Chapitre XXXII ~ Last Line of Defense

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      Les ruelles défilaient sous les pieds de Ninoptia. Sa vitesse respectable lui permettait d'éviter de rester trop longtemps sous les yeux des dragons. Son souffle ne faiblissait pas. Elle allait retrouver ses compagnons...au moins avant de se faire réduire en purée.

      Elle était reconnaissante d'avoir enfilé des vêtements souples et amples. À force de répéter ce mouvement effréné, elle serait déjà tombée mille fois dans sa robe habituelle. Ses yeux cherchaient frénétiquement des plumes ou des cheveux blancs, mais une telle couleur était difficile à percevoir dans le champ de bataille ; les dragons dominaient de toutes parts, leurs écailles étincelaient et leurs flammes incendiaient. Tout n'était que rouge, orange et noir. Les couleurs du danger n'alarmaient pas pour autant Ninoptia. Du blanc. Il fallait trouver du blanc. Mettre la main sur les derniers flocons d'espoir, l'avalanche de bons souvenirs sous cet amas de désolation et sa terre ardente de maléfices.


      Ses fines jambes commençaient à ne plus pouvoir l'emmener au bout du monde pour rejoindre ses amis. Sa gorge prenait feu, elle ne reconnaissait plus le liquide fort qui s'amoncelait dans sa bouche, et il lui semblait devenir dragon. Ses pas se faisaient plus lourds, elle croyait s'entendre marteler le sol à des lieues de là, comme s'il n'y avait plus aucune connexion entre ses jambes et sa tête. Elle essayait de se persuader qu'il s'agissait de quelqu'un d'autre et, lorsque un dragon de toute petite taille fila sous ses yeux à toute vitesse, elle perdit l'équilibre et s'écrasa sur les dalles de la cour. Son environnement dansait la farandole, elle n'avait pas reconnu le château qui lui semblait trop sinistre pour être le sien. Avait-il été dégradé par la cruauté des envahisseurs, ou avait-il toujours été ainsi ? Avec les mois qui étaient passés, Ninoptia ne pouvait rien affirmer, mais son esprit lui soufflait qu'il n'avait pas changé. La princesse se massa les tempes, exténuée. Elle tentait de reprendre son souffle quand ses yeux sont tombés sur un objet noir de forme triangulaire. Brillant et poli, elle reconnut tout de suite son identité : c'était une écaille de Fendarog. Sans réfléchir, elle s'en saisit et la contempla de plus près. Une chance que le ténébreux se débrouille assez bien en combat pour que la perte de ses écailles ne lui soit pas particulièrement dérangeante...mais d'un côté, s'il les avait laissées tomber, c'était qu'il s'y était mal pris quelque part.

      Et elle, comment devait-elle faire faillir les dragons à ses pieds ? Devait-elle vraiment le faire ? Akuulio avait déclaré que le vainqueur serait celui dont le chef ressortirait vivant. Une stratégie reposerait sur le fait d'attirer le Fëryee Draak - ce qu'elle avait déjà fait, et elle l'avait bien compris - pour lui tendre une embuscade. Elle se retirerait ensuite, inutile face au titan de glace, pour garantir sa sécurité. Mais cela ne ferait pas d'elle une reine marquante. Elle voulait que son peuple se souvienne d'elle comme ayant bien fait les choses. Mais en affrontant elle-même l'empereur Akuusquais, il y avait plus de chances à ce qu'elle périsse avant lui. Après tout, lui n'avait qu'à la tuer, les autres importaient peu. Rester dans son champ de vision était donc synonyme de suicide.


      Elle n'avait aucune idée du fait qu'elle était surveillée. Sur une colonne presque intacte en comparaison des autres, se tenait celui qui demeurait derrière toute cette histoire. Ses sabots fendus se rejoignaient avec grâce sur le long du pilier de marbre, et son ventre se posait doucement sur le dessus. Sa queue délicatement enroulée autour du fût lui garantissait un bon maintien sur l'architecture. À cette hauteur, le qilin noir pouvait admirer la majeure partie du spectacle. Rythmée par le sifflement des flèches et encadrée par les flammes, cette comédie était au goût de Sir Destin. La scène où le Fëryee Draak s'approchait dans le dos de la princesse était assurément sa préférée.


      Un glatissement fit sortir Ninoptia de sa contemplation. Devant elle galopait un Archimandrake souillé par les cendres. Elle bondit sur ses pieds, prête à s'élancer vers lui, à le cajoler, rattraper le temps perdu ; mais elle se fit projeter sur le sol par un archer heureux d'avoir pu sauver sa future reine. Palond se releva en un battement de cils et braqua une flèche en direction de l'homme que la jeune Nimgarthiel avait vu dans la vigie : le Fëryee Draak lui-même. Celui qui avait tué sa mère et qui s'apprêtait à faire de même avec eux. Ninoptia ne remarqua pas Anvir se jeter à genoux pour lui demander si elle n'avait rien de cassé. Ses prunelles étaient plongées dans celles de l'empereur. L'heure de l'affrontement avait sonné.

Bloody Destiny 1. La Guerre de Sylfëa [EN RÉÉCRITURE TOTALE]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora