𝗪𝗛𝗜𝗦𝗣𝗘𝗥, jeƞsσσ

Chapitre 19 - 19

 « Mon pauvre amour, »

J'ai toujours rêvé d'écrire une lettre qui commence de cette façon. Mais nous ne formons plus un couple, n'est-ce pas ? Tu es partie pour ne laisser derrière toi qu'un vide immense. Tu me manques, tu sais. Depuis que tu es partie, les jolies choses ont un goût amer. Je ne ressens plus toutes ces choses qui autrefois me rendaient folle de joie. Aujourd'hui, je devienne plutôt folle de solitude. Même sortir avec mes amis n'est plus amusant. Ce n'est vraiment pas drôle. Mon amour, nous étions si bien ensemble. Je suppose c'est moi qui ai tout gâché, c'est ça ? Que dois-je faire pour te récupérer ma belle ? »

La jeune femme avait trouvé cette lettre entre les mains de Mino. Il lui avait confié qu'elle le lui était adressée. Elle aurait reconnu l'écriture entre mille. Elle sourit tristesse en songeant à cette belle et douce personne. Il lui était venu à l'esprit de la revoir pour s'excuser. Cependant, elle s'était faite une raison à son sujet pour ne pas souffrir davantage. Elle pose un regard empli de mélancolie sur le papier. Elle devine les larmes qui l'avaient tâchée. L'étudiante aurait dû savoir ce qui se cachait derrière.

« Mais, si tu le veux bien, mon trésor, rentrons dans le vif du sujet. Tu as le droit de savoir ce qu'il se cachait derrière mon sourire. Pour cela, revenons quelques années en arrière.

J'ai seize ans. Je me dispute violemment avec mes parents. Ceux-ci ne supportent plus ma présence et me mettent à la rue. J'ai connu une année entière sous les ponts de Séoul. Heureusement, j'allais encore à l'école, pour fuir le désespoir d'être sans abri. C'est là-bas qu'une amie me présente Jaeyoung, un photographe. Il débute dans le milieu de la photographie et a besoin de modèle. Ce que je ne sais pas, c'est le type de contrat qu'il me propose. Il recherche des modèles nus. Au début, je refuse mais très vite il s'appuie sur ma détresse pour me faire marcher. Mon amie lui a parlé de ma situation. Il me rassure, les photos seront envoyées à l'étranger. Je finis, malheureusement, par accepter.

Voilà mon secret. Mon image a été salie mais je ne pouvais rien y faire. Ce n'est pas un hasard si j'ai été sous le feu des projecteurs si rapidement. On m'a recommandé à divers photographes mais j'ai eu assez d'esprit pour refuser. Il n'empêche que Jaeyoung m'a photographiée dans des positions qui pourraient détruire ma vie. J'étais prise au piège. Je ne pouvais plus rien lui refuser, à lui, sans quoi il exposerait des photographies compromettantes. Il m'a fait arrêter le lycée pour que je me consacre entièrement à l'imagerie érotique. Ainsi, il m'avait sous son emprise. Je n'avais pas d'argent, pas de famille, il faut me comprendre. Gagner tant d'argents si facilement était une affaire. Toutefois, je ne pouvais plus en sortir.

Par chance, ma route a croisé celle de Mino. C'était un tout jeune artiste, encore méconnu du grand public, avec un gros potentiel. Il connaissait, cependant, des influenceurs, c'est ce qui le mettra en lumière par la suite. Mais, moi, que pouvais-je faire ? Nous étions dans la même agence, un label qui fonctionnait au black. Toutefois, de par ses contacts, Mino réussit à devenir indépendant et m'aida à le devenir également. Il avait réussi à se faire suffisamment d'argent pour nous porter, tous les deux. Nous devenons très rapidement meilleurs amis. Dans la misère, je ne voyais rien. En revanche, sous les feux des projecteurs, je me rendis compte de mon erreur. Mais, il était trop tard. Je devais, désormais, vivre avec ce poids sur le dos. Mon passé ne pouvait pas être effacé pour toujours.

Le malheur me rattrapa. Jaeyoung parvînt à sortir de l'ombre et devînt photographe pour les plus grands, c'est pourquoi nos chemins se recroisèrent. J'étais maudite, tu le comprends, ma belle ? On m'avait lancé un sort, et j'étais la première fautive. Mon sang était tatoué de drames. »

Elle aurait dû savoir que les larmes cachaient le sang rouge rouille. Jennie est prise de panique. Elle n'aurait jamais soupçonné son âme-sœur d'un passé si sombre. Elle est subitement inquiète de ce que la suite allait présager. Ainsi, elle pose de nouveau ses yeux sur la lettre. La jeune femme lit rapidement, comme si le temps pressait. Elle a un mauvais pressentiment. Elle n'aurait pas dû juger sa bien-aimée sans la connaître. Cependant, elle lui en veut de ne pas lui avoir parlé de tous ses problèmes. Peut-être aurait-elle pu l'aider.

« Plus tard, je rencontrais souvent Jaeyoung. C'était peu de temps avant de te rencontrer. Jaeyoung me menaçait en privé. Je devais coucher avec lui, en échange, il ne diffusera pas les photographies. Mon amour, tu sais que je n'aime pas les hommes. Alors, comment accepter un tel chantage ? Et quand bien même ... Mais je le devais, à tout prix, je devais cacher ces photos. Mais, il était impossible de les détruire à cause d'internet. Je devenais paranoïaque. Je décidai donc de me faire un compte sur tous les réseaux sociaux. Je passais mes nuits à les passer aux peignes fins pour vérifier que les images compromettantes n'y étaient pas. J'avais si peur, ma douce, ô si peur. Tu ne peux pas même pas savoir à quel point. J'acceptai sa proposition. Je me sentais tellement sale. Et ma paranoïa ne disparut pas pour autant. Alors, pour me laver de ce salaud, pendant mon voyage à Busan, j'eus une relation avec Jungkook, tu sais, celui des réseaux sociaux. Il était doux et gentil. Ça me rassurait, tu sais. Cependant, ce n'était pas suffisant. En rentrant, j'achetai une corde que je roulai comme un escargot et mit dans mon placard, dans une boîte. »

Jennie a un déclic. Non, ce n'est pas possible, songea-t-elle. Elle court prendre un taxi pour se rendre dans leur ancien appartement. Le trajet est si long avant d'arriver à l'immeuble. Elle se trouve de l'autre côté de la ville. Son cœur bat à tout rompre. Le taxi ne roule pas assez vite. « Plus vite, s'il vous plaît » supplie-t-elle au chauffeur.

«Ma douce, ceci n'est pas une lettre d'amour désespéré comme on pourrait le penser. Ma belle, ceci est une lettre de suicide. Lorsque tu liras ces mots, il sera peut-être trop tard. Je t'en prie, ne verse aucune larme pour moi. Je ne le mérite pas. »

Elle arrive devant l'immeuble, tant pis pour ce maudit ascenseur. Elle monte les marches quatre à quatre, elle voudrait courir plus vite encore.

« Je suis désolée de t'avoir menti, mais, je devais garder mon secret. Aujourd'hui, les photographies sont sur la toile. Mon nom est sali, pour toujours. Je t'en supplie redore le, mon amour. Les images ne seront pas effacées, je le sais. Mais, je ne veux pas que ce soit la dernière illustration que l'on ait de moi. J'ai refusé de coucher avec Jaeyoung parce que nous étions ensemble. Pour notre amour, Jennie, j'ai refusé alors vois ce qu'il s'est passé. Vois comme l'espèce humaine est toxique, monstrueuse, abominable. Vois comme ces hypocrites pleureront devant mon corps, si sale.

Prends soin de lui, lave-le avec des pétales de roses, donne lui tout ton amour, ma douce. Fleuris ma tombe pour qu'au moins une partie de mon âme soit en paix. Choisis le plus beau marbre, la plus belle façade, les plus beaux bouquets. Pas de chrysanthèmes, joli cœur, je t'en prie. Prends plutôt de belles roses rouges en hymne à notre amour perdu. Ma chérie, je t'aime tant, si seulement tu pouvais t'en rendre compte et aller de l'avant avec ce porte-bonheur.

Profite de la vie, rencontre de nouvelles personnes, vis de nouvelles aventures. Et, n'oublie pas, ne t'effondre que si tu es certaine de te relever.

Je t'aime, mon amour. »

Elle court, mais il est déjà trop tard. Elle pleure, mais le corps dort déjà pour l'éternité.