Aukätaiciai

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- Que vas-tu lui faire ?

Ce sont les seuls mots qui me viennent après que tu aies attaché Alana sur la chaise de la chambre, à l'aide des tissus que tu as arraché des draps pour la maintenir ainsi lorsqu'elle se réveillera. Je n'arrive plus à réfléchir correctement, c'est comme si je devais prendre une décision dans la seconde qui suit, sans devoir prendre mon temps ou avoir assez de recul pour choisir. Je passe d'ailleurs mes mains sur mon visage, en frottant mes yeux au passage, comme pour me sortir d'un mauvais rêve, bien que ça fait quelques années à présent que je suis coincé dans ce même cauchemar sans fin.
Cependant, tu attrapes mes poignets pour les abaisser, mon regard rencontre le tien, ce dernier qui est dur à présent, je ne l'avais encore jamais vu. On dirait une bête sauvage sortie de sa cage. Pourtant, il y a quelque chose de rassurant. Pour moi, en tout cas et je n'ai pas le temps de prononcer quelque chose d'autre que l'on entend déjà les gémissements de douleur d'Alana. Alors tu t'écartes de ma personne afin d'aller t'asseoir en face d'elle, sur le bord du lit.

- Will ?

De sa bouche, j'ai plus l'impression d'entendre un appel à l'aide. C'est sûrement ça d'ailleurs, mais je suis incapable de réagir pour le moment. Alors je m'écarte simplement de sa personne afin que je ne sois plus dans son champ de vision.

- Ma chère Alana Bloom, que va-t-on faire de toi ? Me pointer avec ce revolver, pointer Will avec, ce n'est pas très accueillant. Ajoutes-tu, avec le même ton qui me plaisait autrefois. Mais je suis ravie de te revoir, après tout ce temps. Comment va ta tendre petite famille ?
- Elle se porte mieux que toi, Hannibal.

Bien envoyé, je dois le reconnaître, mais ça ne te plaît pas, je le vois à ton visage cependant tu te ressaisis rapidement pour ne rien laisser paraître plus longtemps. Je me demande si elle l'a remarqué. Bien sûr que non, son regard est tourné dans ma direction, à la recherche d'une aide mais j'ignore quoi faire.

- Te souviens-tu de cette promesse ?

Sur le coup, je te regards d'un air étonné. De quelle promesse parles-tu ? Et à la vue d'Alana, je comprends que ce n'est rien de bon. D'ailleurs mon sang ne fait qu'un tour et je m'approche d'elle comme si je pouvais les séparer. Mettre un terme à ce lien qui les unit, à cette promesse.

- Hannibal, je peux m'en charger. J'en suis responsable.

Malgré ce que je viens de te dire, tu m'ignores, tu restes focalisé sur cette pauvre femme attachée sur cette chaise, qui hurle intérieurement que l'on vienne l'aider.

- Le cœur humain possède une gorge affamée. Cites-tu, presque dans le vide, pour toi-même avant de te lever du lit et de m'écarter du passage avec cette main sur mon épaule.

C'est à ce moment là que l'on peut entendre Alana céder à la terreur, à te supplier de la laisser, qu'elle a un fils, qu'il a besoin d'elle. Mais rien ne fonctionne, tu continues de t'approcher jusqu'à te positionner derrière sa personne. Je m'entends également te dire de la lâcher, que l'on peut trouver une solution, une autre que celle qui l'attend. Pourtant, tu n'en fais qu'à ta tête, tes lèvres se collent presque sur l'une de ses oreilles pour lui murmurer ces quelques mots ; « je tiens toujours mes promesses ». Et c'est dans la seconde qui suit que tes mains accueillent sa nuque que tu tords lorsque sa tête se tourne brusquement sur le côté. Ma respiration se bloque presque au même moment, rien ne sort de ma bouche, je n'arrive pas y croire. Je n'arrive pas à croire que tu viens de ôter la vie de mon amie.

******

« Le corps sans vie d'Alana Bloom a été retrouvé hier soir au musée d'art moderne et contemporain de Baltimore. Son corps a été positionné et suspendu, reprenant les mêmes caractéristiques artistiques qu'utilise Paul Fryer pour son œuvre intitulée Lucifer... ». Allongé sur le dos, contre le matelas de la chambre, j'écoute les informations qui se répètent toutes les trente minutes, à peu près. Deux jours que tout ça s'est passé, deux jours que je ne t'ai pas vu. Deux jours que je me retrouve aussi vide que toi. J'ignore ce que je ressens à cet instant précis, je suis simplement perdu et visiblement tu l'as bien compris puisque tu ne cherches pas à me contacter pour le moment, comme si tu avais décidé de me laisser respirer durant quelques jours. Ce qui est surprenant venant de ta part, mais je n'en tiens plus vraiment compte à présent.
C'est moi qui ai voulu que le célèbre psychiatre revienne parmi nous, que tu reviennes parmi nous. Je ne devrai pas être surpris par ce geste, je ne le suis pas. Mais Alana n'était pas n'importe qui. Comme Abigail. Tu me les as enlevé toutes les deux.
C'est justement à cette pensée que l'on frappe à la porte de la chambre du motel, autre que celle que l'on avait louée, tous les deux. Alors je me lève et c'est sans étonnement que je me retrouve face à toi.

- Will.
- Hannibal.
- Comment te sens-tu ?
- C'est plutôt à moi de te demander ça. J'ajoute sans me rendre compte de mon ton héritable.

Tu soupires puis entres dans la pièce, en prenant soin de fermer la porte après ton passage.

- Penses-tu que le mal et le bien existe ?

J'en reste perplexe quelques secondes avant de m'allonger à nouveau sur mon lit, réfléchissant à cette question.

- Je pense que le mal et le bien ne sont qu'une fiction.
- Penses-tu alors que la mort d'Alana soit un acte considéré comme étant quelque chose de « mal » ?
- Je pense que sa mort n'était pas nécessaire.

Un autre soupir s'échappe de tes lèvres avant que tu ne prennes place à mes côtés, également allongé. Nos regards fixent le plafond et j'attends. J'attends tes conseils, que tu me parles de tes réflexions. Mais à la place, tu répliques :

- Toutes mes excuses, Will.

Je ferme mes yeux durant quelques secondes après ces mots, ces derniers qui résonnent dans ma tête et qui me rendent presque vulnérable.

- Tout ça sera bientôt terminé Will, je te le promets.

Inside your veinsOnde histórias criam vida. Descubra agora