Douleur Partagée

51.5K 3K 2.3K
                                    

Sergei

Je suis assise sur la banquette arrière de la voiture, entre Adrian et Luka. Devant, sur le siège passager, se trouve Gleb. Il tourne la tête pour me sourire et ses yeux bleus brillent de bonheur. Le conducteur n'est qu'une silhouette sombre que je ne parviens pas à identifier. Je devrais être à sa place... Adrian explose soudain de rire, détournant mon attention. Luka affiche un sourire immense. Les voir ainsi me réchauffe le cœur.

Alors tout n'était qu'un rêve... Il n'y a pas eu d'accident. Gleb n'est pas mort. Il est là, avec nous. Heureux.

Cependant, lorsque je baisse le regard sur ma main droite, sa peau est déchiquetée. La chair est en lambeaux et les os sont visibles sous la couche d'hémoglobine. Le sang ruisselle sur mes jambes, éclaboussant les sièges.

Un cri de terreur m'échappe à la vue de mon membre estropié. Mais, tandis que je hurle, les garçons continuent de rire aux éclats. La voiture prend de la vitesse. Soudain, le conducteur montre quelque chose dehors. Comme les autres, je tourne la tête pour voir de quoi il s'agit.

Des lumières foncent sur nous à toute vitesse. Quelqu'un hurle. Je crois que c'est Adrian. Ou peut-être moi. Je ne vois plus que les phares se rapprochant inexorablement, mon regard ne parvenant pas à s'en détourner. J'essaie de crier au conducteur, de lui dire qu'il doit éviter la collision. Qu'il ne doit pas laisser mourir Gleb.

Mais c'est trop tard.

La voiture est percutée de plein fouet. Ma respiration est coupée par le choc et ma tête est projetée en arrière par la puissance de l'impact. Le véhicule exécute une série de tonneaux avant de s'écraser sur le toit au milieu de la route.

Quand je rouvre les yeux, je ne vois que du sang. Partout. Partout. Partout.

Près de moi, les garçons sont silencieux. Je ne les regarde pas, ne voulant pas voir leurs cadavres désarticulés pendre dans le vide. Pourtant, mon regard se tourne vers l'avant du véhicule.

La tête de Gleb est penchée sur le côté, la bouche et les yeux ouverts. Sans vie. J'éclate en sanglots douloureux à la vue de son corps brisé.

— Pardonne-moi, tout est ma faute...

Je pleure toutes les larmes de mon corps sans pouvoir m'arrêter. J'ai mal au cœur. Aux poumons. À la tête. Mon ventre est transpercé par un morceau de tôle qui me cloue au siège. Ma main me brûle atrocement, comme si elle était soudainement plongée au centre d'un ardent bûcher. Les larmes coulent sans interruption sur mon visage, me brouillant la vue. J'ai envie de hurler mais n'y parviens pas. Le cri reste coincé dans ma gorge, refusant de me libérer de cette culpabilité qui me ronge.

— Je suis désolée...

Ma voix est entrecoupée de sanglots. Je gémis de douleur.

Un mouvement sur la droite me fait détourner les yeux de Gleb. Le conducteur de la voiture bouge. Heureuse de voir que je ne suis pas seule, j'ouvre la bouche pour l'appeler. Mais une terreur sans nom me saisit lorsque le visage ravagé de l'inconnu se tourne vers moi, emporté par le poids de son corps.

C'est Mirko.

Mort.

***

Je me réveille en sursaut, la bouche ouverte sur un hurlement de terreur. Ma respiration est saccadée et je suis trempée de sueur. Mes cheveux collent à mon front. Ma main gauche est serrée autour des draps et la droite est pressée contre moi. Toutes deux tremblent. Les dernières réminiscences de mon cauchemar restent accrochées à mon esprit.

ITALIAN MAFIA - Édité chez BMRWhere stories live. Discover now