Bataille acharnée

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— Nous sommes perdues. Dans une maison. Nous sommes perdues, dans une maison, me répète Pia depuis dix minutes.

— J'ai compris.

— Se perdre dans une maison, non, mais...

— J'ai compris.

— Personne ne nous retrouvera jamais.

Je me stoppe et lui lance un regard dépité.

— Bon, OK, j'exagère, mais je n'ai jamais mis autant de temps à chercher des toilettes dans une maison.

— Maxime t'a dit qu'elles se trouvaient au premier étage, c'est ça ?

Elle fait mine de réfléchir puis tend un doigt vers ma direction.

— Premier étage, tourner à gauche, continuer le long du couloir, prendre l'escalier en colimaçon et puis tourner à droite, deuxième porte à gauche.

— Tu m'as dit que nous devions prendre le couloir à droite !

— Flûte, me sort-elle en clignant des yeux.

Nous retournons sur nos pas et empruntons le couloir de gauche. Une fois en haut de l'escalier, nous trouvons la deuxième porte à gauche et tombons sur une bibliothèque, où se tient le père de Maribel.

La pièce est emplie d'étagères qui montent jusqu'au plafond. Chacune comporte tellement de livres qu'il me serait impossible de les compter d'ici demain. Au milieu de ces milliers de feuilles noircies d'histoires en tout genre, deux grands fauteuils orange. Et dans l'un d'eux...

— Tonton Georges !

— Oh, les filles, vous seriez-vous perdues ?

— Nous cherchions les toilettes.

— Les toilettes ? Dans le jardin d'hiver.

Ce que j'ai dit à Pia. Qui m'a répondu qu'elle voulait visiter la maison de Maribel, sans Maribel. Que, donc, elle allait demander à Maxime de lui indiquer celles de ladite maison, sous prétexte que celles du jardin d'hiver étaient bondées.

— Ah, oui ? lâche-t-elle, l'air de rien.

— Sinon, il y en a juste en face de cette pièce.

Deuxième porte à droite et non à gauche.

Tonton Georges se lève du fauteuil et se dirige vers sa nièce en souriant.

— Au fait, joyeux anniversaire, ma beauté, fait-il en lui plaquant deux bises sur les joues.

Ces quatre mots me font frissonner.

Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai comme un pressentiment. Après toutes les catastrophes causées par Pia depuis ce matin, ce n'est pas étonnant. À croire qu'ils ont un lien avec celles-ci.

Je me secoue, agacée par ma propre bêtise. Je commence à divaguer.

— Merci, tonton.

— Au fait, sais-tu que Maribel possède une édition espagnole de notre livre favori ?

— Le tour du monde en quatre-vingts jours ?

— Celui-là même.

J'interroge Pia du regard.

— Quand je logeais chez Maribel, Georges nous lisait une partie de l'histoire, pour nous endormir.

— Tu adorais ça.

— Si bien que tu m'as offert le bouquin pour mes vingt ans.

Ils se sourient et je pense que ma présence les empêche de tomber dans les bras l'un de l'autre. Je me sens de trop, mais l'oncle de Pia m'interpelle.

Les vingt-trois joyeux anniversaires de PiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant