— Ça doit être terriblement difficile à vivre, compatie Alexeï avec douceur sans avoir l'air dérouté. Tu peux être fière d'avoir surmonté cette épreuve.

Si des coeurs pouvaient sortir des yeux de mon amie comme dans les dessins animés, je crois qu'une flopée s'en échapperait.

— Il n'empêche qu'elle reste détraquée, lance soudain Wren sans se détourner du coin de la table.

Si des éclairs pouvaient sortir de mes yeux, je crois que Wren exploserait en cendres.

— Je ne suis pas détraquée, se défend Phoebe. Tu peux parler, toi et tes pulsions meurtrières.

— Je suis fier et j'assume mon côté tordu. Contrairement à toi qui es incapable d'admettre ce que tu es : une folle dingue.

Mais qu'est-ce qu'il a à être si désagréable ? Je sais qu'il ne porte pas Phoebe dans son coeur mais là...

— Il n'y a rien de déshonorant à entendre des choses que les autres n'entendent pas, intervient Alexeï. Cela te rend plus spéciale, c'est tout.

Je comprends alors la différence entre Alexeï et Wren : l'un a le comportement d'un gentleman, comme Alec, alors que Wren est tout simplement exécrable sans aucune raison. Comment peut-il si irrésistible avec moi et si insupportable dès qu'il a un public ?

Une sonnerie tonitruante de téléphone résonne soudain et fait sursauter Karlie jusqu'au plafond.

— Excusez-moi, je dois répondre, déclare-t-elle distraitement en se levant et en sortant son téléphone.

Nous la regardons disparaître dans un couloir, étonnés par son comportement si étrange. J'interroge discrètement Darwin du regard mais il hausse les épaules.

— Si vous voulez mon avis, marmonne Caroley comme si elle était en train de dormir, vous êtes tous détraqués.

Alec soupire en s'examinant les ongles, Darwin finit son verre, Alexeï et Phoebe baissent les yeux vers leurs assiettes et Wren ne bouge pas d'un cil, toujours obnubilé par la table. Tu parles d'une soirée d'anniversaire réussie ! Elasia avait peut-être raison : j'aurais mieux fait d'inviter beaucoup d'inconnus et occuper une salle de bal du palais.

Karlie revient quelques minutes plus tard, ses claquements de talons brisant un silence insoutenable. À peine s'est-elle assise que la sonnerie de la porte d'entrée nous fait tous tressaillir. Alec se lève sans demander son reste, visiblement heureux d'échapper à l'ambiance pitoyable régnant dans la pièce.

— Tu comptes attendre le déluge pour aller chercher mon gâteau dans la cuisine ? me demande Phoebe avec de grands yeux. Je n'attends que ça !

Je m'apprête à m'exécuter quand des voix élevées nous parviennent du hall. Sans me poser plus de questions, je me précipite vers l'entrée. Je manque de tomber sur les fesses quand je découvre Rona, radieuse sous la lumière de ma guirlande.

Appuyée contre le chambranle de la porte d'entrée, elle semble se croire chez elle, ce qui n'est pas complètement insensé quand on sait qu'elle a passé une partie de son enfance à la villa. En face d'elle, Alec fait malgré lui trembler les meubles l'entourant, les poings serrés.

— Ah Isaluna, te voilà ! s'écrie ma soeur dès qu'elle me voit. Je dois avouer que cet endroit m'avait manqué. Mais ces lumières dénaturent un peu les lieux...

Isaluna : Les Malfaçons [TOME 2] [TERMINÉ]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora