17- Le géant de l'âme

477 75 0
                                    

Hadrien

Le rejet. Ce sentiment déplaisant, il le connait que trop bien. Un ami fidèle. L'ombre de lui-même. Petit, c'était déjà assez difficile, mais il s'échappait dans la musique. Il rêvait de Capucine. Adolescent, il s'en était tant accoutumé de cette émotion monstrueuse qui s'était dissimulée dans les tréfonds de son âme. Latente et patiente, elle se gorgeait de ses peines en putréfaction. Hadrien avait fermé son coeur et mis un pansement pour cacher ses diverses blessures. Il se fourvoyait. Cette ombre est devenue un géant. Plus dévastatrice qu'auparavant, plus affamée que jamais, elle est enfin sortie de son sommeil. Les ficelles qui le liaient, sont devenues des liens serrés.

Capucine, libre. Capucine, intrépide. Capucine, authentique, a réussi a amorcé la bombe à retardement. Quel combat ! Son amitié semble affaiblir le géant, mais son rejet accentue ses tourments. Il est temps...de libérer la bête ou bien de l'anéantir. Que va-t-il choisir ?

— Hadrien, annonce Elisa. Les invités vous attendent pour le gala en votre honneur. Les journalistes sont là également.

— Mère, vous avez toujours été prévoyante...J'arrive.

Ses yeux s'attardent sur la photo de famille posée sur son bureau. Et il se souvient parfaitement de ce jour-là. Il avait 14 ans. Ses parents débarquèrent au pensionnat. Au téléphone, Elisa lui avait dit qu'elle avait hâte de le revoir. Il fut dans la joie. Enfin un moment avec les siens ! Son père avait privatisé le jardin pour eux trois. Ils feraient du tennis, profiteraient de la piscine, rigoleraient comme les rares fois où ils le firent. Le coeur rempli, il courût se jeter dans les bras de sa mère. Elle l'étreignit. C'était magique ! De courte durée, mais tout de même, c'était plaisant ! Ce n'est que lorsque son père annonça la venue des journalistes pour un reportage qu'il réalisa la trahison. Ses parents l'utilisaient. Ils se servaient de leur fils pour redorer leur image. Ils avaient essuyé des critiques sur des sites internet, il fallait bien réparer les brèches.

— J'aurai dû m'en douter, avait-t-il dit en défiant sa mère. Vous n'êtes pas taillée pour aimer.

— Hadrien, fiston, vous imaginez bien que nous n'aurions pas fait tout ce déplacement pour batifoler dans la piscine. Allons, allons, soyez raisonnable ! Nous avons une nation à diriger. Des alliances à signer.

— Les journalistes viennent d'arriver, annonça Henri. Installons-nous là-bas. Il nous faut être à la hauteur. Ce reportage risque de changer la donne. Et si tel est le cas, nous nous allierons avec la marque de sac la plus luxueuse qui soit. Imaginez, elle financera nos projets. Et son exécutant viendrait même à résider parmi les magistrats.

— Je ne vous décevrai pas père ! fit Hadrien, le visage figé, le coeur brisé.

La fête est somptueuse. Sa mère apprécie son retour au Pavillon. Elle est surtout ravie d'annoncer la passation de pouvoir d'Hadrien d'ici un mois pile. Les années avaient été douloureuses pour chacun, mais leur éducation avait porté ses fruits. Elisa admire sa progéniture descendre les escaliers. Quelle allure ! Quel charisme ! De grande taille, les épaules en V, un port de tête élégant. Hadrien possède un charme indéniable. Aux alentours, dans le regard des jeunes femmes célibataires, Elisa lit du désir. Quel dommage qu'il ait épousé Capucine ! Son épouse, cette ombre au tableau, cette tâche, cet insecte, cette usurpatrice ! Elle a trouvé un moyen pour l'évincer. Et pour l'heure, elle a déjà une idée en tête. Une faiblesse d'Hadrien. La beauté d'Elisabeth s'est accrue au fil des années. Quelques jours avant, Elisa l'a briefé sur la situation. Si la belle use de douceur et de sensualité, il ne lui résistera pas.

— Je ne suis pas dupe, dit-elle à Elisabeth. Mon fils n'a pas encore couché avec Capucine. Il l'adore, ça crève les yeux ! Mais elle ne peut éteindre le feu de ses désirs. C'est un homme et il a des besoins. Il ne tiendra pas très longtemps. Il tient de son père, j'en suis certaine. En revanche, ma chère, vous, vous pouvez le combler. Et lorsque vous le ferez, faites en sorte de porter sa progéniture.

LIBRE  #wattys2017. Série Brèches (terminée, en correction)Where stories live. Discover now