Fallen From Above

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Loki se sentit pourtant ébranlé. Certes, il n'était pas le plus agréable à vivre, il était joueur, malin et malicieux – du moins, c'est ce que l'on racontait dans le royaume. Ce que les Midgardiens aussi avaient appris de lui, et ce que le reste des habitants d'Yggdrasil en avaient retenu. Cela devait alors être vrai. Des traits de caractère qui n'échappaient à personne, et qui effrayaient certains. Mais, si dans les mots de Nótt il y avait du vrai, il n'y avait aucune trace de reproche ou de crainte. Son discours ne semblait pas non plus être une mise en garde, et rien de tout cela ne put directement atteindre Loki.

Le jeune prince n'avait jamais été épris tel qu'il l'était désormais : il lui semblait qu'il avait troqué son statut de prince pour être prisonnier des étoiles. Il avait pourtant la sensation qu'il serait bientôt redevenu un homme libre ; et cela à juste raison : le deuxième jour était là. Ce dernier guettait Loki comme s'il était un être vivant à part entière, se riant de son charme, car le désir qu'il éprouvait risquait de ne jamais être satisfait.

Il y avait cette chose que Loki n'avait pas l'habitude de trouver chez les autres : de l'intérêt. Une forme de fascination, plus ou moins exacerbée, qui puisse lui assurer le moins d'ennui possible. Il lui fallait agir, pour entièrement découvrir le sujet de cet intérêt et de cette admiration. Celui qu'on appelait « Le serpent » redoutait sa faillite, et la perte de cette Reine, qui retournerait dans le ciel. C'était là, la naissance d'un appétit redoutable, celui qui menait Loki à croire en toute jalousie extérieure, celle qui lui faisait perdre un morceau de sa raison. Voilà que les ennemis sortaient de la terre, spectres d'un esprit torturé par un monstre invisible. Devenu si imperceptible, qu'il ne se distinguait plus du jeune homme.

Loki sentait un malaise indicible, une sorte de culpabilité mêlée à une angoisse lointaine. Le mal venait du néant, ou d'un lieu qu'il ne connaissait pas, comme si le discours de Nótt avait réveillé une nature inconnue. Et cette sensation se soulevait lentement dans le creux de son ventre, mais, inconsciemment, il savait qu'elle serait vite oubliée.

Une excellente chose était à retenir cependant pour le Prince d'Asgard : pour la première fois, dans cette longue vie que Loki avait déjà avec lui, Thor était devenu le personnage secondaire de l'aventure. Une ombre aussi épaisse que sa carrure, mais oubliée de Nótt

Il n'y avait pas que de la bienveillance dans cette passion que nourrissait Loki, il n'y avait pas que le désir d'un corps non plus ; mais aussi le désespoir de se voir au dessus des autres. Loki avait l'étrange plaisir de voir Thor s'agacer devant une défaite dont il n'avait peut-être même pas conscience – à moins que son frère cadet ne le sous-estime un peu trop.

Ainsi, ce qui avait pu être un sentiment de pureté - qui avait été la première impression -, se métamorphosait lentement en une jouissante vengeance. Loki se sentait brûler de satisfaction, en même temps qu'il se heurtait à l'image de Nótt qui semblait être indépendante de ce ressenti.

Tout, dans cette situation, faisait que Loki était en train de briller. Depuis qu'il avait trouvé le corps de Nótt, et jusqu'à la manière dont il voulait maintenant se l'accaparer, Loki devenait un véritable brasier.

Nótt était sa réussite personnelle, une preuve de plus qu'il valait mieux que les autres.

Et, par-dessus cela, quelque part en lui, s'accrochait l'espoir que la Nuit lui apporte une attention tout autre, faisant de Loki le sujet d'un amour qu'il avait peur de ne jamais voir venir.

Loki se leva du grand lit qui trônait dans la gigantesque chambre, et croisa son reflet dans le miroir. Il eut pour premier instinct de se toiser un instant, puis, il eut honte. Cette honte provenait certainement de sa jeunesse, parce qu'il se sentait légitime malgré tout, et il fut convaincu qu'il lui faudrait trouver un moyen de la balayer.