Chapitre 4 - 04

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Les yeux de Jennie cherchent une place libre dans le bus. Elle prend place côté fenêtre. Dans quelques minutes elle sera arrivée à sa faculté de langues. Elle retrouvera ses deux amies et quelques camarades avec lesquels elle s'entend. Les écouteurs enfoncés dans ses oreilles, elle se coupe du monde le temps du trajet. Jennie a horreur des éclats de voix des jeunes personnes qui, avec elle, partagent les transports en commun. La dame au volant ne bronche pas un mot. Elle est trop concentrée sur la route. Jennie l'observe un bref instant. Les cheveux coupés au-dessus des épaules, le teint fatigué, elle semble pourtant encore jeune. Ses mains sont fixées sur le volant, sa jambe gauche battent au sol lorsqu'elles ne sont pas sur la pédale.

Elle reporte son attention sur la fenêtre à sa droite. Elle aperçoit des passants, le trottoir, les arbres. Tout un monde urbain se dessine sous ses yeux. Des hommes et des femmes en costumes pressent le pas. Ils courent après le temps.

La jeune femme descend du véhicule. Elle cherche du regard ses deux acolytes.

La brise caresse ses cheveux bruns pour les faire danser au rythme du souffle d'Eole. Elle sort une feuille de son large blouson gris. Méfiante, elle guette les alentours. C'est un réflexe qu'elle a depuis un moment. Une sorte de paranoïa, comme si un être venu de nul-part allait se jeter sur elle pour lui faire la morale. Jennie s'était promis de ne jamais fumer plus de quelques cigarettes. Elle ne supporterait pas de se voir dépendante d'un tube de tabac. Elle roule son poison entre ses doigts fins. Le vent lui donne la chair de poule. Elle aurait peut-être dû emmener une écharpe avec elle. Tant pis.

Brusquement, des pas s'approchent. Une tape sur l'épaule. La jeune femme écrase sa cigarette sur un endroit prévu à cet effet.

« Ça va ? s'enquière Lalice.

- Hm, ça va. Juste crevée ...

- Alors, la soirée de samedi ? On n'a pas eu de tes nouvelles depuis. Tu ne répondais même pas aux messages.

- Désolée ... J'avais la tête ailleurs. »

Le vent interrompt leur discussion. Très vite, c'est Roseanne qui arrive au niveau de ses deux amies. Elle prend de leurs nouvelles et, ensemble, elles progressent en direction de l'amphithéâtre dans lequel se déroule leur cours.

Les heures passent mais Jennie n'écoute pas. Elle est trop occupée à refaire le fil de son rêve –un rêve érotique. Elle est presque gênée de se remémorer les images. Comme si quelqu'un allait rentrer à l'intérieur de son cerveau. La jeune femme a gardé cette peur qu'on lise dans sa tête. Parfois, elle s'empêche de penser à certaines choses. Elle soupire face à ce comportement qu'elle juge puéril. Lorsqu'on l'interpelle d'un murmure qui se veut discret, elle sursaute. Quelque chose est coincé dans son for intérieur, un nœud dans le ventre remplace les papillons. Elle guette. Partout. Tout le temps.

Le soir venu, la jeune femme refuse de rentrer directement chez elle. Elle choisit donc de se promener dans les rues de la capitale. La douceur de la nuit lui offre un sentiment de plaisir suffisant.

Encore une fois, son esprit s'égare.

D'un seul coup, elle sursaute, prise par une pulsion incontrôlable. Elle croit que c'est elle. De ce fait, la voilà qui se précipite sur la silhouette de l'autre côté du trottoir. Bien-sûr, il s'agit d'une autre personne. Elle s'incline pour s'excuser.

Jennie finit par rentrer chez elle avec une idée derrière la tête. Elle va tout simplement suivre le compte de Kim Jisoo. Ce geste ne lui apportera rien. Admirer sa beauté, peut-être. Mais elle n'avait pas prévu de tomber sur le poste sur les aventures de la jeune femme à Busan. Elle le savait, pourtant. Toutefois, encore non-intéressée, elle n'avait pas prêté attention à l'affaire. Les explications s'étendent sur plusieurs postes.

« La ville de Busan est magnifique, n'est-ce pas ? J'ai entendu des rumeurs à propos de mes relations. Je n'ai peut-être pas fait assez attention, alors je dois m'expliquer.

Tout va bien avec Mino. On se fréquente toujours. Récemment, j'ai fait la connaissance d'un certain Jungkook originaire de Busan. Nous avons discuté de choses et d'autres mais ce n'est jamais allé plus loin.

Je me demande pourquoi les gens pensent que lorsque deux personnes du sexe opposé se rencontrent, il y a toujours quelque chose là-dessous. Vous ne croyez pas en l'amitié homme femme ? Je trouve cela assez triste, non ?

En tout cas, c'est gentil de vous inquiéter pour moi.

Merci à tous mes petits Gaji* ou 가지 veut dire en français « aubergine ». Gaja ou 가자 veut dire quant à lui « allons-y ». Ainsi, Gaji et Gaja se ressemblant, Jisoo a essayé, avec son prénom, de faire un jeu de mot mignon puisque le « i » a souvent une connotation mignonne pour vos adorables messages ! »

La jeune femme ne comprend pas bien ce que signifie Gaji. Pourquoi une aubergine ? Elle fait défiler le compte de la modèle et finit par comprendre qu'il s'agit du nom de ses fans. « Allons-y » c'est le seul jeu de mot que Jisoo ait trouvé. L'étudiant se moque d'elle et trouve cela très puérile –et très mignon par la même occasion. Elle lâche un juron et soupire avant de s'assoir à son bureau. Il est temps de faire cette dissertation qu'elle aurait dû commencer pendant les jours de congés. Mais comme beaucoup d'êtres humains, la jeune femme à tendance à procrastiner.

La nuit est déjà tombée et Jennie n'a pas fini de rédiger. Elle se hisse sur son lit pour terminer les derniers paragraphes au chaud sous la couverture. Malgré sa volonté, le sommeil l'emporte et elle s'écroule sur son ordinateur portable et le tas de feuilles autour.

En plein sommeil, Jennie se réveille en sursaut. Des gouttes de sueurs perlent sur son cou jusqu'à sa poitrine. Elle se lève pour se rincer à l'aide d'un gant de toilettes. Pour se calmer, elle se réfugie sur son Smartphone. Instinctivement, elle arrive sur le compte de Kim Jisoo. Celle-ci a posté une photo en compagnie de nombreuses personnalités –ou non. La beauté frappe une nouvelle fois la jeune femme avant que ses yeux glissent sur le côté de l'image en question. Une tête qu'elle connaît un peu trop bien y est présente. La jeune femme n'est pas certaine d'elle. Elle observe le petit écran de longues minutes durant. Il faudra qu'elle songe sérieusement à lui poser deux ou trois questions. Si ce n'est pas elle alors ce n'est rien. Mais dans le cas contraire, elle sera fortement déçue de son amie. Elle espère sincèrement se tromper et ne ferme plus l'œil une bonne partie de la nuit.

Des centaines de questions se bousculent dans son esprit. Malgré ses efforts, elle ne parvient pas à faire taire la petite voix dans sa tête. Et puis, après tout elle se demande pourquoi se mettre dans des états pareils.  

𝗪𝗛𝗜𝗦𝗣𝗘𝗥, jeƞsσσWhere stories live. Discover now