Oikawa

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-Réveille-toi, Tobio. S’il te plait. S’il te plait.

Oikawa n’avait aucune idée du nombre de fois où il avait dit et répété ces mots depuis la veille. On ne l’avait délogé du chevet de Tobio que lorsque les infirmières de service nocturne avaient décidé de le reconduire dans sa chambre. Il avait passé une nuit épouvantable, en proie à des cauchemars qui l’avaient laissé en sueur et tremblant. Il n’avait pas osé appeler les infirmières et était resté ainsi une bonne partie de la nuit. Dès le lendemain matin, aux aurores, il était revenu, espérant une évolution de l’état de Kageyama.

-Tu ne peux pas me laisser ici tout seul. Pas après tout ça. J’ai besoin de toi.

Il n’avait pas revu Hinata. Le rouquin était sorti de la chambre la veille au soir, l’air étrangement déterminé après avoir passé une dizaine de minutes avec Tobio, seul à seul, comme il l’avait demandé. Oikawa n’avait pas cherché à écouter ou savoir. Hinata avait toujours compté pour Tobio, pourquoi l’empêcher ? Il devait aussi faire le deuil de leur amour. Mais pas d’autre deuil. Surtout pas.

-Je t’apprendrai à servir, si tu veux encore. Je viendrai voir tous tes matchs. Je dirai « regardez, c’est mon petit ami, le numéro 9 ! Le passeur de génie, c’est mon Tobio-chan ! J’étais son senpai… ».

Il était trop tôt pour les visites. Peut-être que Mai et Kuroo reviendraient, et d’autres gens avec eux. Pour l’instant, mieux valait limiter le nombre de personnes dans la chambre de Tobio. Ce n’était pas un spectacle. Il avait besoin de calme. Tobio n’avait jamais aimé être dans la foule.

-Je suis désolé, désolé pour tout, pour tout le mal que j’ai pu te faire, pour le collège et le lycée et même après, et même samedi… Je t’aime, tu sais… Je voudrais ne jamais t’avoir jamais blessé mais c’est trop tard. Tu peux m’en vouloir autant que tu veux, je l’assume. Je suis désolé.

Il venait de retomber dans un silence consterné depuis quelques minutes quand la porte s’ouvrit. Un médecin et deux infirmières entrèrent, parurent surpris de le trouver là.

-On vient pour les soins, annonça enfin le médecin, pas le même que celui qu’il avait vu dans son propre service la veille.

-Je suis son petit ami, se justifia faiblement Oikawa.

Tous trois semblèrent s’adoucir. Le médecin lui demanda tout de même de s’écarter pour qu’ils puissent travailler librement et Oikawa obtempéra, anxieux. Il espérait aussi recevoir quelques mots du médecin par rapport à l’état de Tobio. Le médecin inspecta d’abord les comptes rendus donnés par les machines, et Oikawa retint son souffle quand les infirmières relevèrent les couvertures.

Les dégâts étaient internes, apparemment. Tobio ne semblait, de l’extérieur, pas tellement plus blessé que lui-même. Quelques bandages à priori, surtout sur le ventre et la poitrine, mais quand les infirmières les défirent pour nettoyer les plaies, elles n’étaient pas jolies du tout. Bien plus profondes que les siennes, en tout cas.

Tout cela parut interminable à Oikawa, les procédures, il ne comprenait rien. La fatigue et l’angoisse le rendaient comme stupide face à ce qui l’entourait. Parfois il se demandait s’il était encore dans le réel ou s’il était mort. La blancheur et les pastels fades des murs de l’hôpital l’écœuraient, les gens lui semblaient tous désincarnés. Le passé lui semblait lointain et révolu désormais.

Quand les soins furent finis, il avait l’impression d’avoir assisté à quelque chose qu’il n’aurait pas dû voir, comme s’il était impudique. Le corps de Tobio lui était pourtant familier… Le médecin se dirigea enfin vers lui et commença à lui parler, et Oikawa avait envie de se secouer et se débarrasser de son état d’hébétude, mais les mots étaient longs et scientifiques. Il dit quelque chose à propos de vertèbres, beaucoup de « peut-être », un « peut espérer ». Il lui tapota amicalement le bras. Oikawa eut l’impression globale que Tobio allait un peu mieux.

Des Coeurs et des CorpsWhere stories live. Discover now