Odeur affreuse

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Le GPS se perd une nouvelle fois dans les rues du village, mais ce n'est pas grave. Nous suivons la voiture de Pacôme qui nous sert de guide. Il veut s'assurer que le studio est bien vide de tout locataire avant que nous nous y installions. Je le soupçonne, tout de même, de souhaiter prolonger son presque tête-à-tête avec mon amie.

— Pense à lui dire la vérité.

— Mo, je conduis.

Elle fait mine de se concentrer sur la route. Dehors, le ciel commence à se voiler.

— On n'a pas mangé, me dit-elle en regardant un restaurant sur la gauche.

— Une fois installée, on s'en préoccupera. Et... attention, fais gaffe !

Une seconde de plus, nous enfoncions le coffre de voiture devant nous. Celle de Pacôme. Il s'est arrêté, sur le trottoir, à côté d'une maison mitoyenne de deux autres.

— Il pourrait apprendre à conduire, fais-je en essayant de calmer les tremblements de mes mains. Quelle idée de ralentir aussi brutalement !

— C'est moi qui regardais ailleurs, je te signale.

Je me retourne doucement vers elle. Je n'y crois pas mes oreilles. Ainsi, un sourire d'ange et des yeux tendres suffisent à l'amadouer. Au moins, elle ne le traite plus d'imbécile, c'est déjà ça.

Elle gare sa petite Fiat un peu plus loin et nous rejoignons Pacôme devant sa voiture. Il nous attend en se frottant les mains.

— Il va neiger, je crois, nous interpelle-t-il en nous montrant les nuages. Heureusement que je vous ai sauvé de la belle étoile.

— Si Maribel nous avait...non, elle n'aurait pas osé, commence Pia. J'imagine qu'elle nous aurait hébergées.

Pacôme hausse les épaules, pas plus convaincu que nous, puis me tend des clés.

— Tiens. C'est au premier étage, porte de gauche. C'est un studio avec une pièce, kitchenette et salle d'eau.

— Merci encore.

— De rien. Si vous avez un souci, appelez-moi.

Il me salue d'un signe de tête, adresse un léger sourire à Pia puis se sauve vers sa voiture. Une fois à l'intérieur, il baisse la vitre puis m'interpelle.

— Je ne t'ai pas donné mon numéro, au fait.

— Je l'ai, moi.

Pia évite de le regarder, attrape les clés dans ma main et se dirige vers la porte de notre futur logement. Pacôme en reste bouche bée. Je le salue une nouvelle fois puis m'engouffre à l'intérieur du bâtiment. Pia est déjà en train de monter les escaliers.

— Pia ! crie-t-il de sa berline.

Elle se stoppe, presque arrivée au premier étage, soupire puis redescend les marches. Elle sort la tête par la porte.

— Quoi ?

— Je te souhaite un très bon anniversaire, lui lance-t-il, en souriant.

Mon amie hoquète et moi, je glousse.

— C'est demain ! lui réplique-t-elle en grimaçant.

— Alors, je te le souhaiterai à nouveau demain, susurre-t-il.

La vitre remonte et il nous salue d'un geste avant de démarrer sa voiture. Je me retourne vers Pia, mais elle s'est, de nouveau, sauvée.

Je ferme la porte et rejoins notre studio pour le week-end. Ma meilleure amie y est entrée et semble avoir investi la salle d'eau. Le logement n'est pas très grand, comme prévu, cependant, il nous suffira pour deux nuits. Un canapé, une table basse et une télévision sur la gauche ; une petite cuisine devant moi et une porte à ma droite.

— Viens voir, il y a un balcon, m'indique Pia, en sortant de la salle de bain.

En effet, la fenêtre opacifiée avec un film donne sur une plate-forme assez large pour y mettre une table.

— Pourquoi pas ?

Nous retournons dans l'autre pièce et nous asseyons dans le canapé confortable. Ensuite, après avoir pris un peu de temps pour nous reposer, nous sortons afin de trouver de quoi manger. Il est près de quatorze heures et nous n'avons pas déjeuné. Nous entrons dans un supermarché, achetons de quoi nous restaurer et rentrons dans le studio. Je cuis des pâtes pendant que Pia installe nos assiettes sur la table basse.

— On va devoir dormir ensemble, lui dis-je en posant le plat devant nous.

— Comme à l'époque, quand nous squattions ta chambre et regardions des films tard dans la nuit.

Je souris en repensant à nos soirées d'été et en nous servant.

— Ou quand nous discutions sur internet avec tes cousins du Sud. Ou même, lorsqu'avec Maribel, nous lancions des débats animés sur qui était le plus beau garçon du coin.

— Ouais. C'était Maxime le plus beau, se renfrogne-t-elle.

— C'est vrai et il ne nous a jamais regardées.

— Jusqu'à ce pari stupide qui l'a fait sortir avec Maribel.

La bouchée que je viens d'engloutir ne passe pas bien.

— Ah, tu l'ignorais. Avale tes pâtes et je t'expliquerai ensuite. Je ne voudrais pas que tu t'étouffes, s'esclaffe Pia.

Je lève les yeux au ciel.

— Bref, si Maxime s'est découvert une passion pour ma cousine, ce n'est pas grâce à une illumination ou aux charmes de Maribel, reprend-elle. Ses potes lui ont lancé un pari.

— Lequel ?

— La rendre amoureuse d'ici la fin de l'été. Ils ont eu l'idée en regardant un film débile. C'est Marc-Antoine qui me l'a avoué.

Marc-Antoine, le meilleur ami arrogant et terriblement sexy de Maxime. Je me demande s'il est convié à la fête. Je serais ravie de le revoir, surtout s'il a pris une trentaine de kilos ou s'il est devenu chauve. Pia est sortie avec lui, pendant quelques mois, et il s'est montré odieux avec moi. Avec elle aussi, d'ailleurs. Il a fini par rompre, en la plaquant pour une autre fille. Un vrai goujat.

— C'est lui qui est tombé amoureux, en définitive. Enfin, tombé dans le panneau, plutôt.

Pour une fois, je n'essaie pas de la raisonner, je pense comme elle. Maribel n'arrêtait pas de se plaindre de Maxime. Elle voulait le quitter, pour se mettre en couple avec un certain Bruno. Ou Bastien, je ne sais plus. Peu importe. Je n'ai jamais compris pourquoi elle a emménagé avec Maxime.

— Le fric, toujours, le fric ! s'exclame Pia, comme si elle devinait ma question muette. Quand je pense qu'elle voulait partir en Croatie avec Benjamin !

Benjamin, donc. Ex-petit copain de Pia aussi. Elle s'est sentie obligée de le consoler quand Maribel s'est installée à Paris avec son petit-ami pas si adoré.

Une fois notre repas terminé, Pia me propose de sortir pour visiter le village.

— Cela ne te dérange pas si je prends une douche, avant ? me demande-t-elle. Je suis toute poisseuse.

— Je t'en prie. Je ferais de même, après.

— Ah merci, enfin ! Débarrasse-nous de ton odeur affreuse !

Je lui tire la langue et elle disparaît dans la salle de bain en riant.

Pendant qu'elle se lave, je cherche la télécommande et tente de comprendre comment la télévision fonctionne. Alors que l'appareil daigne s'allumer, j'entends un cri aigu provenant de la salle de bain.

— Pia ? Ça va ?

Elle ne me répond pas et je me lève du canapé, inquiète.

— Tout va bien ?

Toujours rien.


Les vingt-trois joyeux anniversaires de PiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant