.-15-. Mâtinée

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Je repose mon crayon sur le bureau et me renverse dans le siège peu confortable. Un soupir m'échappe accompagné d'un sourire. Cela m'a fait du bien d'écrire, ça faisait longtemps. Depuis qu'on m'avait offert ce carnet à spirales décoré d'image de chat un peu enfantin, je l'utilisais souvent. Je ne l'appelle pas Kitty, mais j'aime le faire vivre en écrivant comme si je parlais à une personne. Il était donc temps de mettre les choses au clair et de raconter ce dernier mois qui fut intense.

Une fois remise de mes émotions, je me redresse sur le siège avant de me lever et me coucher. Ce soir Edward et moi avons beaucoup parlé. Nous parlons généralement de musique, de film et de manga. De vraies conversations de geek! Nous pratiquons l'humour et le second degré à plein temps et j'adore converser avec lui. Lundi arrive à grand pas tandis que j'essaye de m'endormir dans ce lit un peu trop petit pour moi. Mes pensées comme bien souvent ne veulent pas se taire et c'est avec une grande volonté ainsi que d'une patience sans relâche que j'arrive finalement à m'endormir.

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- Viens là salope.

Christian m'agrippe à la taille avec force. Je me débats et tente de continuer à courir dans une direction inconnue. Je crie, le frappe, pleure...

- Non, non Christian laisse-moi...laisse-moi s'il te plaît... Laisse-moi je t'en supplie !

- Ferme la.

Il me soulève. Je suis maintenant sur son épaule, immobilisé par mon poids sur son os. Le souffle court et la peur au ventre je continue tout de même de hurler.
J'appelle au secours mais personne ne me répond. Personne ne vient. En fait, il n'y a personne ici. En un clin d'œil nous apparaissons devant une voie de chemin de fer visiblement déserte. Il ne dit rien quand il me dépose sur les rails. Je me débats toujours de toutes mes forces lorsque je me rend compte des cordes qui encerclent mes poignets et chevilles. Je suis totalement captive, à sa merci... Je pleure, le supplie toujours de me laisser partir. Pour aller où ? Je ne sais pas. La seule pensée rationnelle à ce moment est que je dois m'enfuir, et au plus vite.

Un imposant cri de métal se fait entendre. En plissant les yeux pour mieux voir avec la forte luminosité du lieu, je réalise qu'un train arrive à toute allure vers nous. Enfin vers moi car en tournant la tête je peux voir que Christian vient de disparaître. Aussitôt je me débats encore plus. Je tire sur les cordes qui maintiennent mes poignets ensemble, je les entortille, et essaye de forcer dessus priant pour qu'ils se cassent. J'essaye de faire de même avec mes chevilles en me contorsionnant dans tous les sens. Un deuxième hurlement se fais entendre. Par réflexe je regarde la source de celui-ci et m'aperçois que le train est maintenant proche et roule toujours aussi vite. Je continue de tenter de me libérer cette fois-ci avec encore plus d'entrain. Je sens l'adrénaline parcourir chacune des parcelles de mon corps. Elle est d'ailleurs une grande amie de la peur qui, malheureusement pour moi, contamine elle aussi toutes mes cellules.

Je tire, crie, pleure. Mes yeux sont fermés par la peur et la douleur que font ces cordes sur ma peau alors que j'essaye toujours de me libérer. Je sens des torrents de larmes couler le long de mes joues. J'ai froid. J'ai peur. J'ai mal. Le train brame, les rails tremblent à l'arrivée du monstre de ferraille, et dans un ultime regard obstrué par les pleurs je vois le train galoper à ma rencontre.

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Grande bouffée d'air. J'ai l'impression d'étouffer. Je tousse et porte ma main aux lèvres. Lorsque ma main entre en contact avec mon visage je m'aperçois que celui-ci est humide. Voir même trempé. Tandis que je reprends mon souffle et me redresse contre les oreillers, je repense au cauchemar que je viens de faire. Une forte odeur de transpiration accompagne mes pensées.

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Didn't even really wanna go. But if you get me out you get a show . There's so many bodies on the floor, So baby we should go and add some more...Are you down...

Avec difficulté j'arrive à ouvrir les yeux et à éteindre mon réveil. Je me laisse quelques secondes pour émerger de cette nuit encore beaucoup trop courte avant de me lever. Je m'empare du premier sweat que je vois pensant à la météo plutôt hivernale de ces quelques jours et enfile un jean resté par terre de la veille.

Faudrait peut-être que je sois un peu un plus soignée..., pensais-je en voyant la moitié de ma garde-robe au sol.

Je finis de m'habiller puis je me passe un coup de brosse toujours très rapidement. Je me regarde dans le miroir que très rarement, je n'aime pas trop affronter mon propre regard morose... Ce matin je n'ai pas le même état d'esprit que d'habitude et je commence une inspection détaillée de mon visage pour la première fois de ma vie.

Un bouton par-ci, des grains de beauté par-là, un long nez menant à une bouche assez petite. Mon regard remonte un peu pour croiser mes yeux. Au milieu de cils assez longs et en dessous des sourcils peu entretenus se situent des yeux bleus à l'allure triste. Mon regard est comme...éteins. En dessous de ceux-ci, d'énormes cernes bleuâtres lévitent sur ces fines pommettes. Mon corps est autant fatigué que mon moral. Je porte mon attention sur l'horloge reflété derrière moi. Il est l'heure de partir. Avec cette découverte de corps je n'ai même pas eu le temps de déjeuner.

C'est donc le ventre vide, les oreilles débordées de musique et les pensées toujours trop loin, que je quitte la maison pour le lycée.

Sur le chemin, je tente d'envoyer un mail à Edward sans tomber ou me prendre un poteau en marchant. Tâche accomplie avec succès.


A : plusanonymequanonymous@gmail.com

De : cactuslechat@gmail.com


Salut Edward.

Bien dormi? Je suis en retard ce matin donc on risque de ne pas se voir ce matin !

Passe une bonne journée et à ce soir !

La fille blonde.


Comme prévu, je ne croise pas Edward sur le trajet. La sonnerie retentit lorsque je passe l'entrée défraîchie du lycée en courant. Essoufflée, je me dirige devant ma salle de cours qui, par chance, n'est pas encore ouverte. Je rejoins donc Salomé dans la foule d'élève pour attendre le prof de français. Le vacarme autour efface presque la salutation de celle-ci à ma venue. Elle est occupée à parler du fameux Nathan avec une de ses amies et je la laisse parler restant à côté sans rien dire. Sa voix disparaît petit à petit de mon esprit tout comme le bruit ambiant.

Ce matin je ne pense qu'à ce soir.

Le Masque [Terminé]Where stories live. Discover now