25- Fusillades

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Hadrien et Capucine regagnent la limousine dans un silence presque troublant. Leurs chaussures crispent sous le gravier, tandis qu'au dessus de leur tête, on entend gazouiller les oiseaux dans un ciel azur. L'air est doux. La journée parfaite pour batifoler dans la piscine, pense soudainement Capucine. Elle s'arrête un instant pour ramasser une feuille qui jonche sur le sol. Curieuse, elle ouvre le papier froissé, mais elle n'a pas le temps de lire le contenu que des coups de feu strient le calme qui règne jusque-là. Une fusillade éclate dans les jardins du musée. Un homme armé se met à tirer sur toutes les personnes en travers de son chemin. La première victime : un vieillard. Puis un enfant d'à peine 10 ans tombe, suivi d'une femme qui tente de sauver son enfant. La balle, la traite, plus rapide, vient se loger en pleine tête. Les cris fusent de toutes parts. Telle une fourmilière attaquée, les gens grouillent et s'agitent dans tous les sens. Le chaos en toile de fond.

— Monsieur le Dirigeant, nous devons vous mettre à l'abri ! Suivez-nous, intervient le garde.

La sécurité personnelle escorte d'urgence le couple Dirigeant jusqu'à leur véhicule. Celui-ci est soumis à un examen scrupuleux afin de détecter la présence éventuelle de bombe. Mais, même à l'intérieur, le vent de panique souffle encore. Capucine ne peut décrocher son visage de la vitre, ses yeux scrutent la scène. Ses mains se posent de part et d'autre de la porte. Troublée, elle n'a pas remarqué qu'elle suffoque, elle pleure de douleurs. Ce vieil homme ! Cet enfant ! Cette femme ! Pourquoi ? Pourquoi eux ?

Le fou prend alors l'adolescente à lunettes, se servant d'elle tel un bouclier, un couteau sur son cou. Des soldats l'encerclent, il est pris au piège.

Par dessus, les hurlements de panique, on entend l'ordre du capitaine :

— Lâchez la fille !

Capucine retient sa respiration. Pas l'adolescente !

— Lâchez la fille ! le capitaine réitère son ordre.

Mais l'homme a le regard déterminé et résigné. Il sourit. Il se moque de la mort. Après tout, c'est ce qu'il est venu chercher. On a donné à sa famille une coquette somme avec laquelle il les a envoyés en Arabie, dans sa ville natale. Il accomplirait les mêmes devoirs que son arrière grand-père, lors des attentats. Son père serait fier de lui. Ainsi, il retrouverait sa dignité, celle qu'il avait perdu en s'installant à la N.F. En serrant d'avantage la fille contre lui, il repense à sa journée d'hier.

L'après-midi, il avait prêté serment avec les autres, une main sur son coeur, l'autre sur son arme. Le soir, il avait serré son garçon et sa femme dans ses bras avant de les déposer à gare. Ainsi les dernières heures de sa vie, le soir il s'était octroyé un repas copieux, et avait savouré une bonne nuit de sommeil. Après tout, il préférait choisir le jour de sa mort que celle-ci ne le frappe sans prévenir.

Ainsi donc, déterminé, il plonge la lame dans la gorge de sa victime, avant de la jeter sur le sol rocailleux.

— Tirez !

À l'unisson, les balles criblent le corps du fou furieux. Il s'écroule.

La voiture démarre enfin sur un cri, Capucine. Elle martèle la porte à coups de poings.

— Je. Veux. Sortir !

— Impossible ! lâche Hadrien.

— Pourquoi ? Pourquoi il a tué tous ces gens ? dit-elle enfin.

— Capucine, il fallait s'y attendre ! Les représailles et les attaques ne font que commencer, avoue-t-il fermement.

— Mais les gens meurent !

— Je sais, mais c'est inévitable !

Elle est horrifiée. Une main se pose sur ses lèvres pour réprimer un autre cri. Elle est abattue par la vérité, ses yeux rougis par les larmes.

LIBRE  #wattys2017. Série Brèches (terminée, en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant