Costumes en plume

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— Bonjour, Moïra, comment te portes-tu ? demande le jeune homme en saluant.

— Je vais bien, et toi ? Tu t'es remis de ce magnifique après-midi que nous t'avons offert ?

Ses lèvres s'étirent.

— Quelques courbatures et quelques ecchymoses m'en donnent un souvenir un peu douloureux, mais c'est supportable. Pia m'a raconté à quel point vous avez eu froid cette nuit.

— C'est le charme de l'aventure, j'imagine.

Quelques applaudissements interrompent notre conversation. Au bout de la salle interminable, Maribel et Maxime font leur entrée en se tenant la main. On ne peut pas nier qu'ils forment un beau couple.

— Ah, voilà Ken et Barbie, me souffle Pia en s'assurant que Pacôme ne l'entend pas.

Malgré moi, je glousse, cette boutade ne s'éloigne pas de la vérité. Elle est aussi blonde que lui est brun et le sourire ultra parfait qu'ils affichent tous les deux paraît figé, un peu comme ceux des célèbres poupées.

Quand Maribel lâche enfin la main de son fiancé, elle se dirige vers nous. L'étonnement se lit sur le visage de Pia, elle ne s'entendait pas à ce que sa cousine nous salue en premier.

— Pia, je t'ai envoyé plusieurs SMS, ce matin. Pourquoi ne m'as-tu pas répondu ?

Bonjour, bonjour. Décidément, ce mot lui brûle trop la langue pour qu'elle le prononce. A moins qu'elle ne le connaisse pas.

— Je ne les ai pas reçus. Cela capte mal dans la campagne environnante, répond mon amie, en avalant une gorgée de champagne.

— Soit. Tu pourras me remercier d'avoir résolu les problèmes de train de tes parents.

— Pardon ?

Le toupet de Maribel me donne la nausée, mais je pose la main sur le bras de Pia. Je ne voudrais pas qu'elle soit l'auteur d'un esclandre et que sa famille la considère comme la trouble-fête. Ce serait injuste.

— Ils étaient bloqués à cinquante kilomètres d'ici, à cause d'un train en panne. J'ai envoyé un taxi pour les récupérer parce que tu ne répondais pas à mes messages.

— Ça va, tu as juste passé un coup de fil, quoi. Tu en as fait plus pour eux que pour nous, lui balance Pia sans se soucier, cette fois, de la présence de Pacôme.

Maribel la dévisage de la tête au pied.

— Si tu m'avais dit que tu étais trop occupée à te préparer pour me répondre, j'aurais compris, sauf que, même ça, tu n'as pas pu le faire correctement.

Mes yeux s'écarquillent. J'ai peur qu'ils sortent de mes orbites.

Si elle trouve que Pia n'a pas fourni d'efforts, que doit-elle penser de ma tenue ? Quand je me suis vue, dans le miroir du mobil-home, avec ma jupette jaune et mon haut marine, je ne me trouvais pas trop mal. Pour une fois que j'enfilais autre chose qu'un jean. Ensuite, j'ai vu Pia et sa jupe à paillettes. J'ai vu Pia et ses escarpins brillants. J'ai vu Pia et son cache-cœur subtilement décolleté.

Et je me suis dit que je n'avais jamais vu une fille aussi jolie.

— Tu devrais t'occuper de tes autres invités, Maribel, intervient Pacôme.

— Si tu le dis.

Elle fixe une dernière fois mon amie qui, par je ne sais quel miracle, n'a pas bronché et tourne les talons. Je me sens soulagée.

— Ne fais pas attention à cette vipère, tu es splendide, Pia, lui dis-je en serrant sa main.

— Je suis tout à fait d'accord, rajoute Pacôme.

Il scrute le fond de son verre en évitant de croiser le regard de ma meilleure amie dont les joues sont devenues cramoisies.

— Joyeux anniversaire, au fait, continue-t-il.

— Merci.

Mais quelle torture de les voir aussi gauches !

— Et si nous...

Il allait peut-être lui proposer de discuter ou de prendre l'apéritif un peu à l'écart – au pire, je serais retournée au bar pour les laisser seuls, pas de souci –, nous ne le saurons jamais.

Une troupe d'artistes, affublées de costumes en plume, entre en piste - On est loin du repas de famille auquel je pensais assister.

Nous nous poussons pour les contempler.

Une des danseuses s'approche de nous, sans doute pour nous faire admirer son soutien-gorge serti de cristaux ou les faux seins qui se trouvent dedans, si bien que nous nous retrouvons accolés à la fenêtre. Alors que la jeune femme tournoie sur elle-même, une des plumes de son costume se coince dans la boucle d'oreille de Pia. Mon amie tente, tant bien que mal, de débloquer son bijou, mais, peine perdue.

La danseuse s'impatiente, Pacôme intervient.

Et moi ?

Moi, je reste à ma place, me demandant quelle catastrophe est encore en train de se produire.

Je n'ai pas terminé de me poser la question que la plume se décroche enfin. Sous la surprise, Pia bascule en arrière, entraîne Pacôme dans sa chute et celui-ci, dans le but évident de ne pas se retrouver sur le sol, s'accroche aux jambes de la danseuse.

Au moment où la musique s'éteint, une grosse partie des invités présents ont les yeux braqués sur le spectacle qu'offrent les trois énergumènes à côté de moi. Certains sortent leur Smartphone en s'esclaffant.

Une Pia assise à califourchon sur le dos d'un Pacôme imbriqué dans les cuisses d'une fausse Brésilienne sera la plus belle photo de cette soirée.

Assurément.

Les vingt-trois joyeux anniversaires de PiaWhere stories live. Discover now