Chapitre 5 : Soren

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— Soren ? Tout va bien ?

Je baissai la tête vers Yola et lui souris avec sérénité.

— Tout va très bien. Je suis juste un peu déçu de quitter cet endroit, mentis-je. Pas toi ?

Elle regarda autour d'elle comme pour apprécier la beauté du décor et j'en profitai pour l'imiter, mais pour une tout autre raison. Je ne voulais pas être surpris par une créature.

Une seconde branche craqua et, cette fois-ci, Yola l'entendit.

Elle s'immobilisa, comme pétrifiée.

— Soren ? chuchota-t-elle, effrayée, qu'est-ce que c'était ?

Je dégainai mon épée. Il n'était plus temps de la réconforter. La première brindille aurait pu être un animal effarouché par notre présence, mais maintenant il était clair qu'une créature nous filait le train et nous étions potentiellement en danger. Je me tournai vers mon amie, que mon geste avait fini de faire paniquer, le visage peut-être plus grave que je n'aurais dû.

— Yola, je crois que nous sommes suivis. Prends mon poignard. On ne sait jamais.

Je me sentis obligé de me radoucir en voyant son teint devenir cadavérique.

— Ne t'inquiète pas, ce n'est sûrement rien d'autre qu'un animal curieux.

— Soren... hésita-t-elle d'une voix tendue, j'ai entendu des histoires sur l'Aurore. Je ne voulais pas te les raconter parce que tu avais l'air si enthousiaste, mais je ne peux plus me retenir.

Nouveau craquement, suivi d'un feulement sourd.

— Les conteurs disent que nous habitions ici, autrefois, mais que nous avons dû nous exiler à Ankan parce qu'il y avait des... êtres plus forts et plus méchants que nous. Et ils... ils disent qu'ils y habitent toujours. Je pense que ce ne sont que des légendes racontées par des vieillards qui cherchent à faire peur aux enfants, mais... et si c'était vrai ? Tu ne t'es jamais demandé pourquoi on avait à supporter Ankan alors que nous avions l'Aurore à portée de main ? Pourquoi nous nous infligions cela ? Tu ne t'es pas dit qu'il y avait certainement une raison ?

Sa voix était devenue de plus en plus aiguë au fur et à mesure de sa diatribe et elle était totalement terrorisée. Elle regardait autour d'elle en tremblant comme une feuille et sa peur était contagieuse. Mais comme j'avais mieux à faire que de l'écouter déblatérer sur des hypothétiques vérités, je la tirai par la main et l'entraînai vers la clairière.

Avec un peu de chance, songeai-je, nous arriverions à l'atteindre sans encombre et repartirions vers Ankan aussi vite que nous en étions venus. Je me forçai à garder mon calme. Il ne fallait pas que je devienne hystérique comme Yola. Il en allait de notre sécurité.

Soudain, quelque chose, un sixième sens, me conjura de regarder en arrière. Je jetai un coup d'œil par-dessus mon épaule et mon cœur se glaça. Je m'arrêtai et fis lentement face à l'énorme créature qui avançait silencieusement dans notre dos.

Cette bête m'arrivait au niveau du torse et pourtant je n'étais pas petit. Elle marchait sur quatre pattes et avait une cuirasse sur le dos, hérissée de longs aiguillons. Ses pattes puissantes et massives étaient recouvertes d'écailles marron. La bête avait une longue queue qui se terminait en fourche. Sa tête était petite comparée à son corps. Mais ce fut la partie qui me terrifia le plus. Elle avait la forme d'un œuf et ses petits yeux, huit en tout, étaient répartis jusqu'à son cou. Ses babines étaient relevées sur une triple rangée de dents qui étaient aussi longues que mon index. Ses griffes aussi étaient d'une taille considérable. En une phrase, c'était une véritable machine à tuer.

Et la machine en question s'avançait vers nous en grondant doucement.

Yola se retourna à son tour et, lorsqu'elle découvrit l'ignoble créature, poussa un hurlement à déchirer les tympans. Comme si elle attendait ce signal, la bête se ramassa sur elle-même et bondit sur nous.

Je poussai Yola sur le côté et me positionnai devant elle, en garde. En tant que prince, j'étais rompu à l'art du combat, mais nullement certain de pouvoir venir à bout de cette chose sans aide. Elle était d'une rapidité foudroyante pour un aussi gros animal et avait bien plus d'instruments mortels que moi.

Pourtant, je ne désespérai pas et rassemblai tout mon courage pour protéger Yola. Il le fallait. C'était de ma faute si elle se trouvait en danger maintenant. Je devais la sauver.

La bête atterrit à l'endroit où nous nous trouvions un instant plus tôt et j'eus l'heureux réflexe d'éviter sa queue musclée qui tenta de me faucher mes jambes. Si elle m'avait frappé, j'aurais certainement eu les tibias brisés. Je fis face à l'ignoble créature et, sans la quitter des yeux, hurlait un ordre à mon amie :

— Yola ! Va t'abriter dans un arbre !

— Soren ! Il va te tuer ! Viens avec moi !

Je fis tournoyer mon épée.

— Fais-moi confiance. Recule doucement et essaie d'escalader le tronc le plus proche.

Le monstre dessinait des cercles autour de nous, l'air de jauger la situation. Des filets de bave coulaient de ses crocs. Je suivis son mouvement pour rester toujours devant Yola. Mon amie finit par accepter de se mettre à l'abri et s'éloigna lentement vers l'arbre le plus proche. La créature la scruta en grognant, manifestement agacée. Elle avait dû comprendre que Yola était la plus vulnérable de nous deux et le fait qu'elle ne pouvait pas l'atteindre devait grandement la frustrer.

Elle fit mine de charger, mais esquissa un bond en arrière aussitôt. Je compris immédiatement qu'elle testait ma rapidité et restai donc immobile. Je ne voulais pas lui montrer que je savais être souple et agile, comme elle. En revanche, ne pas révéler ma peur était un atout et, de toute façon, je n'étais pas vraiment effrayé. Pas pour moi, en tout cas. Je craignais surtout qu'il arrive malheur à Yola.

— C'est bon Soren, je suis à l'abri ! Viens me rejoindre !

Je secouai la tête. Il était hors de question que je batte en retraite. Je ne voulais pas tourner le dos au monstre. Et je ne voulais pas passer pour un lâche. Toute ma vie, on m'avait formé au combat. Autant que cela serve à quelque chose.

L'animal se ramassa à nouveau sur lui-même. Je pensais qu'il allait me sauter dessus, mais il me surprit en bondissant au-dessus de moi. Par réflexe, je levai mon épée et la lui enfonçai profondément dans l'abdomen.

Il couina de douleur, mais ne se retourna pas vers moi. Avec une rapidité qui dépassait l'entendement, il arriva au pied de l'arbre dans lequel se trouvait Yola et commença à l'escalader sans la moindre difficulté.

Je me jetai sur lui et assenai la lame de mon épée sur sa queue à de nombreuses reprises. Je réussis à l'entailler légèrement, mais les écailles faisaient ricocher mon arme.

Yola se mit à hurler. J'étais en train de perdre du terrain. Je compris alors une chose.

Je venais de signer l'arrêt de mort de ma meilleure amie.

Entre Ténèbres et Lumière {en cours de correction}Onde histórias criam vida. Descubra agora