12 - Les retrouvailles

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Il est 19h56.
Ça fait maintenant deux heures environ que je suis rentrée chez moi, et je n'ai pas changé de position. Je suis toujours assise en tailleur dans le canapé, et je fixe mon horloge. Les aiguilles n'avancent pas, et pourtant j'ai comme la sensation que tout est trop rapide.

J'ai peur.

C'est con.

Je me sens tellement... perdue?

Je ne sais même pas.

J'appréhende tellement, que j'en suis incapable de faire quoi que ce soit.

J'ai voulu me faire à manger, je me suis récitée mentalement ce que j'allais faire, comment j'allais le cuisiner et tout ce qui s'ensuit, mais je suis restée assise en tailleur sur mon canapé. J'ai même voulu aller aux toilettes, mais l'envie n'était pas assez pressante pour me faire bouger.

Alors je suis toujours là, dans mon canapé et j'attend.

Et j'ai peur.

J'ai peur qu'il ne vienne pas, déjà. Ensuite, j'ai peur à cause de la dernière fois. J'ai peur du fait que ça fait deux ans qu'on ne s'est plus vus. J'ai peur, peur que ses sentiments soient différents. Peur de le voir différemment, de réaliser que ce n'est plus pareil et que ce ne sera plus jamais pareil.

J'ai peur de réaliser à quel point j'ai tout gâché.

Je ne veux pas arriver à ce moment fatidique.

Il est 19h59.
Je ne veux pas qu'il arrive.

J'en viens à hésiter entre partir de chez moi en courant, ou éteindre toutes les lumières et prétendre qu'il n'y a personne.

Réflexion puérile.

Quelqu'un frappe à la porte.

Je me fige. Complètement. La poigne est légère, et ravive de lointains souvenirs. Je n'arrive pas à me lever mais il le faut pourtant.

Rassemblant toutes mes faibles petites forces, je me redresse difficilement et me traîne jusqu'à la porte d'entrée. Je reprend mon souffle, lentement.

Inspire.

Expire.

Inspire.

Je déverrouille la porte. Toujours aussi lentement. Et dans un grincement, je l'ouvre.

Ma respiration s'arrête et mon cœur s'affole quand mes yeux se posent sur lui.

Son regard est vide. L'étincelle dans ses yeux verts n'est pas aux rendez-vous. Ses cheveux ne sont pas coiffés, ses boucles partent dans tous les sens. Mais il est là. Face à moi.

Le lointain souvenir qu'il me restait de lui se réveille, se remet à jour, s'enflamme.

Ses yeux me scrutent, sûrement autant que les miens.

On ne dit rien. Ni l'un, ni l'autre. Je ne sais même pas quoi dire. Je ne sais même pas s'il y a quelque chose à se dire.

Je ne peux pas simplement lâcher un « Hey ». Non. Après deux ans, ça fait tache. Ça serait même carrément ridicule.

Alors je m'efface de l'encadrement, afin qu'il comprenne qu'il peut entrer, ce qu'il fait aussi tôt.

Je ferme la porte derrière lui et avance jusqu'au salon. Il me suit. Je sens sa présence dans mon dos, et ça me perturbe énormément. Ça fait longtemps que je n'avais pas ressenti ça.

Je m'installe à un bout du canapé et lui a l'autre.

Je fixe mes mains scellées, posées sur mes jambes que j'ai ramené près de moi.

AgainWhere stories live. Discover now