Jour 11

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Alors que les douze coups de minuit viennent tout juste de sonner, Tess et moi sommes toujours à la mairie attendant avec impatience qu'on nous dise que nous pouvons repartir. La nuit est entièrement tombée, les éclairages municipaux se sont éteints et les seules lumières qui nous parviennent sont celles des voitures de police et de la lune qui s'est arrondie en ce triste soir. Dylan est arrivé avec son équipe, il y a seulement deux heures. D'après ce qu'on a pu entendre, ils ont découvert un nouveau cadavre à la lisière d'une forêt. L'idée que ce puisse être la forêt d'érable m'avait effectivement traversé l'esprit mais en étant un minimum rationnel, il n'est que peu possible que trois morts dans une ville aussi dissipée que la nôtre aient un lien même aussi infime puisse-t-il paraître. Dylan n'est pas venu une seule fois nous voir, il n'a fait qu'envoyer ses agents pour nous interroger ou nous demander si nous allions bien ... mais il n'est pas venu ... Je le fixe dans l'espoir qu'il se décide à venir mais au moment où nos regards se croisent, je me sens forcée de regarder ailleurs. Malgré cet instinct que je ne saurais expliquer, Dylan se dirige tout de même vers nous.

"Comment allez-vous ? nous demande-t-il professionnellement.
- Ça irait mieux si on pouvait rentrer chez nous ! lâche Tess énervée.
- Je comprends mais il faudra encore que vous attendiez un petit peu ... pas plus d'une heure, soyez-en sûr ! Et toi, Maya ? Ça va ?
- Ce n'est pas la première fois que je vois un mort, lui réponds-je simplement.
- Il s'est quand même fait tuer devant vous, ce n'est pas banal !
- Effectivement.
- Tu es sûre que ça va ?
- Parfaitement ! Tu crois qu'il y a un lien entre la mort de mon père et celle du maire ?
- Ils se connaissaient donc oui mais est-ce que la personne qui a tué ton père a aussi tué le maire, ça, je ne saurais le dire ... Aucun indice ne nous mène sur cette piste ..."

Tess me met un coup de coude dans le bras certainement pour que je lui parle du papier mais je préfère encaisser et l'ignorer.

"Et ce mort à la lisière d'une forêt ? On le connait ? demande-je à Dylan.
- Je pense, oui ... C'est le coach Parker, déclare-t-il.
- Le prof de sport du lycée ?! s'exclame Tess stupéfaite.
- Oui ...
- Mais ... Il est mort quand ? réplique-je.
- Il y a quatre ou cinq jours ..."

Cinq jours ...
Cinq jours ...
Cinq jours après la mort de mon père ...
Cinq jours avant le meurtre du maire Baker ...

"C'est fou ! Il n'a pas été tué tout de même ? s'interroge Tess.
- On dirait bien que si, pourtant ..." réplique Dylan.

Et si ces trois meurtres étaient liés ? Au-delà du fait qu'ils se connaissaient tous les trois depuis longtemps, il manquerait plus qu'ils aient trouvé ...

"Vous n'avez rien trouvé sur la scène de crime pour identifier le tueur ? lance-je l'air de rien.
- Non. Qu'est-ce que tu voudrais qu'on ait trouvé en même temps ? lance Dylan. Un papier avec le nom du tueur dessus ? Ce n'est pas aussi simple, tu sais."

Comme si je ne le savais pas ! Pourtant tout porte à croire qu'il y a bien un papier là-bas, caché quelque part, à l'abri des regards ... que seule une personne qui le cherche vraiment puisse le trouver. Dylan s'éloigne après nous avoir demandé de ne pas en parler pour ne pas inquiéter d'éventuels partisans de l'hypothèse comme quoi un tueur en série courrait en ville.

"Un troisième meurtre ? répète Tess en se penchant vers moi.
- Un troisième papier, déclare-je avant de sortir le papier que j'ai pris dans le bureau du maire de ma poche. Ça serait fou que ce soit simplement une coïncidence ...
- Ce n'est pas une coïncidence, Maya ! Le tueur de ton père a aussi tué le coach Parker et le maire Baker ... mais pourquoi ?!
- À nous de le découvrir !"

***

L'heure que Dylan nous avait annoncé est passé et nous sommes toujours là attendant certainement le déluge pour avoir le privilège de pouvoir rentrer chez nous. Notre panorama se limite aux voitures de police, à la mairie et aux lampadaires mais cet environnement, plutôt calme dans la situation dans laquelle nous sommes, est bousculé quand je vois Lise accourir vers la mairie affolée. J'aimerais la réconforter mais je sais que ce n'est pas le moment, je le sais parce que je l'ai vécu, il y a dix jours. Et comme il y a dix jours, c'est Dylan qui se charge de la réconforter, assis sur le perron de la mairie. Je peux distinctement entendre les sanglots de Lise d'où je suis et cela me provoque plusieurs vagues de frisson. La suspicion que j'avais à son sujet a disparu, il est clair qu'elle n'a pas tué son père, ni le coach Parker, ni mon père. La question qu'on doit maintenant se poser est : est-ce que le coach Parker avait un lien avec le trafic de mon père ? Si jamais c'est le cas, ça pourrait bien être la clé de cette série de meurtre. Après avoir épuisé une bonne partie des sujets de conversations que nous avions, le silence s'était installé entre Tess et moi, enfin ça, c'était jusqu'à ce que Tess reprenne la parole.

The GrenadeWhere stories live. Discover now