Pâtisseries

Depuis le début
                                    

Il ne savait plus que dire. Il était complètement perdu et n'osait pas croiser le regard du chef.

Un petit homme arriva à ce moment en courant, sauvant le pauvre garçon qui ne savait plus quoi faire. Il se remit à malaxer sa pâte, en priant pour qu'on l'oublie.

—Chef, apostropha l'homme essoufflé, l'empereur arrive dans cinq minutes, il faut commencer l'installation du buffet !
—Par tous les dieux je n'aurais jamais le temps de faire recommencer la religieuse ! Et toi gamin je te promets que si je perds ce concours tu le regretteras ! cria-t-il en courant vers un autre coté de la salle.

Il commença à hurler des ordres. Toutes les préparations furent sorties des fours et des frigos, des garçons passaient avec de grandes nappes.

Hadrien sortit pour superviser la décoration. Cinq minutes c'était court ! Mais c'était la règle, le chef n'était pas au courant de l'arrivée de l'empereur avant.

En quelques secondes les nappes furent mises. La foule qui était venue observer l'événement gêna Hadrien qui perdit une précieuse minute à les faire reculer.

Les tartes aux fraises, à la rhubarbe et aux abricots arrivèrent, suivies des gâteaux à la crème, de ceux au chocolat, puis vinrent les biscuits, sablés et cookies principalement, les pains d'épices, les profiteroles, les gaufres fourrées au chocolat et caramel.

Pour Hadrien, le visuel semblait réussi. Il vit avec plaisir les pralines arriver. Elles étaient belles ! Très vite le buffet fut monté. Il ne manquait plus que la religieuse ! Elle était encore au four. Il la ferait sortir quand l'empereur serait là. Il en oublia même la bêtise de Loup, cette histoire de sel.

Enfin Il arriva. Dans une tenue magnifique. L'argent qu'elle avait sûrement coûté aurait pu nourrir une famille de cinq pendant au moins dix ans ! Toutes les personnes présentes le saluèrent, à genoux. Hadrien courut en cuisine. Il attrapa la religieuse qui était prête sur le plan de travail.

Il ressortit près des tables le plateau en main. Il le déposa sur le centre de la table où une place avait été gardée. Après des salutation d'usage, l'empereur lui demanda quel était son invention.

Hadrien lui montra la religieuse et expliqua son idée ainsi que les saveurs qu'il pourrait retrouver.

L'empereur approuva d'un signe de tête. Personne ne lui avait jamais proposé ça, c'était bel et bien une création du chef présent. Il se mit à arpenter les longues tables. Des hommes se mirent à compter les pieds que mesuraient le buffet. L'un d'eux hocha la tête.

L'empereur se tourna vers Hadrien.

—C'est effectivement le plus grand buffet que l'on ne m'ait jamais présenté, approuva l'empereur. Il est beau, très coloré.

La tête de Swann se décomposa. Elle se reprit bien vite, le goût devait être là aussi. Or il n'y serait pas. Sauf dans la religieuse que ce gamin avait préparée.

L'empereur s'approcha de la table. Il souleva une tarte au citron, l'inspecta avec minutie.

—C'est une recette que j'ai revisitée, sans sucre, annonça Hadrien non sans fierté.

L'empereur le porta à sa bouche. Il sourit.

—C'est délicieux.

Mais le reste des pâtisseries, comportant toutes du sucre furent désapprouvées vivement avec dégoût.

—Goûtez ça ! ordonna-t-il d'un ton sec et sans réplique.

Hadrien anxieux s'approcha et mordit timidement dans chacun des desserts que lui donnait l'empereur. C'était salé et pas bon du tout.
En désespoir de cause Hadrien lui proposa de goûter quand même la religieuse. Au moment où il porta un morceau à sa bouche, le chef se souvint de l'erreur de Loup.

Il se maudit d'avoir oublié ça et voulut crier à l'empereur de ne pas mordre, mais c'était trop tard. L'empereur se tourna vers lui, sans expression visible sur le visage. Puis il s'illumina et il ordonna qu'on le resserve. Il mangea trois, puis quatre et enfin cinq bouts avant de déclarer :

—C'était un délice. J'en veux à nouveau. Tous les jours, demain à ma table aussi !

Hadrien en fut étonné. Peut être qu'il avait mal vu ce que le garçon faisait. Il se promit d'aller s'excuser.

—Il va de soi que tu n'as pas gagné, le reste du buffet étant immangeable.

Swann afficha un sourire satisfait.

—Mais j'aimerai que vous et la personne qui a cuisiné cette merveille deviennent, si vous acceptez, mes pâtissier attitrés.

Le chef s'était attendu à tout mais pas à ça. Il bégaya.
—Oui, ce serait un honneur, mon seigneur, de pouvoir cuisiner pour vous tous les jours.
—Qui a cuisiné ça ?

Loup releva la tête, affolé.
Le garçon ne voulait pas partir chez l'empereur. Il ne voulait pas non plus que tous le monde le regarde. Il n'oserait certainement pas refuser la proposition de l'empereur. Il se tassa et tenta de se faire le plus petit possible.

Hadrien scruta l'endroit où étaient rassemblés les apprentis qui avaient cuisiné pour lui aujourd'hui.

—C'est lui, dit-il en le pointant du doigt.

Loup se vit obligé de venir aux côtés de l'empereur et accepta à regret. Sur le chemin menant au palais de l'empereur il se maudit d'être aussi timide. Il n'avait pas eu le temp de dire au revoir à ses parents qui étaient en train de travailler dans les champs. Ni d'emporter le dernier souvenir de sa petite sœur morte qui trônait sur sa table de nuit.

Il essuya sans un mot la larme qui coulait le long de sa joue.

Quand ma plume s'égareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant