Kageyama

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Tobio avait littéralement supplié Oikawa de ne rien lui acheter pour la Saint-Valentin. Lequel, avec un regard dédaigneux, s’était apprêté à répondre d’un air outré avant qu’une voix ne l’interrompe :

-Et forcer Oikawa à renoncer à la traditionnelle boîte de chocolats en forme de cœur ? Tu rêves !

Kuroo était tranquillement assis dans un fauteuil, altier comme s’il en était le propriétaire ; les deux pieds au sol, les jambes un peu écartées et les bras reposant, inertes, sur les accoudoirs. Tobio eut l’impression fugace que l’ancien capitaine de Nekoma se croyait au cinéma, et qu’Oikawa et lui en train de se chamailler faisaient office de film. Une comédie, certainement, songea-t-il, à voir le demi-sourire qui ne semblait jamais quitter les lèvres de Kuroo s’élargir.

Celui-ci s’intégrait parfaitement au décor du salon de Mai, à présent, à force d’y passer un temps qu’Oikawa jugeait suspect. Et Mai semblait s’être faite à ce qu’il y ait toujours du monde dans sa maison. Elle s’attristait même un peu quand Tooru parlait de partir bientôt, craignait presque de revenir à la solitude, et lui faisait promettre de revenir, plus tard, quand il serait installé. Une autre manière plus subtile, remarquait Tobio, de lui faire comprendre qu’elle préférait infiniment plus qu’Oikawa entre dans la famille… au détriment de Hinata.

Il ne comptait plus les fois où Mai s’était alliée à Oikawa, ou l’inverse, pour le sermonner longuement sur ce qui se passait avec Shouyou.

-C’est presque même pour lui que tu dois le faire, martelait Mai. Tu lui fais du mal, on le sait, et ce pauvre rouquin est incapable de te quitter. Rends-lui les choses faciles.

-Imagine, insistait Oikawa, tu serais libre, on recommencerait tout, ensemble. Dans quelques semaines, à peine, je serai indépendant, tu n’auras qu’à me rejoindre et on fera notre vie.

-Plus tu fais traîner les choses, plus tu perds ton temps, tu t’embourbes…

-Quand est-ce qu’on s’assumera comme couple ? Sérieusement, après c’est moi qui me pose les questions. Au fond, tu le préfères encore à moi ? C’est avec lui que tu veux t’afficher et pas avec moi ?

Et Tobio savait. Il savait qu’il faisait tout ce qu’il ne fallait justement pas faire. L’occasion parfaite lui avait filé entre les doigts avant qu’il ne s’en saisisse, Hinata l’avait déstabilisé avec sa déclaration qui lui avait bloqué les mots de rupture dans la gorge. La dernière arme de Shouyou, la seule qui fonctionnait, qui atteignait encore Kageyama. Et qui avait pris Tobio au dépourvu, puisqu’il s’attendait à ce que les sentiments soient depuis longtemps éteints autant de son côté que de celui de Hinata. Alors il était resté, et se sentait lâche, aggravé par la déception qu’il lisait dans les yeux d’Oikawa.

D’autres problèmes fleurissaient petit à petit. Tobio était envahi par le doute, de tous côtés, pas seulement au sujet de Hinata ; mais il s’interrogeait sur sa relation avec Oikawa. Elle était partie d’une nuit d’erreur, avaient-ils vraiment un fondement solide ? Et que la base de leur relation n’ait été qu’un plan cul… Pouvaient-ils vraiment parler de sentiments sincères ? Et si, s’inquiétait Tobio, cet amour n’avait été que le fruit de la déception des absences d’Iwaizumi, une solution de remplacement ? Il n’en doutait pas, mais à présent, il se retrouvait le seul objet de l’amour et du désir d’Oikawa, et ne se sentait pas tellement à la hauteur. Il s’interrogeait sur sa capacité à garder Oikawa, à ne pas le décevoir. Lui qui voulait tellement intégrer l’équipe nationale, il serait toujours en déplacement ; et alors, il serait tout autant, pour ne pas dire plus, absent que ne l’avait été Iwaizumi. Et Oikawa ? Pourquoi ne reproduirait-il pas alors exactement le même scénario avec quelqu’un d’autre, et pourquoi un jour en rentrant ne le trouverait-il pas avec un autre mec pour se distraire, comme il l’avait fait avec lui ? Tobio s’en voulait alors de ce manque de confiance.

Des Coeurs et des CorpsWhere stories live. Discover now