Roméo et Juliette

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— Vous n'êtes pas croyables, vous deux !

Pacôme m'attend en bas de la maison, hilare. Il me dévisage de ses yeux rieurs et je comprends pourquoi Pia est sous son charme.

— On ne peut pas dire que ce soit de notre faute, non plus.

— L'hôtel, je le conçois, à moins que vous me cachiez des tendances pyromanes. Mais, cette fois...

— Une fenêtre qui ne s'ouvre pas, ce n'est pas de notre faute.

Il me contourne, toujours aussi guilleret, et se dirige vers les escaliers.

— Soit. Et, donc, depuis combien de temps est-elle là-haut ?

— Bientôt une heure.

Nous arrivons dans le studio et il ne prend pas la peine d'enlever son manteau. Il sort un tournevis de sa poche et tente de le coincer sous le châssis. L'outil subit le même sort que ma paire de ciseaux.

— Ah, OK.

— C'est toi, Moïra ? nous demande ma meilleure amie.

— Non, c'est Pacôme. Écoute, je ne sais pas si tu te trouves près de la fenêtre, mais je voudrais que tu te recules...

— D'accord, lui répond-elle d'une voix faible.

Pacôme me lance un regard inquiet puis se précipite hors du studio. Donc, lui, il peut briser la vitre sans qu'elle s'y oppose ? Ce n'est pas drôle.

Il remonte quelques minutes plus tard, un pied-de-biche à la main. D'un geste, il me demande de m'écarter et j'attends qu'il libère mon amie. Quand j'entends un craquement sinistre, je respire enfin.

Je jette un œil dans la pièce. Ma joie est de courte durée. Le châssis a bien bougé, mais toute la fenêtre s'est délogée du mur. Du moins, en partie. Il n'y a que le haut qui penche à l'intérieur de la salle de bain. Pacôme tente de tout faire tomber, mais c'est peine perdue, l'ensemble résiste.

— Je savais qu'il fallait briser cette foutue vitre, dis-je, presque vexée d'être si peu écoutée.

Il soupire et j'ai bien envie de lui dire que cela m'est réservé.

— Bon, il me reste l'échelle.

Hein ? Quoi ?

Je lui emboîte le pas jusqu'à sa voiture. Il ouvre son coffre et en sort une espèce d'escabeau. Il n'est pas sérieux, tout de même ?

— Je ne suis pas certaine que...

Il ne m'écoute déjà plus et s'élance dans la maison, son ridicule marchepied sous le bras. Je me demande s'il est bien nécessaire que j'aille dans le jardin. Après tout, sa tentative est vouée à l'échec, autant que je l'attende ici.

Je me décide néanmoins, au bout d'un petit moment. Et, en arrivant à l'arrière de la maison, je suis bien surprise de découvrir Pia, perchée sur l'escabeau. Pacôme est, quant à lui, à la place qu'occupait mon amie depuis tout à l'heure.

— Merci, Pacôme. C'est vraiment adorable de ta part.

Le jeune homme se penche à la balustrade.

— De rien, voyons. Je vous ai emmenées ici, à moi de vous sortir de cette situation.

Non, mais je rêve ou ils me font un remake de Roméo et Juliette ? Tant que leur histoire ne finit pas de la même manière, ça me va.

Tandis que Pia atterrit sur le sol, j'observe Pacôme qui enjambe le parapet. Alors qu'il se trouve de l'autre côté et s'accroche à un des barreaux en fer forgé pour descendre sur l'escabeau, nous entendons un crissement étrange.

— Euh, s'étonne-t-il, ne me dites pas que c'est le balcon qui grince de la sorte ?

— Aucune idée, mais tu ferais mieux de te dépêcher.

Mon amie tend les mains en sa direction et lui attrape le bas du pantalon.

— Je préférerais que tu me lâches en fait, rougit-il.

— Je ne veux pas que tu tombes.

— C'est que je ne vois plus où je mets les pieds.

— Oh...

Elle se retire vivement et Pacôme entame enfin sa descente. Je suis soulagée quand il pose ses deux pieds sur le sol. Je le prendrais dans mes bras si je le connaissais un peu plus.

— Café pour tout le monde ? propose Pia en battant des mains.

Pacôme ouvre la bouche pour lui répondre quand le grincement recommence. Nous levons tous les trois les yeux vers le balcon. Un à un, dans un tintamarre sinistre, chaque barreau du parapet se décroche et tombe soit sur le sol, soit dans la pelouse. Nous nous précipitons dans le couloir, juste au moment où un grand morceau en acier rebondit sur l'escabeau de Pacôme. Quand nous estimons que nous ne risquons plus rien, nous retournons dans le jardin.

— Bon, je pense que je viens de perdre un ami.

— Et nous, notre logement, répond Pia en m'attrapant la main que j'avais enfoncée dans la poche de mon manteau. 

Au même moment, un petit tissu rouge tombe sur le sol. Pacôme le remarque et, avant que je n'aie pu me souvenir de quoi il s'agit, il s'en empare pour me le rendre. 

  — Tiens...tu...mais...qu'est-ce...

Ses joues s'embrasent. 

Je réalise. 

Pia manque de s'évanouir.  


Les vingt-trois joyeux anniversaires de PiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant