Épilogue - One More Light

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La base militaire, nous l'avons trouvée.
Je savais que ça sentait la merde ce truc.

— Halte !

Je lâche mon fusil et lève les mains, immédiatement imitée par Blue. Vu ce qu'il vient de se passer, autant se montrer conciliantes.
À nos pieds, Harvey serre contre lui la jeune fille qui s'est fait tirer dessus et s'étouffe dans ses sanglots.
Putain de lucioles, il me semblait bien. Ces bestioles n'apparaissent décidément que pour annoncer des catastrophes.
Un groupe de militaires nous rejoint au pas de course. Deux d'entre eux se penchent sur le corps de Bérénice, deux autres tentent d'éloigner son frère qui se débat avec férocité. Un coup dans le ventre suffit à l'immobiliser.
D'autres nous encerclent, Blue et moi, tandis que le dernier, un gars aussi décoré qu'un sapin de Noël, se place face à nous.

— Vos noms et la raison de votre présence ici.
— Joana Seydi, je réponds rapidement. Elle, c'est Blue. Elle est muette, je ne connais pas son nom de famille. Et là-bas, c'est Harvey. Vous avez tiré sur sa soeur, Bérénice. On la cherchait.

Le militaire se tourne vers ses collègues, en train d'installer Bérénice sur un brancard surgi de nulle part.

— Nous lui avons donné l'ordre de s'arrêter.
— J'ai du mal à vous entendre moi-même, comment voulez-vous qu'elle ait pu capter quoi que ce soit dans ce bordel ?

Du calme, Joana. Tu ne dois pas provoquer des gens avec des armes dans les mains, surtout quand ils font une tête de plus que toi.
Le gradé ne répond pas et fait signe à ses hommes de nous embarquer. Ces derniers récupèrent nos affaires, nous poussent à nous mettre en marche.

— Quel gâchis, marmonne celui qui me tient le bras, à ma droite.

Tu l'as dit, bouffi.


J'espère que Harvey ne va pas nous claquer entre les doigts.
Après nous avoir interrogés séparément pendant des heures, nous obtenons l'autorisation de rester en attendant l'évacuation. Vers où et quand ? Aucune idée. Eux-mêmes ne semblaient pas très informés.
On nous affuble de numéros, Blue s'installe dans le même dortoir que moi.
Nous n'avons pas revu Harvey, transféré directement dans ce qu'ils appellent l'infirmerie : une tente avec cinq lits et bien plus de matelas à même le sol. D'après ce que j'ai compris, l'état de Bérénice est stable, malgré la gravité de sa blessure.
Au moins une bonne nouvelle dans ce merdier. Je n'arrive pas à croire qu'elle ait fait tout ce chemin depuis la France pour être catapultée ici, en même temps que nous.
Les conversations captées au vol m'apprennent que toutes les communications sont coupées. Il n'existe plus aucun moyen de savoir ce qu'il se passe ailleurs : plus de radio, de téléphone, de télévision... même leur matos militaire ne marche pas. Quelque part, tant mieux, ils ne pourront pas contrôler notre identité.
Ils ont recueilli quelques réfugiés des villes voisines, peu nombreux. Une trentaine à tout casser, et pas un seul gosse en vue. Où se trouvent les autres gens ? Aucune idée.
À l'heure du dîner, je me jette sur la bouffe comme la misère sur le monde. Des conserves, rien de copieux, mais j'ai l'impression de ne rien avoir avalé de si bon depuis une éternité.
La présence de Blue à côté de moi, bien que silencieuse, me rassure.
C'est que je m'y suis presque attachée, à cette nana. Survivre ensemble à la fin du monde, ça crée des liens.
Au moment de se coucher, toujours aucune nouvelle d'Harvey. J'espère qu'ils ont pu le soigner, lui aussi.
Bordel, je deviens presque sentimentale.
On dort sur des lits de camp entreposés à la va-vite. Apparemment, l'armée n'utilisait plus cette base depuis des années, peu de monde connaissait même son existence.
Matthew le savait, lui.
Je ne comprends pas pourquoi il tient absolument à rester dans sa baraque en ruines, mais je reconnais qu'il nous a bien aidés.
Extinction des feux.
Dans le noir, je sens Blue se glisser à côté de moi et me tourne sur le côté pour qu'elle s'installe. Il y a encore quelques jours, je l'aurais envoyée se faire mettre, mais je n'ai pas envie d'être seule, aujourd'hui.
Son silence et son hésitation me demandent la permission, je lui prends la main en guise de réponse.

— On revient de loin, hein, ma vieille ? je murmure.

Elle pouffe, me serre les doigts.
Une douce chaleur nous enveloppe.
Je ne les vois pas, mais je sais que si je plongeais dans ses yeux, ils me diraient :
Ne t'inquiète pas, désormais tout ira bien.

Sous la CendreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant