Oikawa

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Tooru s’était toujours demandé pourquoi il n’avait pas fait de théâtre.

Puis, la réponse venait naturellement : parce qu’il consacrait tout son temps au volley-ball. Tout simplement.

Pourtant, il mentait à merveille. Ainsi, Iwaizumi n’avait que rarement remarqué ses états d’âmes, et les autres ? De simples amis, des filles éphémères, des coéquipiers, jusqu’à sa famille, qui ne voyaient de lui que la surface. Peu à peu, Tooru s’était fondu dans cette personnalité qui le rendait populaire. Il était peut-être un peu futile de base, mais sa volonté avait forcé le trait jusqu’à la caricature. Parfois, il s’en amusait ; d’autres fois, il s’écœurait lui-même.

Le jeudi et le vendredi étaient passés avec une lenteur exaspérante. Sur les deux jours, il s’était réveillé seul ; Iwaizumi était rentré vers vingt heures le jeudi, mais Tooru avait esquivé toutes les tentatives d’approche physique. Tant pis pour les câlins et les baisers, il n’aurait qu’à exploiter à fond les quelques heures qu’il passerait avec Tobio. Bien sûr, Hajime n’avait pas été dupe, conscient d’être évité. C’est pourquoi, le vendredi soir, il était revenu beaucoup plus tôt qu’à l’accoutumée de son travail, peu après qu’Oikawa soit rentré de la fac. Il gérait tranquillement son rôle d’administrateur sur volleywood quand il entendit la porte d’entrée, et, se retournant inquiet, il avait vu Iwaizumi surgir avec un bouquet de lilas mauves. Oikawa était resté un instant stupéfait, puis avait accepté le bouquet avec un grand sourire, et embrassé Hajime pour le remercier.

Iwaizumi avait un peu travaillé dans le salon, pendant que Tooru continuait à gérer le site. Par curiosité, il rechercha la symbolique des fleurs. Les lilas mauves… Sur le premier site, c’était le symbole du premier amour. Flatteur. En approfondissant un peu ses recherches, Tooru découvrit que c’était plus précisément l’inquiétude amoureuse. Ce n’était pas vraiment un hasard, les lilas mauves n’étaient pas la première fleur qui venait à l’esprit pour offrir un bouquet. Avait-il donc senti les choses à ce point ? Il s’en voulut qu’Iwaizumi redoute quelque chose. Certes, ils n’étaient pas dans la meilleure phase de leur relation –peut-être bien la pire- mais tant qu’il restait des sentiments… Et si Iwaizumi voulait le reconquérir, il pouvait toujours ! A peine Tooru avait-il pensé cela qu’Hajime se racla la gorge et lança avec une fausse désinvolture :

-Et… si on mangeait dehors, ce soir ?

Oikawa se retourna sur la chaise, les yeux écarquillés.

-Euh… ouais ? répondit-il.

Il se rendit compte qu’il ne sonnait pas très convaincu et se hâta d’ajouter :

-Pas de problème, avec plaisir ! Où ça ?

Iwaizumi haussa les épaules.

-Sur la plage ?

Evidemment, ils n’étaient pas très loin de la côte, Sendai était un port ; mais ce qui étonnait Oikawa était que Hajime ne faisait habituellement pas dans le romantisme –et il se souvint encore de la soirée de l’avant-veille. S’il faisait des efforts à ce point, c’était que la situation était grave.

Le soleil tournait doucement à l’orange quand ils s’installèrent dans un coin de plage désert ; Iwaizumi étendit une couverture sur le sable et ils mangèrent lentement des sandwichs et des fruits. Hajime portait un t-shirt sans manches, qui révélait les muscles impressionnants de ses bras. Tooru se souvint de l’impression d’être protégé qu’il ressentait quand ces bras l’enserraient, et ça lui paraissait si lointain ! Quand ils riaient ensemble de tout et de rien, qu’ils arpentaient fièrement la rue main dans la main… Maintenant, ne restaient que quelques débris de relation qu’ils tentaient de faire revivre. Ce n’était plus une continuité de bons moments qui formaient une routine, à présent chaque souvenir agréable devenait un évènement. Tooru s’en voulut de penser ainsi et posa mélancoliquement sa tête sur les genoux d’Iwaizumi, les yeux perdus dans le ciel où commençaient à luire les étoiles. Hajime caressa ses cheveux quelques instants, ses doigts errants dans les mèches rebelles.

Des Coeurs et des CorpsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant