29- Imagine...

557 67 4
                                    

       

Imaginez que les étoiles scintillent la journée, elles nous rappelleraient de rayonner, d'irradier notre lumière où que l'on soit. Imaginez que la lune et le soleil parlent, ils expliqueraient sûrement le pourquoi du comment. Ils diraient qu'ils brillent sans savoir où et sur qui ils posent leur éclat. Mais ils existent bel et bien pour ça, pour ne pas laisser les ténèbres obscurcir et envahir la Terre.

Tout a un sens...

Imaginez que la pluie cessent de tomber, la sécheresse pointerait le bout de son nez. Imaginez que les oiseaux et les insectes décident de ne plus butiner, il n'y aurait probablement plus de pollinisation. Imaginez que l'hiver ne désire pas s'en aller pour laisser sa place au printemps, les saisons cesseraient d'exister.

Tout a une destinée...

Imaginez que les hommes arrêtent de s'aider, l'égocentrisme triompherait. Imaginez que toutes les mères abandonnent leur enfant, il n'y aurait que des orphelins, des coeurs vides, des trouées dans ces coeurs. Des gens abimés abritant des coeurs dépeuplés. 

Tout action a un impact...

Imaginez que tous les hommes jugent au premier regard, ils voient un Hadrien sûr de lui, débordant d'énergie et d'arrogance. Un Hadrien, facile à haïr. Peu de personnes ne savent où voir et comment écouter.

Imaginez que je cesse de l'aimer, alors qui le fera ? Qui lui donnera cette chance de lui faire comprendre qu'il est digne d'être aimé.

Car toute personne est digne et née pour être aimée...

Ce matin, je pose mes mots sur le papier. Debout, encore vêtue de mon pyjama, je couche les lettres A.M.O.U.R sur la toile blanche. Inspirée par ce que j'ai vu la vielle, je dessine Hadrien, ses mains tenant un coeur abimé. C'est ce que je vois en lui maintenant. Un être dépourvu d'amour, un coeur torturé qui n'a reçu aucune affection. Il n'a pas appris à conjuguer le verbe aimer. Dès le giron de sa mère, il a fait face à la haine. Il est entré dans ce monde voguant sur les vagues de l'hostilité. J'imagine déjà les yeux venimeux d'Elisa posés sur son nouveau-né. Les premiers mots prononcés à son encontre, enfantés dans la colère, issus des flammes. Ils ont dû laisser en lui, des empreintes, des traces, comme des moisissures sur un mur dans une pièce surchauffée. Les mots gorgés de haine ont proliféré dans son âme. Hadrien est devenu toxique pour lui-même et les autres qui l'entourent. Mais peut-on lui en vouloir ?

Il m'est impossible maintenant, de ne pas voir le mot AMOUR quand je le regarde. Les cinq lettres dansent sous mes yeux. Je ne sais pas exactement quelle heure il est, mais je termine mon tableau, mon ventre gargouille. J'ai faim et je suis épuisée. Toute cette créativité m'a vidé. Je ne prends pas la peine de me changer, je descends le grand escalier pour me rendre dans la cuisine grouillante de domestiques. Eugène me voit et m'offre un chaleureux sourire. Son visage rond et ses joues rebondies lui donnent encore un air enfantin.

Les odeurs acidulées me chatouillent les narines et je me sens revigorée.

— Qu'est-ce qui vous ferez plaisir Capucine ?

— Vous pouvez me concocter vos crêpes au beurre noisette, parfumée à la fleur d'oranger ?

— Tout de suite !

Un regard sur l'horloge m'indique qu'il est déjà 10 heures et j'ai raté mon cours avec Elisabeth. Je m'en fiche ! Je n'irai plus fricoter avec l'ennemi.

Avec admiration, je coule un regard sur mon cuisinier qui remue la pâte. Les traits de son visage sont doux, ses yeux sont vifs et souriants et son teint est rosi. Il me rappelle mon papa. Lui aussi a conservé, malgré l'âge et les rides, cet aspect enfantin. Ce que ma famille me manque !

LIBRE  #wattys2017. Série Brèches (terminée, en correction)Where stories live. Discover now