22 - Trop tard

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Un petit cri s'échappe de ma bouche lorsque le poing de Ian s'écrase, pour la énième fois, sur ce que j'imagine être Chris

Les deux autres garçons s'étant enfuis en courant, je reste tétanisée face à la violence se déroulant sous mes yeux. Ian, comme fou, ne cesse de s'acharner sur le corps frêle du jeune homme. Je l'avais déjà vu s'entraîner à la salle de sport d'Elliot, mais tout de suite, cela n'a rien à voir. Il parait si fort, si imbattable. Au point qu'on pourrait le croire posséder, et au point qu'il commence à me faire peur. 

Durant quelques secondes, les membres de mon corps semblent pétrifiés. Je reste stoïque, incapable de prononcer ne serait-ce qu'un seul mot, par peur que la colère de Ian se détourne sur moi. Mes yeux restent bloqués sur son corps, enchaînant les coups sur ce pauvre garçon. Oui, ce gars qui était un vrai connard est maintenant un pauvre garçon à mes yeux... Faut dire que Ian met clairement du cœur à le défigurer. Quand un jet de sang s'échappe de la bouche de Chris, je décide qu'il est grand temps que je m'interpose. Il ne faudrait pas qu'un flic passe malencontreusement dans le coins... 

— Ian...

Ma voix est douce et pleine de compassion, mais cela ne suffit pas à calmer Ian, qui, toujours au dessus de sa nouvelle victime, m'ignore royalement. 

— Arrête ! m'écrie-je un peu plus fort.

Ma main attrape son poing élancé en l'air. Son visage se détourne vivement vers le miens et sa bouche s'entrouvre, comme prête à m'envoyer valser une insulte en pleine figure. Mais c'est alors que quelque chose d'inexplicable se passe. Ses pupilles sombres trouvent les miennes, et leur noirceur s'envolent aussitôt pour ne laisser place qu'au soulagement. Mes mains autour de son visage, Ian déglutis lentement avant de fermer brièvement ses yeux. Comme si... comme si ma présence à ses cotés lui rappelait qu'il ne m'était rien arrivé, que j'étais bel et bien en vie. Moi qui pensait qu'il s'était attaqué à ce garçon pour évacuer le stresse de l'échange... Il souhaitait enfaîte, tout simplement me défendre. Mais pourquoi de cette façon, aussi violemment ? Ça n'a absolument aucun sens. 

— Viens. Il n'en vaut pas la peine, tente-je après quelques de secondes de silence, en articulant proprement chaque mot.

Contre toute attente, Ian se montre coopératif et lâche le corps de Chris, avant d'attraper ma main et de me conduire à sa voiture. Seuls les couinements plaintifs du blessés retentissent dans la rue, puisque aucun de nous ne semblent vouloir adresser un mot à l'autre. Peut-être qu'il a honte de son soudain comportement violent ? Ou qu'il tente de se calmer à sa manière ? Peu importe. Cette situation est trop bizarre, et je n'ai pas non plus le cœur à l'accabler de question. 

C'est donc dans ce même silence pesant que Ian engage son 4x4 sur la route, et se gare, une heure plus tard, devant la fraternité Alpha. Je ne suis pas vraiment étonnée qu'il me ramène chez lui, plutôt qu'à ma chambre universitaire. Après tout, la soirée a été riche en émotion. Ça aurait été étrange qu'il me dépose simplement, comme il l'aurait fait au petit matin d'une quelconque soirée étudiante. Tout ce que j'espère en revanche, c'est que nous croiserons aucune personne un peu trop indiscrète. Heureusement, l'intérieur de la villa est dans la même noirceur que l'extérieur, seuls quelques gobelets vident trônent sur la table basse du salon.

Toujours sans un mot à mon égard, Ian me devance et monte, seul, jusqu'à sa chambre. Durant une poignée de seconde j'hésite à le rejoindre à l'étage, car il est évident qu'il n'a aucune envie de faire la conversation avec moi. Mais où pourrais-je aller ? Il est déjà presque deux heures du matin. Et je ne suis pas sûr que se soit une bonne idée d'airer seule dans les rues New-yorkaise, à attendre que le soleil se lève. 

PRISONERS | TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant