Costumes en plume

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Je l'avais deviné, la bâtisse à côté de la maison de Maribel est bien une salle de réception. Pour y entrer, il ne faut pas passer par l'allée principale, mais bien par une porte située à gauche de la propriété. Une fois cette porte franchie, une fontaine assez énorme, posée dans une cour pavée, indique clairement que l'étalage de richesses ne fait que commencer.

À l'intérieur de la salle, le comptoir, recouvert de satin immaculé, longe les fenêtres que j'avais aperçues hier et une foule de gens s'y affaire. D'un côté, ceux qui servent et de l'autre, ceux qui boivent. Je repère d'ailleurs le père de Pia et celui de Maribel, en pleine discussion. À tous les coups, ils parlent de leur voiture.

Quand nous arrivons dans cette pièce, un bon nombre d'invités sont déjà présents. Je n'en connais pas beaucoup. Je laisse Pia saluer tous les cousins qu'elle croise et rejoins le bar.

— C'est pour quoi ?

Non, mais ai-je l'air d'attendre un bus ? A ton avis, mon grand, si je me tiens devant ton bar, ce n'est pas pour pêcher une truite, hein !

Je dévisage le serveur indélicat et garde cette pique que je comptais lui envoyer à la figure. Je n'articule même pas une petite objection.

Pas que j'aie envie de lui plaire. Enfin. Si. Peut-être. Pourquoi est-ce qu'un barman est obligé d'avoir des bras tatoués, des cheveux légèrement bouclés aussi blonds et des yeux à tomber par terre ? Est-ce un complot ? L'a-t-ont engagé pour séduire une célibataire et la mener tout droit à l'autel, permettant ainsi au traiteur d'être de nouveau embauché ?

Misère. Ce n'est pas le moment. Si Pia s'en rend compte, je me sauve à l'autre bout de la salle. Ou du pays.

— Vous désirez quelque chose ? Mademoiselle ?

Tiens, il a récupéré son cerveau. Ou ses neurones se sont reconnectés.

— Un jus d'orange, s'il vous plait.

— Vous ne voulez pas de coupe de champagne ?

De quoi je me mêle ? Je bois ce que je veux quand même.

— Euh non, merci. Je ne bois pas d'alcool.

Il me sourit puis me tend un verre. Je n'ose pas quitter son regard clair et lui ne baisse pas les yeux, non plus.

— Vous souhaitez autre chose ?

— Euh non, non, dis-je en m'éloignant doucement vers le centre de la salle.

Alors que je n'ai plus que deux pas à faire pour rejoindre Pia, une main attrape mon coude et me tire vers l'arrière.

— Excusez-moi, Mademoiselle, mais vous avez oublié votre téléphone sur le comptoir.

Je fixe le barman de la tentation et secoue la tête.

— Ce n'est pas le mien.

— Ah ? Pardon, je croyais. Vous en êtes certaine ?

— Oui, le mien a perdu la vie ce matin, fais-je en me traitant mentalement d'imbécile.

— Désolé, me répond-il en souriant, toutes mes condoléances.

Il recule puis se dirige vers son bar. À mi-chemin, il se retourne vers moi et me sourit à nouveau. Je reste là, immobile, et je continue de le regarder jusqu'à ce qu'il rejoigne une autre serveuse. Il lui adresse le même sourire charmant qui me sort, enfin, de ma léthargie. Encore un peu, je me transformais en statue et Maribel aurait pu m'utiliser comme porte-manteau.

Je cherche Pia et me faufile au milieu des groupes qui se goinfrent de toasts, arrivés comme par magie. J'évite quelques ballons posés sur le parquet luisant puis retrouve mon amie en compagnie de Pacôme. Ils rient et je me dis que tout n'est pas perdu.

Les vingt-trois joyeux anniversaires de PiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant