HS 2 - Artéfacts

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— Accrochez-vous.

Les roues avant de la voiture se soulevèrent.

***

Rajiv faillit avoir une crise cardiaque quand l'antique bagnole atterrit sans grâce, juste derrière la camionnette, dans un fracas de tôles torturées.

Ils avaient sauté un mur de cinq mètres avec ce tromblon ?

Les quatre personnes qui en descendirent, péniblement, n'étaient pas des inconnus, mais elles n'avaient pas exactement les mêmes tenues que lors de leur dernière rencontre. La magnifique robe de Florianne était déchirée, de même que ses bas ; curieusement, elle qui détestait habituellement les chaussures à talons, avait gardé ses escarpins.

Rajiv n'avait jamais bien compris si Arel et Kelvin étaient frères ou amants ; dans le cas présent, ils étaient surtout déguisés en gogo-dancers – ce qui mettait certes en valeur leur anatomie, mais semblait très peu pratique. Quant à Sally, elle portait une de ces combinaisons exotiques que l'on ne voyait que sur certains sites fétichistes et qui, si elle était encore raisonnablement intacte – ce qui était heureux, au vu de son prix – dégageait une odeur de plastique chaud.

— Bordel...

— Oui, aussi, répondit Kelvin, qui soutenait Arel, encore sonné par l'atterrissage.

Florianne monta à l'avant, poussant sans ménagement l'ordinateur, qui s'écrasa sur le tapis de sol.

— Hé ! Mais c'est mon...

— T'occupe pas, roule !

— Euh, tu sais que je ne suis pas censé...

**ROULE !**

Rajiv sursauta. Il agrippa le volant comme le noyé sa bouée de sauvetage, enclencha brutalement la vitesse et écrasa l'accélérateur. Il déboucha rapidement sur la route nationale, qui longeait le Lac Balaton, pendant que Kelvin attrapait le communicateur et lançait à Matt le code convenu.

Conduire à droite ! Conduire à droite !

***

Budapest, Hongrie, 20 mai 2010

— Merci.

Rage leva la tête de son écran – de guingois, suite à sa chute, mais encore fonctionnel – et enleva ses écouteurs. Florianne s'était assise en face de lui, sur le canapé, enroulée dans une serviette de bain, les cheveux encore plaqués sur l'arrière du crâne par l'eau de la douche.

Ils étaient arrivés dans cet appartement de la banlieue de Budapest après trois heures de route et deux changements de véhicule, au petit matin ; Matt les avaient rejoints deux heures plus tard, avec des viennoiseries industrielles dont il s'était empressé de dévorer la moitié. Dans l'intervalle, le quatuor avait investi en bloc la salle de bain et, s'il en jugeait par les bruits, ils ne faisaient pas que s'y nettoyer. D'où les écouteurs. Rage avait quelques problèmes personnels avec la notion de sexe ; après quelques expériences peu convaincantes, il avait fini par conclure qu'il n'aimait pas l'exercice plus que ça – ce qui semblait le situer aux antipodes de ses quatre compagnons.

Il se surprit à regarder Florianne. Son visage avait changé, subtilement. Il était... bizarre, mais il n'aurait pas su dire pourquoi. Les yeux, peut-être. Il tourna son regard vers l'écran et les dix-sept onglets ouverts sur son navigateur, s'efforçant de répondre sur un ton badin :

— Oh, de rien. Que ne ferai-je pas pour ma prof de yoga, conseillère d'orientation, marraine et que sais-je encore... Tu es sûre que tu n'es pas ma mère biologique cachée, à la Harry Potter ?

Progressions - Échos de l'Arbre-MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant