12 / SARAH

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Si on m'avait dit un jour que je bosserais pour LE George Hardy, je pense que j'aurais ri. C'est bien le réalisateur le plus célèbre avec qui j'ai eu l'occasion de travailler. Le pire c'est que ce petit miracle, je le dois à Ian.

Aujourd'hui c'est mon premier jour sur le plateau et je ne l'ai pas revu depuis l'épisode de la fête chez Toby. Il avait disparu quand je me suis levée le lendemain. Je n'ai pas retrouvé de capotes par terre, ni dans la poubelle ce qui était TRES rassurant. Par contre, j'ai trouvé le bout de papier qu'il a laissé avec son nom et son numéro. J'étais (et je suis toujours) extrêmement gênée par tout ce qui s'est passé ce soir là ; d'autant plus que je me souviens parfaitement de la conversation qu'on a eu dans la voiture et ce moment embarrassant où je lui ai avoué vouloir le toucher et où il n'a pas prononcé le moindre mot. J'aurais été incapable de lui téléphoner ou même de lui envoyer un texto après ça. Je crois que je n'avais pas réalisé à quel point j'avais besoin de proximité ces derniers temps. Il faut dire que depuis Gary, mon premier, je n'ai eu que des aventures sans véritable désir de m'investir. Malheureusement, ce manque d'affection a décidé de me titiller pile au moment de ma rencontre avec Ian... Il va falloir que je fasse avec car il était hors de question que je refuse cette opportunité professionnelle. Avec un peu de chance, Ian ne me tiendra pas rigueur de mes « révélations » puisqu'il ma recommandée pour ce job. Après tout c'est un acteur professionnelle, il doit savoir simuler l'indifférence mieux que personne.

Quelqu'un me bouscule et me fait sortir de mes pensées. C'est un technicien avec une perche qui s'excuse tout en continuant sa course. Au chômage depuis quelques mois, j'en avais presque oublié tout le remue ménage des plateaux de tournage. J'aime par dessus tout ce chaos ambiant et l'agitation qui y règne. Nous tournons dans un entrepôt où les décorateurs ont recrée un appartement pièce par pièce. Au loin, j'aperçois un attroupement de technicien, cameraman et ingénieurs son qui préparent la première scène ; à l'opposé se trouvent quelques personnes en costumes qui ont l'air de ne rien faire du tout. J'en déduis qu'il s'agit des figurants.

Je jette un oeil à la feuille de service qui ma été remise en arrivant par le second assistant. Le document m'indique que le « PAP », prêt à tourner, est dans trente minutes. Je dois m'assurer que tous les comédiens sont bien prêts ou qu'ils le seront à temps. Je me dirige à l'extérieur de l'entrepôt et vers les caravanes qui leur servent de loges. Afin de crever l'abcès dès le départ, je décide de commencer par celle de Ian.

Je m'apprête à frapper quand la porte s'ouvre sur un éclat de rire et une fille qui en sort. Je reste figée le point levé. Ian rit aussi lorsque son invitée s'esclaffe à nouveau en posant sa main sur son bras. Je baisse le bras alors qu'elle recule sans me regarder.

-Oh ! Dit la fille en me bousculant. Je ne vous avais pas vue !

Je la reconnais immédiatement comme étant Candice Ravel, accessoirement l'ex de Ian. Je lui fait grâce d'un sourire factice avant de lever mes yeux vers Ian. Son hilarité a cessé et son regard est fixé au mien.

-Salut ! Dit-il dans un souffle.

-Vous vous connaissez ? Demande Candice.

-On... commence Ian.

-Nous nous sommes déjà croisés ce matin. j'ajoute précipitamment. Madame Ravel, Monsieur Muller, je voulais m'assurer que vous aviez tous les deux votre « jour à jour ».

Ce document, comme son nom l'indique, est distribuée chaque jour (ou la veille) et permet aux équipes de savoir quelles séquences seront travaillés et dans quel ordre. Ainsi les comédiens peuvent se focaliser uniquement sur les scènes du jour où s'informer des modifications du scénario.

-Appelez, moi Candice ! Répond celle-ci d'un ton enjoué. Et oui ! j'ai le mien dans ma loge. Je cours le chercher ! A plus tard, Chaton ! s'exclame l'actrice en déposant un baiser sonore sur la joue de son partenaire.

Ian n'a pas bougé d'un centimètre depuis qu'il a ouvert la porte de sa loge. Il est demi dehors, demi dedans. Sa main droite est posée sur la poignée et son pied bloque la porte. Il ne dit pas un mot, se contentant de me regarder fixement.

J'attends que Candice soit hors de portée, puis je m'éclaircis la voix :

-Est-ce qu'on peut se parler ? Je demande. En privé ?

Ian se décale en me faisant signe d'entrer. Je pénètre dans l'espace exigu non sans avoir jeter un oeil aux alentours pour vérifier que personne ne me voit entrer. Sa caravane est identique à toutes les autres, mis à part un journal de sport et quelques affaires de Ian qui traînent ici et là.

-Assieds-toi si tu veux. Propose Ian en désignant le sofa.

-Non merci, c'est gentil. Je réponds de manière courtoise.

-Tu veux boire quelque chose ? J'ai des trucs frais dans mon mini frigo

-Non, je n'ai besoin de rien. Je voulais simplement que nous mettions les choses au clair entre nous mais j'ai vu que Candice et toi vous étiez rabibochés donc je suppose que ce n'est plus nécessaire... Je déblatère en évitant soigneusement le regard perçant de mon interlocuteur.

-Quoi ? Non... déclare Ian en penchant sa tête sur le côté comme s'il tentait de lire en moi. Candice et moi c'est terminé ; Nous sommes juste des amis.

-Peu importe. Je réponds un poil trop vite malgré la sensation de soulagement qui s'empare de moi.

-Ce que je veux dire, continue Ian, c'est que toi et moi ça n'a rien à voir avec elle.

-Il n'y a pas de toi et moi, Ian. Je m'empresse de répondre. C'est ce que je suis venue te dire. Je ne te remercierais jamais assez pour cette opportunité de travailler ici mais nous en sommes toujours au même point. Nous deux, c'est impossible

-Pourquoi ? m'interrompt Ian. Ne te méprend pas, je ne suis pas en train de te faire une quelconque déclaration mais je cherche à comprendre ce qui te pousse à me repousser tout le temps.

-Tout ! Je m'écrie. Tobias, ta célébrité, ta situation compliquée avec ton ex...

-Il n'y a rien de compliqué, c'est de l'histoire ancienne ! s'emporte Ian en levant les bras.

-Je lis les journaux! Vous passez votre temps à vous séparer et vous remettre ensemble ! Qu'est-ce qui est différent cette fois ? J'explose.

-Toi ! Crie-t-il pour de bon, les yeux écarquillés. TU es différente JE suis différent parce que cette fois, je ne ressens plus rien pour elle ; Ce n'est pas à elle que je pense en souriant comme un idiot.

Il soupire, puis ébouriffe ses cheveux d'une main. Je reste interdite, à la fois surprise par ce qu'il vient d'affirmer mais sur la réserve face à la réalité de la situation. Je le regarde se frotter le front comme pour chasser une migraine. Enfin, ses yeux trouvent les miens et il déclare :

-Tu me fais rire, tu m'intrigues, tu m'émeus et tu m'énerves aussi ! Tu es tellement bornée ! s'exclame Ian en riant.

Ses yeux pétillent, son sourire est franc.

-Ian... je chuchote en secouant la tête.

Il avance de quelques pas et me saisit le menton pour me contraindre à le regarder. Ses paroles sont chuchotées.

-Je ne dit pas que je suis amoureux de toi, Sarah. Nous nous connaissons encore trop peu mais j'ai envie de te connaître. Je sais qu'une partie de toi est brisée, que tu t'es bâtie une forteresse autour de toi mais tout ce que je te demande c'est dessayer. Laisse moi entrer, Sarah. Laisse nous faire connaissance...

-Je ne sais pas si c'est une bonne idée, je dit, touchée mais perplexe. On bosse ensemble et ce n'est que la partie émergée de liceberg.

-Essaye. Propose Ian en me caressant la mâchoire. En plus si jamais on devait rencontrer des icebergs, je te promets de te faire de la place sur ma planche.

-Je crois que tu es censée te sacrifier et me laisser ta planche enfaite... je le taquine de manière espiègle.

-Pas faux. Réplique-t-il en souriant. amis ?

-Amis. Je réponds en hochant la tête.

TOUT mais pas TOIDonde viven las historias. Descúbrelo ahora