31 - Son monde

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En média : Can't tell me nothing - Kanye West

* * *

— C'est dégueulasse !

Cece accours vers moi, tandis que je me retiens de rentrer à nouveau dans le bureau du directeur, et de lui affliger une gifle magistrale. Avery, à quelques mètres de moi, papote comme si de rien n'était avec une fille de deuxième année. Son sourire incroyablement éclatant et mesquin en dit long sur son état d'esprit. Elle savoure sa victoire. Après tout, Avery me déteste depuis le premier jour où j'ai posé le pieds dans cette université, son rêve ultime était de me faire déguerpir afin de recentrer toute l'attention sur elle. Et c'est ce qu'elle a finit par faire : je me suis fait virer. J'ai perdu, comme une débutante.

Ne supportant plus son rire suraiguë, et ne souhaitant pas lui montrer à quel point cette situation m'atteint, je m'approche de la grande porte et sors prendre l'air. Mon taux de haine est si énorme, que je n'arrive absolument pas à redescendre. Même lorsqu'une bouffée d'air frais vient m'exploser en plein visage, et que je sens mon amie de quelques semaines, m'apporter son soutien en marchant à mes côtés.

Je ne peux pas dire que cette situation me rend au plus mal. Je veux dire, je savais que ma présence ici ne se résumait qu'à mon enquête, et que mes jours étaient comptés. En revanche, ce qui me rends malade, c'est cette putain d'injustice. Cette putain de discrimination qui remplie encore aujourd'hui notre société. Notre milieu sociale, notre sexualité, notre couleur de peau, notre montant de compte en banque... toutes les excuses sont bonnes pour placer un seul et unique groupe de personne sur un piédestal, celui qui remplira tous les "bons" critères, l'élite, tandis que l'autre ne cesse de dégringoler de la pyramide. Comme si être différent, ne pas rentrer dans le moule était une faiblesse. Et c'est affligeant.

— C'est dégueulasse, répète une nouvelle fois Cece, J'ai assisté à la scène, Avery a été aussi violente que toi, si ce n'est plus ! Et la connaissant, je suis persuadée qu'elle a dû te provoquer comme il faut ! C'est révoltant qu'elle ne s'en sorte qu'avec un simple avertissement.

— Qu'est-ce que tu veux que je te dise, son argent ne pourra pas toujours la sauver. Espérons que le karma s'en occupe un jour ou l'autre...

Et qu'elle pourrisse en enfer cette salope.

Mon pieds heurte une nouvelle fois un caillou sur le sol, et je l'envois valser aussi loin que possible. Cece rigole à ma manière de m'acharner sur ces graviers, mais je l'ignore au plus au point. Au moins cette balade de santé commence à faire effet, et mes envies de meurtre diminuent aussi vite que la lumière.

— Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? finit-elle pas demander après quelques minutes de silence.

— Eh bien... commence-je d'une voix hésitante à la recherche d'une réponse, J'imagine que mes parents vont me passer un savon, et qu'ils vont aussitôt partir à la recherche d'une nouvelle école. Je n'en sais rien en faite.

En prononçant cette phrase, j'espère de tout cœur que Cece n'a pas assisté au moment où Avery me balançait la composition de mon dossier en pleine figure, mais vu son air compréhensif, j'imagine que non. Du moins je l'espère. Passer pour une mythomane est bien la dernière chose dont j'ai envie aujourd'hui.

— Tu sais... On a beau se connaitre depuis seulement quelques semaines, je crois que tu es la personne que j'ai vraiment le plus apprécié dans cette école. Je suis dégoûtée que tu t'en ailles aussi vite.

Mes joues rosissent à cette déclaration d'amitié dès plus inattendue. Faut dire que je n'ai jamais été très douée pour me faire des amis, Lynna étant la seule depuis des années. Je n'ai jamais été habituée à ce qu'on me fasse des compliments de la sorte. Pour tout dire, ça me gêne autant que ça me fasse plaisir. J'apprécie cette petite rousse aux taches de rousseurs et au rouge à lèvre rouge pétant. Cette petite rousse qui m'a été d'une aide inconsidérable dans ma mission, mais qui a également été une épaule sur laquelle me reposer durant toute cette aventure. Car oui, vivre dans une école pour petit bourge, quand votre seule envie est d'étriper la moitié des élèves, c'est dure. Surtout lorsque la reine de ce petit royaume n'est autre qu'Avery...

PRISONERS | TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant