XXXIV) Le vivre est une chose, mais le dire...

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— Paola. J'ai tout de même une petite question avant d'aller retrouver ton père dans la cuisine. De quelle façon tu t'y es prise pour convaincre Flavio de me tirer de cette mauvaise passe ?

La bonne interrogation serait plutôt, comment vais-je me sortir de cette situation ?

Mensonge ou vérité ?

Il se relève du lit, saisit mes mains et me fixe inquiet. Bon sang, je sens que je vais passer un sale quart d'heure, mais rien ne vaut la sincérité, n'est-ce pas ?

— Paola ?

Elle est là ! Mais pour être honnête, elle préférerait être ailleurs à ce moment précis.

Allez, je me jette à l'eau.

J'affiche une mine décontractée histoire de dédramatiser ma réponse et j'annonce la couleur.

— Je lui ai demandé de t'aider et il a accepté. Tu viens maintenant,mon père va s'impatienter et finir par engouffrer toutes les viennoiseries. Ce serait dommage, hein ?

Voilà c'est fait ! Un petit sourire, puis je tire sur ses mains pour l'encourager à quitter ma chambre.

Bien évidemment, monsieur-je-veux-tout-savoir ne me laisse pas m'en tirer à si bon compte.

Dommage...

Il maintient fermement mes doigts pour me stopper dans mon élan. Je tente un regard de biche, mais devant ses billes assombries, je capitule et avoue mon péché.

— OK, OK. Un baiser.

Outch ! Ma succincte explication juste chuchotée lui fait grincer des dents. Avant même qu'il n'émette le moindre son, je lui affirme que mon geste était désespéré. À cela je rajoute que pour qu'il retrouve la liberté, j'étais prête à faire bien pire s'il le fallait. Très certainement touché par ma déclaration d'amour, oui parce que c'est bien de cela qu'il est question, sa mâchoire se relâche. Je salive déjà à l'idée de dévorer un gros croissant pur beurre, quand Théo poursuit son interrogatoire.

Zut ! C'était trop facile.

— Et hier soir avec Gabriel, tu lui as offert plus à lui ? Oui, parce que ton père m'a dit que tu étais rentrée tard cette nuit et que tu allais mal, mais cela ne veut pas dire que tu t'es rendue chez lui pour rompre !

Non pas ça ! Je ne veux pas y penser. Je ne veux pas me remémorer cette horreur et surtout, je ne peux pas la verbaliser. Cependant, Théo va me harceler jusqu'à ce que je crache le morceau et quel morceau...

Mes yeux le supplient d'abandonner l'inquisition. Ils inondent mes joues en guise de signaux de détresse, mais rien n'y fait, Théo persiste.

  — Tu ne m'as pas fait ça Paola ? Non. Pas après m'avoir avoué ton amour pour moi !

Ce mélange de colère et de déception dans son regard anime la douleur que je camoufle depuis des heures maintenant. J'en ai marre de ce poids, marre que l'on me juge sans savoir, marre, marre, marre...

— Toi, toi, toi !!! Tu ne parles que de toi ! Mais putain, as-tu la moindre idée du cauchemar que je viens de vivre ? As-tu un instant cherché à savoir pourquoi j'étais venue me réfugier chez mon père en pleine nuit ? Tu fais chier avec ta saleté de jalousie et tu ne vois même pas que j'agonise de l'intérieur ! Oui je ris, oui je te désire au réveil, oui j'ai l'air d'aller parfaitement bien, mais putain Théo... c'est parce que je ne veux pas croire que c'est réel !

Tu entends ? Je ne peux pas me dire que c'est fini, qu'il ne reviendra plus...

Il ne reviendra plus...

Je laisse mes maux s'échapper. Ils me brûlent la gorge et en même temps allègent ma poitrine compressée. Le pauvre, il ne comprend rien à ce que je raconte, mais mon état second doit suffire pour calmer ses nerfs. Il m'enlace, appuie tendrement sur ma nuque afin de blottir ma tête contre son cou et laisse les minutes silencieuses s'écouler afin que je m'apaise. Le cœur plus léger, je libère les dernières chaînes qui retiennent les mots maudits.

— Gabriel est mort.

Théo est estomaqué par le récit de ma nuit. Il s'excuse de son comportement égoïste et m'assure de son soutien pour surmonter cette tragédie.

Croissants, pains au chocolat et un vieux en guise de compagnie ! Venez vite !

Je passe un mouchoir en papier sur mon visage, glisse mon bras autour de la taille de Théo et descend enfin rejoindre mon Papou.

En prenant la tasse de café que mon père lui tend, Théo s'excuse de ne pas avoir réussi à attendre jusqu'au petit matin pour venir me retrouver. À cela mon paternel rétorque avec humour qu'il a été lui aussi jeune et fougueux. Les garçons m'épargnent en évitant le sujet malheureux durant le petit-déjeuner et je leur en suis reconnaissante. C'est uniquement en début d'après-midi, lors de mon départ pour mon appartement, que mon Papou me stipule que je dois aller faire une déposition au commissariat de police. Comme je l'espérais, Théo se propose tout de suite pour m'y accompagner.

***

Une fois le passage par la case policiers accompli, je n'aspire qu'à une seule et unique chose : me détendre sous une douche bien chaude. Il va de soi que ce moment de répit, je le désire avec un masseur particulier. Bien évidemment ma moitié accepte volontiers de jouer ce rôle. Contrairement à vos attentes, nos ablutions se font de façon presque religieuses. Pas de geste mal placé, juste quelques caresses prudes pour me réconforter. J'aime quand Théo redevient mon meilleur ami, car pour l'instant c'est de lui dont j'ai le plus besoin.

Une fois requinquée, le train-train quotidien nous rattrape vite. Lessives, rangement et bien évidemment ouvrir le frigo afin d'évaluer son contenu.

Verdict : nada !

En effet, ces derniers temps je fréquente que très rarement les grandes surfaces. Mon réfrigérateur ressemble donc au désert de Gobi.

— Je te propose une virée en amoureux au centre commercial. Qu'en dis-tu mon chéri ?

Théo acquiesce un sourire aux lèvres.

Nous voilà arpentant les rayons pour collecter un maximum de victuailles et ainsi éviter de renouveler trop rapidement cette corvée, quand, au détour d'une tête de gondole, je percute le corps d'une femme.

— Excusez-moi mad...

Non mais pincez-moi, je rêve !

Je recule prestement de trois pas comme si la Faucheuse se tenait debout face à moi. Cette dernière mime de même à perfection ma gestuelle. Nous sommes comme deux aimants aux pôles qui se repoussent. La surprise passée, je bombe le torse, serre les poings le long de mon corps et la défie du regard.

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Coucou mes loulous !

Encore une petite intrigue pour la fin. Ça vous manquait, hein ? ☺☺☺

Bisous et excellente journée !

Entrée dans la nuit (Terminé ) (Protégé par copyright)Where stories live. Discover now