4- Cérémonie des mémoires

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Flash-back 

"Je rêve qu'un jour, chaque vallée sera rehaussée et chaque colline et chaque montagne sera aplanie, les aspérités seront nivelées et les endroits tortueux seront rendus rectilignes, et "la gloire de Dieu sera révélée et tout ce qui est chair le verra ensemble."

C'est notre espérance. C'est la foi avec laquelle je retourne dans le Sud. Avec cette foi nous pourrons tailler dans la montagne du désespoir, la stèle de l'espoir. Avec cette foi, nous pourrons transformer la cacophonie des discordes de notre nation en une belle symphonie de la fraternité. Avec cette foi, nous pourrons travailler ensemble, prier ensemble, lutter ensemble, aller en prison ensemble, défendre la cause de la liberté ensemble, sachant qu'un jour nous serons libres. Et ce sera le jour, ce sera le jour où tous les enfants de Dieu pourront chanter avec une signification nouvelle: "Ma patrie c'est toi, douce terre de liberté, c'est toi que je chante."

Martin Luther KING

N.F, en 2062

Le jour de la Cérémonie des Mémoires, l'évènement préparé depuis des mois, arriva. Elle débuta à 18H, par le chant de la chorale Les Petits Parisiens. Les enfants furent excités, non pas à l'idée de chanter en l'honneur des disparus, mais plutôt parce que filles et garçons se mélangèrent. Ils furent heureux d'être ensemble le temps d'une journée, toute catégorie sociale confondue, selon chaque région.

Devant la statue représentant deux soldats (l'un soutenant l'autre blessé), des cierges commencèrent à être allumés, pour se rappeler de la tragédie des attentats, pour que jamais la N.F ne revive ces instants-là. Des gerbes de fleurs furent déposées, en guise de gratitude envers le Dirigeant Suprême et les magistrats, d'avoir soutenu le pays comme ils le firent. Grâce à eux, la N.F avait éradiqué le divorce, les familles allaient mieux, le taux de délinquance avait notoirement baissé. Cette Cérémonie avait aussi lieu en l'honneur des leaders qui avaient perdu leur vie et ceux qui allaient les succéder.

Devant le Pavillon à Paris, se dressait un tableau lumineux : les tentes dressées devant le bâtiment accueillirent la foule grandissante, à la lumière des lanternes. Les soldats fidèles à leur poste, veillaient à ce qu'il n'ait aucun travers. Ce jour-là, le Gouvernement nourrissait ses invités de petits fours, des repas préparés par des bénévoles. Chaque enfant recevait sa lanterne pour la lâcher dans le ciel à 22H précises.

Les plus chanceux, les enfants de magistrats, avaient le droit d'aller et venir dans les jardins du Pavillon. Ce fut le cas, entre auxtres, de trois garçons et deux fillettes. Madelyne s'amusait à faire des tresses à son amie Capucine, tandis que dissimulé derrière le buisson, les admirait un gamin âgé de 10 ans. Il fut fasciné par la chevelure dorée de la jeune fille aux yeux turquoises. Sa voix était cristalline, sa peau blanche et laiteuse, son rire franc et agréable. Il aurait aimé lui parler, mais il était bien trop timide. La rouquine était téméraire. Elle s'amusait à faire courir son amie autour de la piscine, la faisait recommencer ses nattes mainte et mainte fois, ce qui amusa le garçon.

— Maddyyyyy...appela sa mère, vient voir cinq minutes, j'ai deux mots à te dire.

— J'arriiveuh...

Cette dernière s'éloigna, en sautillant. Deux adolescents, en costume, pompes cirées arrivèrent par derrière Capucine et la bouscula :

— Mais c'est roussette, que fais-tu par ici ?

— Ne m'appelle pas comme ça ! J'ai un nom, c'est Capucine, dit-elle, en colère.

— Pâquerette, viens par là, lui dit le boutonneux.

Il lui avait dérobé son sac à main. D'ordinaire, elle s'en fichait, elle n'était pas encore branchée mode, mais Madelyne avait insisté pour qu'elle le porte avec elle, elle le lui avait offert pour ses huit ans. D'après ses parents, il coutait une fortune.

— Rends moi ça, cria-t-elle en rentrant dans la cabane en bois.

Ils attendirent qu'elle eut le dos tourné, bien trop à récupérer son bien, pour crier « reste dans le poulailler, roussette. Tu n'es pas des nôtres ». Le timide garçon, qui vit la scène, prit son courage à deux mains pour défier les adolescents. Même s'il était plus intellectuel que bagarreur, il ne put laisser cette injustice filer.

— Laissez-la...tranquille!

— Sinon quoi ? dit le boutonneux, lui faisant face, tu vas appeler ton père, lui dirent-ils en choeur.

— Ne t'inquiète pas, cria-t-il à l'attention de Capucine, je vais te libérer.

— Viens, filons, reprit son copain en l'éloignant.

Timide ouvrit la cabane de bois et vit que la fillette pleurait à chaudes larmes.

— Ça va aller, tu es saine et sauve. Je te protégerai, il ne t'arrivera plus rien, tu en as ma parole, fit-il.

— Merci... moi c'est Capucine, dit-elle.

Alors qu'il s'apprêtait à lui révéler son nom, Madelyne débarqua en trombe dans la maisonnée, vit son amie pleurer. Elle poussa le garçon et attira Capucine hors de la cabane, bien loin de celui qu'elle tenait pour responsable des larmes de son amie.

— Moi...c'est...Hadrien, murmura-t-il, mais elle était trop loin pour entendre son prénom.

LIBRE  #wattys2017. Série Brèches (terminée, en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant