Chapitre 52 - Mon père, ce héros

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Chapitre Cinquante-Deuxième

Samedi 11 juillet 2026. J-88.

Martijn m'a fait sa deuxième demande (Sa Demande quoi) en avril de l'année dernière (autant dire une éternité). C'était le 24 avril. Et aujourd'hui, j'ai fait la liste de tout ce qui avait changé dans notre vie ; eh bien, il y a pas mal de choses qui ont changé en presque un an et demi. Voici une liste (non exhaustive): Rika et Louis se sont mis ensemble puis se sont séparés et c'est triste, je suis néerlandaise, Charlie n'est plus avec Meghan mais avec Ariel (et je l'aime bien), Charlie ne déteste plus Martijn (99% du temps), Martijn a eu 30 ans, on a acheté une maison dans laquelle on s'installe d'ici deux mois (c'est toujours pas fini et Marty parle déjà de creuser une piscine...), on a déposé le préavis de l'appartement dans lequel on vit depuis presque neuf ans (rien que l'idée qu'on puisse quitter notre cocon pour un autre, j'ai envie de pleurer). Mais s'il y a bien une chose qui n'a pas changé, c'est que je ne réalise pas vraiment que je vais me marier.

Pourtant, il y a eu des tonnes de moments où j'aurais dû réaliser que j'allais me marier. On a visité je-ne-sais-plus combien de châteaux pour la fête. On fait la préparation religieuse (ce qui saoule Martijn la plupart du temps à cause de la brune qui parle trop fort, mais je dois lui concéder qu'il le cache plutôt bien) à Amsterdam (parce qu'on a un prêtre français, hyper conciliant). On a envoyé les invitations. On a reçu les réponses. On a commencé le plan de table qui constitue la nouvelle décoration du salon. Mais malgré tout ça, ça ne rentre pas dans ma tête. Je vais me marier dans moins de trois mois et j'ai même acheté une robe. Je veux dire... J'ai acheté une robe blanche. J'ai acheté une robe de mariée. Une robe de mariée. J'avais bêtement pensé que ça allait m'aider à m'identifier, mais pas du tout. Je me souviens des premiers essayages. Maman n'était pas là, mais Anouk s'était libérée pour m'accompagner avec mes demoiselles d'honneur et... Et rien. Quand je me regardais dans le miroir, je n'arrivais pas à me dire que c'était moi. Mais attention ! J'étais émue, mais... En fait je n'arrivais pas à me dire qu'un an plus tard, tout le monde allait me voir comme ça. J'avais hâte que Martijn me voit comme ça, mais mon cerveau n'associait pas ça à notre mariage. À nous. Je comprends bien que ça fait un an que j'organise cette journée, que je fais tous les choix possibles et inimaginables, qu'on s'embrouille sur tout parce que chacun d'entre nous veut que ça soit parfait. Mais mon cerveau n'arrive pas à imprimer que je fais tout ça pour moi, pour nous. Ça va être notre mariage. Purée...

Rien qu'en écrivant tout ça, je pense que j'ai compris ce détachement : en fait c'est normal. Pour moi, il n'y a rien d'exceptionnel à l'idée d'épouser Martijn. Je suis prête ; et même si j'ai mis plus de temps que lui, je trouve enfin tout cela naturel et normal. Alors que dans ma tête de petite fille, un mariage, c'était extraordinaire et ça allait tout bouleverser. Mais non, parce qu'une fois qu'on sera marié, rien en va changer. On vit déjà ensemble, on se connaît par cœur, on a notre routine. Ce mariage, c'est juste l'étape de plus. En fait le seul truc qui va vraiment changer dans ma vie de tous les jours, c'est que je vais pouvoir dire « mon mari ». D'ailleurs, je pense que je vais m'entrainer dès maintenant parce que je sens que je vais mettre beaucoup beaucoup beaucoup de temps à m'habituer (ça fait dix ans que je le présente comme « mon copain hollandais »).

J'ai oublié un truc dans la liste des choses qui ont changé !! J'ai grandi. Tout ça, ça m'a vraiment fait grandir. Je suis une adulte. J'ai un boulot, (bientôt) une maison et un mari. Je suis une adulte › responsabilités › famille. Et... Je crois que ça y est, je m'imagine avec des enfants, un chien (je veux un chien ! Deux même ! Mais je vais déjà essayer de convaincre Martijn pour un. Allons-y par étapes.) et un monospace (comme dans la chanson de Bénabar. « Avec un cercle en plastique. On appuie dessus, ça sort, ça fait porte-gobelet »). Hier soir, je me baladais dans notre maison (oui, j'aime bien me balader dans notre maison maintenant qu'on a un parquet tout beau tout posé partout) ; et, à travers la baie vitrée, je voyais Martijn, Louis et Staas entreposer quelques toiles dans ce qui sera son atelier, le soleil déclinait lentement sur l'IJ, j'avais un gobelet de café dans les mains et tout ce qui manquait pour parfaire le tableau de la famille parfaite, c'étaient les enfants et le chien. J'en n'ai pas encore parlé à Martijn. Je préfère attendre encore un peu... Peut-être pendant notre voyage de noces ou peut-être avant (je ne sais pas où on va, il ne veut rien me dire et il s'occupe de tout. J'espère que ce sera l'Italie...). En tout cas, je suis prête. Pour les enfants, je parle (quoi que le chien aussi, mais c'est peut-être un peu moins important...). Je suis même prête à porter cet enfant. Je ne sais pas trop quand à eu lieu le déclic... Peut-être à la naissance de Faustine ? Ou alors quand ma mère m'a dit qu'elle me trouvait belle dans ma robe de mariée ? C'était la première fois que ma mère me disait que j'étais belle, avant elle disait toujours que j'étais « mignonne », que « ça m'allait bien », que « ça cachait bien mes formes » ; mais là, j'étais plus que ça. J'étais belle. On m'avait déjà dit que j'étais belle. Annabeth me l'a déjà dit. Anouk aussi. Rika aussi, une ou deux fois. Et puis Martijn aussi, des centaines de milliers de fois. Mais là, c'était ma mère. Et... Je crois que j'attendais ça: être belle aux yeux de ma mère.

L'Étoile À Gauche De La Lune - [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant