de la bête.

Pense t il vraiment que je vais lui dire de me frapper pour que je me taise?

- Saches que les témoignages enregistrés d'Alban et moi, ainsi que les photos de mes traces de coups, ainsi que de ma chambre complètement ravagée, sont déjà dans les mains d'une tierce personne. A mon feu vert, cette personne ira tout donner à la police. Et je ne sais pas si cela est nécessaire de te dire que s'il m'arrivait quelque chose, le scénario sera le même, voir pire.

La peur. Voilà ce que je vois maintenant, son visage s'est affaissé à vue d'œil durant mon monologue. Il panique, il a peur, il a peur de moi. Je jubile, ma fierté reprends toute son énergie. Je vois ses mains trembler et sa vue se troubler. Je laisse délibérément mon regard transpercé le sien, il est à terre, je l'ai vaincu. Sa voix est tremblante, il tente de le cacher mais l'effort est vain.

- Tu crois vraiment que tu me fais peur petite conne?

Je baisse la tête et regarde ses mains tremblantes. Il suit mon mouvement et se rend compte de l'ironie de sa remarque. Il met ses mains dans ses poches rapidement. Je relève la tête, un grand sourire sur mon visage, exactement le même que je vois sur le sien depuis tant d'année.

- Il me semble oui.

Je jubile de tout mon être, l'expression horrifié sur son visage me nourrit de puissance, me nourrit de confiance, me nourrit de joie.

- J'en parle à ta mère dès qu'elle rentre.

- Parle -lui bien alors. Je crois que c'est minimum cinq ans de prison ferme, c'est long cinq ans...

Je laisse ma voix s'estomper comme pour bien rendre l'ambiance encore plus pesante et monte au premier étage après avoir repris mon sachet de pâtisserie sur la table.
Ma chambre n'a pas changé et je me mets à prendre quelques photo histoire de rendre mes mensonges un peu plus réels. Je commence ensuite à sélectionner les choses importante de la pièce. Je commence un tri sur ce que je vais prendre dans mon premier chez-moi. N'ayant plus de casque à présent, je mets de la musique en haut-parleur. Je mets le volume au maximum et fais abstraction de la saturation horrible que fait le son. Maintenant, je sais que personne en me dira rien sur le bruit que je fais.

Quelques minutes après, je me rappelle comme un Eurêka que je n'ai pas envoyé de message à Edward. Je m'empare rapidement de mon téléphone et lui envoie un SMS. Je souris lorsque je vois le nom de contact qu'il s'est lui même donné.

Ed plus trop anonyme

Mission accomplie chef.

Ah ben enfin! J'avais déjà prévenu la morgue! Super maintenant je peux annuler ton enterrement...

Dis leurs que je suis ressuscitée.

Oui, maintenant, je ne suis plus la même.

Le Masque [Terminé]Where stories live. Discover now