17 - Trêve

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Je m'installe sur le petit coussin de la chaise en bois et attache mes cheveux mouillés en une queue de cheval haute. Mes yeux dérivent vers la baie vitrée donnant sur l'extérieur. La pluie a cessé de tomber mais la rapidité du vent est toujours constante. Les feuilles aux couleurs automnales commencent lentement à se détacher de leur arbre respectif. Les flaques d'eau présentent à chaque coins de rue se transforment peu à peu en verglas. Le petit garçon en face de moi vient à priori tout juste de s'en rendre compte : sur les fesses, celui-ci subit les moqueries de sa prétendue sœur, sous le regard inquiet de sa mère. 

— Pourquoi tu souris ? me demande simplement Ian, m'interrompant par la même occasion dans mes pensées. 

Il s'installe en face de moi, puis me glisse un gobelet rempli de café. 

Là-dehors, la petite fille est maintenant à terre, foudroyant son frère désormais moqueur. Je détourne mon regard d'un rictus amusé. 

— Pour rien.

Mes doigts frigorifiés trouvent les rebords du gobelet en carton. La chaleur se propage dans l'ensemble de mon corps et un petit soupir d'aise s'échappe de ma bouche. 

Puis plus rien. 

Un silence s'installe entre nous. Pesant. Aucun de nous n'ose prononcer un mot, et c'est putain de gênant. J'ai même du mal à le regarder en face ! Si tout à l'heure j'étais plutôt à l'aise, là, tout de suite, dans le vif du sujet... c'est une autre histoire. 

Voilà pourquoi je lui en suis extrêmement reconnaissante quand il décide, finalement, de briser la glace :

— C'est bizarre, hein ?

Un petit sourire trahit mon sérieux et c'est avec stupéfaction que je découvre la même expression sur son visage. Très bizarre, effectivement.

— Disons assez déconcertant... et étonnant aussi, rétorque-je, en avalant une petite gorgée de mon café noir.

— Ouais... J'ai eu la sensation que tu avais peut-être envie de parler. Je me trompe ? 

Alors quoi, il fait ça par charité ? 

Inconsciemment, mes sourcils se froncent et mes bras se croisent contre ma poitrine. Mon semblant d'assurance le fait sourire. 

Il devrait faire ça plus souvent. Sourire. 

— Et comment se fait-il que mon état vous intéresse soudainement Mr Davis ? 

Il s'esclaffe. Et puis... 

— Peut-être parce que j'ai l'impression de pouvoir vous comprendre ? 

Incompréhension est le mot. 

Vraiment ? 

Honnêtement, je doute que lui, ou n'importe quel autre étudiant de cette université, puisse un jour comprendre le dixième de ce que j'ai pu vivre dans ma vie. 

Ian boit un peu de son café devant ma mine interrogatrice, éternisant le « suspens ». Mais mes yeux se faisant de plus en plus insistant, il finit par lâcher :

— Je crois que je t'ai mal jugé.

— Hallelujah ! Alors je ne suis plus une pauvre petite bourge, sans cœur ni tête à tes yeux ? rétorque-je, pleine de sarcasme. 

— Si on veut, rit il, Disons que je me suis rendu compte qu'on avait surement plus de points en communs que je ne le pensais... 

Son regard se faisant bien plus perçant, je détourne mes yeux... troublée. Ses prunelles noisettes possèdent un pouvoir si ensorcelant... C'est intriguant. Et inquiétant. 

PRISONERS | TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant