.-13-. Affamé et rassasié de joie

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- Hé, viens vite c'est l'heure de manger.

Le détestable bruit de ma porte qui s'ouvre accompagnée du tendre chuchotement réussit à parcourir mon esprit noyé dans ma tristesse et mon désespoir.

Émergeant comme d'un profond sommeil, je réponds positivement à mon frère heureusement préventif, la tête cachée sous les couvertures. Mes sens se réveille doucement, je commence alors à sentir mon visage entier mouillé et froid contre le tissu lui aussi humide de mon oreiller.

J'attends qu'Albin referme la porte et s'éloigne, puis sors de mon lit en quatrième vitesse. Il faut absolument que je trouve une solution pour cacher mes pleurs. Un reste de dignité me le hurle.

Vite...vite..!

Je suis paniqué à l'idée d'arriver en retard au repas, mais je le suis encore plus de descendre avec ces yeux bouffis et le visage tacheté de rouge à cause des pleurs.

Je regarde mon réveil : 19h31

La panique monte encore d'un cran, déjà une minute de retard. L'idée me vient comme une illumination.

Les lunettes !

Sans ménagement, je me précipite à la recherche de mes lunettes de soleil tout en essuyant mon visage encore humide. Une fois les avoir trouvés derrière des milliers d'objets plus abandonnés que jamais, je les enfile et vérifie, devant le miroir mural accroché dans ma chambre, que les lunettes cachent bien mes yeux couleur sang.

Je n'ose pas regarder l'heure et descends le plus rapidement possible.

Arrivé devant la porte menant à la salle à manger fermée, je me force à me calmer jouant sur ma respiration. Lorsque je me sens plus détendu, j'ouvre la porte doucement et entre dans la pièce.

Dans la salle à manger tout le monde est silencieusement attablé. De la purée de pommes de terre, que je devine maison, est servis dans les assiettes. Seul Alban lève la tête de son assiette pour me regarder quand je rentre dans la pièce.

Je m'approche calmement vers ma place à table et balbutie des excuses.

- Désolé d'être en retard, je me suis..., j'avale ma salive, endormis, je me suis endormis.

Je me stoppe net incrédule devant la chaise qui m'est désignée. Sur la table, à ma place, il n'y a ni assiette, ni verre, ni couverts.

Voyant mon arrêt devant la table, Christian, après s'être essuyé les commissures des lèvres avec une serviette, lève la tête dans ma direction et tout en posant sur moi un regard incendiaire, prend une voix autoritaire et dit :

- Le repas est servi à 19h30, il est maintenant, il laisse en suspens sa phrase le temps de regarder son importante montre en argent avant de poursuivre, 19h37, tu as donc sept minutes de retard. J'ai demandé à Alban de débarrasser ta place car le repas a été servi et tu n'étais pas là. Tu peux donc partir et retourner dans ton trou à rat. Ne pense même pas à manger ce soir. Et merde, c'est quoi ces lunettes?

La colère se faufile dans mes veines et contamine chaque seconde un peu plus mon sang. Néanmoins, je me contrôle du mieux que je peux pour paraître indifférente lorsque je quitte la salle à manger de la même façon que j'étais rentré, c'est-à-dire, calmement et remonte dans ma chambre.

Arrivé à l'intérieur, je me précipite sur mon oreiller et laisse échapper ma colère en cris étouffés par celui-ci et le frappe violemment pour me défouler un peu.

Une fois plus calme, je me rappelle l'existence d'une cachette à nourriture plutôt remplie dans mes souvenirs. En y accédant après avoir jeté mes lunettes à l'autre bout de la pièce, je découvre quelques paquets de bonbons cachés à l'abri des regards depuis un bon moment déjà, me rassurant alors sur la qualité de ma mémoire.

Je ne réfléchis pas et en mange autant que mon ventre l'accepte. Le goût pâteux aromatisé de fraise, mais surtout de sucre, des fraises Tagada me convient et j'en mange par poignées. Calant mon dos au mur et restant au sol, je déguste mes précieuses provisions en pensant au week-end qui arrivait. Troublée et perdue dans mes pensées, je n'entends que très peu le son de mon portable indiquant une notification. Prenant celui-ci près de moi et le déverrouillant, je vois la certaine notification s'afficher sur l'écran pixelisé.

Gmail: Vous avez un nouveau mail.

Une bouffée d'espoir m'envahit et je me rue sur mon ordinateur portable, le paquet Haribo, toujours en main. Aussitôt je vais sur ma boîte de réception et vois que la source de ce nouveau mail n'est autre que le brun.

Sourire aux lèvres. Joues qui rougissent. Je ressens de l'excitation dans tout mon corps. De la joie, simplement de la joie, mais de la joie bordel ! C'est si rare.


De: plusanonymequanonymous@gmail.com

A: cactuslechat@gmail.com

Objet: Piquant cette adresse mail !

Salut !

Content de pouvoir discutailler avec toi :)

Et ben écoute ça va tranquille et toi?

Je ne peux malheureusement pas répondre à ta question de taille, je suis né comme ça :)

L'analyste.


Mon instinct croit à l'honnêteté de ce garçon mais ma raison et mon expérience sont quant à eux, bien douteux. Néanmoins, cela me change de l'ordinaire et je dois seulement savourer cette joie et profiter de cette rencontre pour sortir un tant soit peu, ma routine bien ancrée. C'est en voulant changer mes habitudes que j'avais emprunté un nouveau trajet en début de semaine, et c'est sur cette nouvelle route que j'avais croisé ce garçon. Parallèle remarquable lié à des coïncidences intéressantes.

Je réponds à son message rapidement, priant intérieurement qu'il soit encore devant sur son ordinateur prêt à répondre.


De: cactuslechat@gmail.com

A: plusanonymequanonymous@gmail.com

Objet: Très longue à écrire ton adresse mail.

Disons que ça va.

Pour répondre à la question que tu m'as posé hier : "Pourquoi ton sourire sonne-t-il si faux?" (Je te la rappelle parce que les bouts de papiers dans la capuches n'ont pas de fonction "Archivage des papiers donnés") je répondrais avec la magnifique citation qu'un sage a un jour dit : "Je ne peux malheureusement pas répondre à ta question , je suis né comme ça." ;)

La fille blonde.


Et c'est dans cette chambre mal aérée puant l'odeur des fraises Tagada, que pour la première fois depuis longtemps, j'arrêtai de penser à ma mort.

Le Masque [Terminé]Where stories live. Discover now