Chapitre 04

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Une semaine plus tard

— tu es magnifique ! S'écrit ma mère en souriant avec fierté pendant que je tire légèrement sur le bas de ma robe pour m'assurer que tout est en ordre.

Avec cette traîne exagérée, j'ai vraiment l'air d'une poupée surfaite.

Ma future belle-mère tenait absolument à ce que ce mariage soit et je cite " grandiose ".

Pfft...

Heureusement que maman était là pour lui rappeler que le choix de la robe me revenait.
Néanmoins j'ai dû me résoudre à accepter quelques exigences de sa part, comme cette longue traîne que je n'apprécie guère - une plus courte aurait largement fait l'affaire.

— je suis tellement heureuse que tu sois tombée sur un homme comme Alvaro ma chérie. C'est quelqu'un de bien ! Reprend ma génitrice avec des trémolos dans la voix, les yeux larmoyants.

— merci maman...

C'est vrai qu'Alvaro a toujours été bienveillant à mon égard. Il ne m'a jamais mit de pression et a su se montrer attentionné et rassurant depuis mon agression.

Il m'encourage à vaincre mes craintes petit à petit, en particulier celle d'être à nouveau victime de violence quelle qu'elle soit. Cette peur immense se manifeste principalement en présence de la gente masculine - me causant parfois des crises d'angoisses.

Suis-je prête à me marier ? A dire oui à l'homme que j'aime alors que je supporte à peine ses étreintes ?

Il y a quelques mois j'aurai répondu oui sans hésiter mais aujourd'hui... c'est différent - tout est différent, à commencer par moi, et cette grossesse... en est la plus grande preuve. Le simple fait d'y penser me provoque des sueurs froides.

Comment pourrai-je élever un enfant qui me rappellera sans cesse cet homme ?

Après le départ de ma mère, Aurora la remplace presque aussitôt, absolument ravissante dans sa robe d'un bleu roi.

— j'ai cru qu'elle ne sortirait jamais... tu es magnifique Laila ! Entame cette dernière en rigolant

— merci. J'ai eu droit au petit discours émouvant mais heureusement pas de larmes.

Mine de rien j'ai l'horrible impression que le lien jusque là inébranlable, entre mon amie et moi ne tient plus qu'à un fil. Ce mariage risque de nous éloigner considérablement, étant donné qu'Alvaro et Francis, son fiancé, ne s'apprécient pas beaucoup.

Je me souviens encore du premier et dernier dîner à quatre, un fiasco !

— on se verra de temps en temps, n'est-ce pas ? Poursuis-je

— évidemment ! Régulièrement même. Tu es plus qu'une amie Laila, tu es la soeur que je n'ai pas eu et personne n'est assez puissant pour changer ça.

Touchée, je la prend dans mes bras en lui promettant que rien ni personne ne pourrait nous éloigner l'une de l'autre.

Aurora fait partie de ceux qui ne m'ont jamais dénigré, ni pour ma couleur de peau, ni pour mes origines ou pour quoi que ce soit d'autre.

On s'est aimé avec toutes nos différences...


Vêtu d'un costume trois pièces gris, mon père me sourit avec amour et admiration lorsque je le rejoint devant les portes de l'église.

Il arbore une mine fière mais je sais que derrière s'y cache une profonde inquiétude.

Je fais mon possible pour guérir mentalement et aller de l'avant même les séquelles finissent par me rattraper, me rappelant que rien n'est plus comme avant et réduisant ainsi mes efforts à néant.

Bras dessus, bras dessous nous pénétrant dans l'église et je suis tout de suite intimidée par le grand nombre de personnes présentes.

Je ne m'attendais pas à autant d'invités !

Décidément ma futur belle-mère et moi, n'avons pas la même conception du mot discret.

Aurora sourit de toute ses dents, dissimulant sa déception dû à l'absence de Francis, qui n'a malheureusement pu se libérer.

Mon père m'adresse un dernier sourire avant de me confier à mon futur époux, qui jusque-là ne m'a adressé aucun regard.

Est-il à ce point stressé ?

— Chers frères et sœurs, nous sommes réunis en ce jour pour célébrer l'union de cet homme et de cette femme devant Dieu, par le lien du mariage. Débute le révérend

Alvaro demeure tête baissée et c'est après avoir porté mon attention vers ses parents, que j'ai eu un mauvais pressentiment.

Sa mère me toise avec mépris, comme à son habitude ! Tandis que son père, tient sa tête entre ses mains.

— monsieur Alvaro Blanco, consentez vous à prendre cette jeune femme ici présente pour épouse ?

Mon coeur rate un battement à l'entente de cette question cruciale.

Alvaro pose lentement son regard sur moi, pour la première fois depuis le début de la cérémonie - et la lueur qui traverse ses yeux en cet instant m'est totalement étrangère, semblable à du regret ou du dégoût, j'en sais rien.

— monsieur Blanco ? Vous m'écoutez ?

— oui... Non ! je refuse de l'épouser.

Cette réponse me fait l'effet d'une chute libre, tandis qu'une grande clameur se fait entendre dans la salle.

— je suis désolé Laila, mais je ne peux pas franchir cette étape avec toi... au final, c'était peut-être juste une de tes escapades amoureuses qui a mal tourné ! Poursuit Alvaro en reculant d'un pas

Je suis tellement en état de choc que les mots me manquent.

D'où lui vient une pensée aussi sordide ? Est-il réellement en train d'insinuer que je le trompais ?

— je peux encore moins élever le bâtard qui se développe en toi. Ma mère avait raison, on ne peut pas faire confiance aux gens comme toi. Renchérit-il à voix basse

— jeune homme, je te conseille de faire attention à tes propos, sinon... Menace mon géniteur en se levant d'un bond

— sinon quoi ? Intervient celui d'Alvaro sur le même ton

— aux gens comme moi ? Ai-je répété, tu m'as emmené devant cet hôtel pour mieux m'humilier c'est ça ? Et ne cherche pas une excuse pour justifier ton acte, parce que Dieu sait que je ne t'ai jamais trompé.

Une agitation règne désormais dans la salle, et tout tourne à la catastrophe.

Honteuse, je le dévisage une dernière fois avant de soulever légèrement ma robe pour ensuite sortir en courant - sous les regards stupéfaits des convives.

Je veux mourir !

Je cours sans m'arrêter alors que les larmes inondent mes yeux, faisant couler mon maquillage.

Je finis par m'arrêter près d'un pont, avec une soudaine envie de m'y jeter... Comme ça au moins je serai enfin libérée de toutes ces humiliations.

Décidée, je retire mes chaussures pour mieux grimper.

Mes jambes ne cessent de trembler et ma tête tourne.

A cet instant je me fiche de tout, y compris des personnes qui s'amusent à me filmer. Tout ce que je veux c'est mourir et le courant de l'eau en dessous m'y aidera parfaitement.

J'avance mon pied droit en fermant les yeux, me laissant emporter par le vent qui fouette mon visage...

L'envers de l'inconnuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant