Des Coeurs et des Corps

Kageyama

Oikawa était un con.

Purement et simplement, se disait Kageyama en remontant rapidement un chemin peu fréquenté. D'ailleurs, c'était ce qu'il avait pensé toute sa vie. Enfin, presque. Il avait toujours trouvé Oikawa admirable, en particulier sa façon de servir –enfin, jusqu'à ce qu'il lui demande gentiment de lui apprendre et qu'il manque de se prendre une main dans la figure. Depuis ce moment, il avait changé sa façon de voir Oikawa. Sous ses apparences futiles et agréables, c'était un monstre.

Tobio ne savait même pas pourquoi il voulait le voir. Et avec une bonne façade pour le contacter, bien sûr –Hinata n'avait pas su, Hinata n'avait pas à savoir. Tobio ne voulait pas qu'il soit blessé, il souhaitait juste reprendre sa petite vie normale avec son copain, il dissimulait donc pour la bonne cause, n'est-ce pas ? En outre, il n'imaginait même pas le chaos qui se serait ensuivi s'il avait dit que, cette nuit là, cette fameuse nuit, il était avec Oikawa. Il sentit ses joues s'embraser rien qu'en y pensant.

Il n'avait pas voulu cela, jamais, même pas envisagé. Pour lui, tromper était quelque chose de grave, d'impur, à proscrire de la société. Un infidèle était quelqu'un de répugnant, de versatile, indigne de confiance. Jamais il n'avait imaginé devoir endosser ce rôle, jamais il n'avait imaginé qu'il pouvait déraper.

En même temps, Hinata était son seul et premier amour, et il trouvait qu'ils allaient ensemble à merveille. Oui, Tobio était heureux avec Shouyou. Ils avaient pris un appart dès qu'ils avaient quitté le lycée. Des fois, Tobio pensait à leur avenir, lorsqu'il ne trouvait pas le sommeil et qu'il fixait le plafond pendant des heures. Il regardait Hinata endormi, et se demandait si, un jour, ils se marieraient, et adopteraient un bébé. Et le futur lui paraissait trop loin du haut de ses dix-huit ans, il renonçait à l'envisager en se disant que les choses auraient changé d'ici-là. Il se sentait bien aux côtés de Hinata. Une petite présence, mais une présence forte, pour l'épauler.

Lorsqu'il s'était réveillé, tôt, le samedi matin, il s'était d'abord demandé ce qui se passait. Pourquoi le lit paraissait plus étroit et il faisait si chaud. Il s'était dit que, décidément, Hinata était bien plus grand et imposant qu'il n'avait pensé la veille, et s'étalait quand même pas mal dans le lit, avant de se rendre compte que c'était parce qu'il ne s'agissait justement pas de Hinata. Tobio avait regardé avec des yeux écarquillés le visage paisible d'Oikawa, en se posant question « Que fait mon ancien senpai dans mon lit ? ». Ensuite, il s'était montré un peu plus observateur et avait dû inclure « nu » entre « senpai » et « dans mon lit ». Puis, il avait constaté avec horreur qu'il se retrouvait dans le même cas, et les souvenirs de la veille avaient afflués comme un ras de marée.

Quand il avait vu Oikawa Tooru entrer dans le bar, il avait d'abord évité de le regarder. Il avait parlé de Hinata avec Kenma, Aone, et ri avec son équipe. Après six ou sept verres, il s'était senti mal et était sorti dans la cour, histoire d'avoir un peu d'air frais. Il se souvenait s'être appuyé pour le mur, en raison de son équilibre soudain précaire –ou plutôt le sol qui bougeait, comme il le pensait à ce moment- et avoir respiré profondément. Là, une voix l'avait appelé « Tobio-chan » derrière lui, et ça ne pouvait être qu'une personne pour parler avec une voix aussi agaçante, et utiliser un surnom tellement ridicule. Oikawa fumait, appuyé contre le mur, juste à côté de lui. Ils avaient entamé les hostilités, puis il avait avoué qu'il avait entendu la conversation avec Kenma sur Hinata, et il était curieux. Son petit kouhai devenait un homme –c'étaient ses mots. Il l'avait regardé, en le dominant de quelque centimètres et en écrasant sa clope, d'une manière intense, un peu brouillée par l'alcool qu'il avait ingurgité. Et là, il avait dit :