XXV) Quiproquo

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Plazza café :


J'entre. Je reprends mon souffle, perdu autant par le stress que par mes pas rapides sur le bitume. Je balaie la salle du regard. Je ne le vois pas. Flavio est très ponctuel, c'est bizarre. Puis, une main se lève jusqu'à dépasser d'une paroi en bois. Il s'est installé au fond du bar, dans un endroit discret. Je m'approche alors de ce cocon très certainement réservé aux couples désireux d'intimité.

Le soleil filtre derrière lui. Ses rayons illuminent la blondeur de sa chevelure. Ses yeux me dévorent rapidement de bas en haut, avant de se figer dans mes iris. J'avale en vain la boule qui me gêne dans la gorge. Un petit pincement désagréable se forme dans ma poitrine. Je suis droite comme un « i » devant cet homme qui a autrefois si souvent goûté mes lèvres. Il m'intimide. Sûrement conscient du mal-être qui me gagne, il m'offre un charmant sourire et se lève pour m'embrasser. Pourquoi son parfum musqué et sa barbe de trois jours sur ma joue, me troublent autant ? Un tourbillon de doux souvenirs en sa compagnie me percute de plein fouet. Son parfum...c'est son odeur qui réveille en moi ces moments passés que je me suis efforcée d'enfouir au plus profond de mon être. Je dois me ressaisir, car tous ces effluves sont obsolètes aujourd'hui. Il faut laisser le passé au passé.

  — Tu es resplendissante Paola. Comme toujours.

  — Merci. Tu n'es pas mal non plus.

On se sourit et la connexion entre nous est immédiate, comme avant.

  — Si tu as pris la peine de m'appeler, c'est que tu as un sérieux problème. N'est-ce pas ?

Il n'y a pas l'ombre d'un jugement dans sa voix, ce qui me permet de relâcher la pression qui commençait à rendre mes muscles douloureux.

  — On ne peut rien te cacher.

J'hésite un instant par peur de le blesser, puis forcée par la situation, je me jette à l'eau.

  — Théo a été arrêté pour coups et blessures...

  — Je suis au courant de l'affaire, me coupe-t-il.

  — J'ai besoin d'un avocat.

  — Tu veux que je te donne la liste de confrères réputés ?

  — Non Flavio. J'ai besoin d'un excellent avocat.

Il fourrage ses doigts dans sa tignasse et me supplie du regard.

  — Tu ne peux pas me demander ça. C'est au-dessus de mes forces. Je sais que tu m'en veux pour ce que je t'ai fait, mais tu es à mille lieues de connaître la raison qui m'a poussé à agir ainsi.

  — Tu te trompes. Je suis au courant de tout. De ton choix de me rendre ma liberté, de ma sœur qui t'a piégée, de tout tu vois.

Flavio se glisse sur la banquette arrondie en skaï jusqu'à frôler ma cuisse. Un frisson m'électrise la colonne vertébrale. Il saisit mon menton entre son pouce et son index, le relève afin de capter mon regard et sa voix m'envoie de nouvelles décharges électriques dans le corps.

  — Je t'aime Paola.

Je ne bouge plus, je continue juste à lire dans ses yeux. Quand, ceux-ci quittent les miens pour admirer ma bouche. Mon cerveau allume alors le signal d'alerte. Avant que Flavio plonge vers mes lèvres, je lui dépose un rapide baiser sur la joue.

  — Quelque part une femme t'attend et cette femme, ce n'est pas moi. Tu es quelqu'un de bien et pour être honnête avec toi, tu mérites mieux que ce lot de consolation sans cœur.

Il reprend un peu de distance avec mon corps et soupir.

  — Elle ou une autre... De toute façon, je n'ai plus vraiment le choix.

Que répondre à cela ? Je ne peux délibérément pas lui conseiller d'abandonner la future mère de son enfant. J'opte donc pour le silence. Je l'observe et constate que son esprit est parti bien loin d'ici.

Quand...

  — Je suis d'accord pour tirer Théo de ce traquenard, mais comme je vais en crever de te le rendre, il me faut une compensation.

  — Une compensation ?

  — Oui Paola. Un dernier vrai baiser de ta part. Il sera insignifiant pour toi, mais gravé au fer rouge pour moi. Je veux une dernière fois goûter à la douceur de tes lèvres, une dernière fois te serrer dans mes bras, une dernière fois...

Bon sang, pas ça !

Pourtant, ai-je le choix ? La vie de Théo en dépend. J'accepte sa requête d'un hochement de tête. Je n'arrive même pas à lui en vouloir. Le désespoir le pousse à agir ainsi.

Il se rapproche à nouveau de moi et encercle mon poignet entre ses doigts. Il le dirige vers son cœur, afin que je dépose ma paume sur sa poitrine. Son rythme cardiaque est fougueux tel un cheval au galop. Son torse se soulève rapidement et de façon saccadée. Il me regarde sans oser approcher son visage du mien. Ses yeux brillent de larmes retenues et j'y décèle de la souffrance. Touchée par sa détresse, j'applique lentement mes mains sur ses joues et après une seconde d'hésitation, je plonge vers sa bouche. Je ferme les yeux, relâche mes épaules et m'abandonne dans ses bras pour lui offrir une dernière fois un moment intime. Il m'accueille avec douceur, puis poussé par son désir, il pose sa main derrière ma tête et approfondit notre échange. Sa langue se fraye un passage entre mes lèvres pour venir taquiner la mienne.

J'ai mal au ventre. Une saveur salée vient se glisser entre nos bouches scellées. Il rompt alors notre baiser pour me serrer fort contre lui.

  — Pardon pour mon égoïsme.Pardon, me susurre-t-il.

Je pleure à chaudes larmes, mais je ne lui en veux pas.

  — Tiens, toi ici ?

Je manque de m'étouffer en entendant cette voix. Je me dégage rapidement des bras de Flavio, tout en sachant que ma situation est irrécupérable.

  — Tu ne me présentes pas ton petit ami ? Oh pardon, vu ta collection de prétendants, cela ne doit pas être évident pour toi de tous les présenter !

Comment me défendre quand je viens de rouler une pelle à mon ex et que cette chipie de Millie se trouve comme par hasard dans le bar. Je suis grillée, morte, détruite.

De nouveau, j'opte pour le silence.

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Coucou

Paola est dans une situation très délicate.

Cette Millie est toujours là au bon moment.

Bisous et à très vite ;)

Entrée dans la nuit (Terminé ) (Protégé par copyright)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant