Chapitre 9: Only Her

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Harry
 

Elle est là, assise sur ce banc à seulement quelques mètres de moi. Elle est encore entrain de lire ce fichu livre. Ce livre qu'elle traine partout et qui, je ne sais pour quelle raison, a l'air de la passionner. Elle paraît une fois de plus coupée du monde extérieur, comme si ce récit l'emportait dans un autre univers. Un endroit imaginaire dans lequel elle se sent bien, paisible et tranquille.
Si toutes les rumeurs qui courent sur elle et sur sa maladie sont vraies alors elle doit surement se sentir très mal ici. Entourée par toutes ces personnes qui la jugent sans la connaître et qui passent leur temps à la fixer sans retenue. Elle doit en avoir marre de passer pour une bête de foire auprès de tout le monde. Si j'étais à sa place je ne sais pas comment je réagirai. Ce qui est sûr, c'est que j'aurais déjà craqué. 
 
Elle, non. Elle ne semble même pas atteinte par le comportement intolérant des autres lycéens. 
 
Peut-être est-ce pour ça qu'elle lit à chaque pause. C'est peut-être pour ne pas à avoir à supporter tous ces regards qu'on lui lance. Sûrement aussi, parce qu'elle n'arrive pas à affronter les chuchotements qu'échangent les autres élèves lorsqu'elle passe dans un couloir ou entre dans une pièce. C'est peut-être pour s'occuper l'esprit qu'elle lit ce bouquin. 
 
Je soupire un bref instant avant de me décoller de l'arbre contre lequel j'étais adossé. La cour est pratiquement vide aujourd'hui, c'est surement dû au froid glacial qu'il fait. Voilà encore une chose que je ne comprends pas. Pourquoi passe-t-elle toutes ses pauses dehors, alors qu'elle pourrait être au chaud dans le préau? Habituellement, les filles ne sont pas amatrice d'un tel froid.
 
Elle est tellement différente. 
 
Je plonge mes mains dans les poches de mon manteau noir et m'approche doucement d'elle. Mes pas sont lents et indécis. J'espère qu'elle ne va pas se renfermer sur elle même, ou prendre peur. Elle a l'air tellement fragile. Comme une poupée de porcelaine qui menace de se fissurer à chaque instant. 
 
Après quelques secondes de marche la distance entre elle et moi, est réduite à néant. Je m'arrête juste devant elle, mais elle ne relève même pas la tête. Elle ne bouge pas et ne semble pas accorder d'importance à ma présence. Elle m'ignore totalement. 
 
L'ignorance. 
 
C'est peut être ça, qu'elle fait pour éviter de sombrer sous les critiques et les regards durs qu'on lui lance. Peut-être les ignore-t-elle. Ou plutôt, essaye-t-elle de les ignorer. Je baisse les yeux vers le sol avant de murmurer:
 
« Pourquoi? »
 
Elle relève tranquillement la tête et pose ses yeux sur moi. Son regard et froid et vide de tout émotion. Elle ferme son livre avant de le déposer doucement sur ses genoux. Elle soupire profondément et un grand nuage de fumée s'envole de sa bouche entrouverte. Je frissonne. Je passe une de mes mains dans mes cheveux avant de reprendre:
 
« Pourquoi lis-tu ce livre? »
 
Un faible sourire se trace sur son visage blême. Elle pose son regard déstabilisant dans le mien, et je sens mon cœur s'accélérer. Ses yeux. Ils me transpercent. Ils semblent encore plus clairs que la dernière fois que je les ai vus. Encore plus incroyables que d'habitude. 
 
« Je peux? demandais-je en pointant le banc du doigt, lui demandant la permission pour m'assoir à ses côtés. » 
 
Elle ne me répond pas et continue de me fixer intensément. Ses longs cils noirs battent doucement et j'ai l'impression que le temps s'arrête autour de moi. La cour semble vide maintenant. Il n'y a plus qu'elle et moi.
 
Comme elle n'a pas l'air décidé à me répondre, je m'assois lentement à coté d'elle. Je la sens se crisper. Je regrette immédiatement l'initiative que je viens de prendre. Il est clair qu'elle n'a pas envie de me parler. A l'instant même, j'espère juste qu'elle ne va pas prendre la fuite, qu'elle ne va pas encore me filer entre les doigts. Mai, à ma plus grande surprise, elle fini par se détendre. Je soupire de soulagement. Je m'affale légèrement contre le banc, pour mieux m'installer. Je regarde le beau ciel bleu hivernal, dépourvu de nuage, sans attendre de réponse de sa part. Je sais qu'elle ne parlera pas aujourd'hui. Je ferme tranquillement mes yeux et me concentre sur les bruits de la nature. Ça m'apaise. Je suis sûr que ça l'apaise aussi. C'est probablement pour ça qu'elle reste dehors au lieu de rentrer même s'il fait froid. 
 
« Pourquoi? Souffle-t-elle. » 
 
Je rouvre immédiatement mes yeux à l'entente de sa voix cassée. Vient-elle de parler? Vient-elle de me parler? Je tourne ma tête vers elle et elle fait de même. Nos regards se croisent. Elle commence alors à jouer avec ses doigts nerveusement. Ses ongles grattent sa peau fine et l'écorchent. J'ai envie de lui dire d'arrêter mais je suis trop captivé par ses prunelles azurs. 
 
« Pourquoi viens-tu me parler? continue-t-elle. » 
 
J'avale difficilement ma salive. Je n'ai pas vraiment de réponse à cette question. Je passe ma main dans mon cou avant de lui dire:
 
« Tu n'as pas répondu à ma question. 
-Toi non plus, rétorqua-t-elle. » 
 
Un léger sourire étire mes lèvres alors que le visage de Mia reste impassible. Elle baisse ses yeux vers le gros livre bleu avant de passer délicatement sa main dessus. 
 
« Je l'ai acheté, dis-je en regardant le bouquin qu'elle tient fermement dans ses petites mains. 
-Le livre? demanda-t-elle. 
-Oui, je voulais savoir ce qui t'intéressait tant dedans, alors je l'ai acheté. Mais je préfèrerais que tu me dises toi-même ce que t'as attiré dans ce bouquin. » 
 
Elle prend gracieusement le livre dans sa main droite et elle le glisse dans son sac entrouvert. Elle fait courir la fermeture éclair pour fermer sa sacoche puis elle reporte son attention sur moi.


« J'aime simplement le sujet qu'il aborde, voilà tout, souffla-t-elle. 
-Il n'y a rien d'autre? 
-Non, pourquoi? Ça te parait étrange que je lise ce genre de livre?
-Heu, non... Enfin, ce n'est pas le genre de livre qu'on trouve dans une bibliothèque d'adolescent. 
-On ne trouve pas non plus ce genre de livre dans la mienne. Il ne m'appartient pas je t'ai dis, répondit-elle calmement. »
 
J'hoche simplement la tête et passe un coup de langue sur mes lèvres sèches comme si ce geste pouvait réhydrater mes lippes. Et alors que j'allais commencer une nouvelle phrase elle me coupa:
 
« Maintenant que j'ai répondu à ta question, réponds à la mienne. »
 
Je réfléchis quelques instants à ce que je vais bien pouvoir lui dire. En réalité je ne sais même pas moi même pourquoi j'ai ce besoin d'aller lui parler. 
 
« Je veux juste apprendre à te connaitre, finis-je par dire, peu convaincu. » 
 
Elle soupire avant de de remuer sa tête de droite à gauche. Elle se relève doucement et récupère son sac qui était posé sur le bitume froid de la cour de récréation. Elle me regarde une dernière fois et elle me dit:
 
« Crois-moi, tu ne veux pas apprendre à me connaître. » 
 
Sur ces mots elle s'en alla, me laissant là, sur ce banc, encore plus confus que lorsque j'étais arrivé. L'une des raisons pour lesquelles j'étais allé la voir était pour qu'elle réponde à mes questions. Mais maintenant que nous avions eu cette discussion je m'en pose deux fois plus. Et plus ces questions s'accumulent dans ma tête plus j'ai envie de la connaître.
 
"Ce que nous ne savons pas, c'est que nous sommes liés. Malheureusement pas de la meilleure des manières..." 
 
 

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